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EL HADJ DEMBA DIA, REALISATEUR DE «J’EXISTE» SANKARA ET MOI...

05 - Septembre - 2017

«J’existe», documentaire du jeune réalisateur El Hadj Demba Dia, est l’un des deux courts métrages qui représentent le Sénégal à la 17ème édition du Clap Ivoire, qui s’est ouverte hier, lundi 4 septembre, et qui se poursuit jusqu’à ce 10 septembre. Derrière la caméra, un personnage engagé, accroché à son «cinéma conscient», fait de «personnages familiers», comme à cette figure symbolique dont il chercherait à réhabiliter le combat : Thomas Sankara, qu’il dit avoir rencontré, la toute première fois, quelque part dans les mots de son père…

A y voir de près, la petite caméra de notre réalisateur porte encore les traces de ce que l’on appellerait son «ancienne vie», de ses années d’avant-cinéma dont il parle quasiment avec le poids de l’âge, et avec dans la voix, là-bas à l’autre bout du fil, le sourire entendu de ceux-là qui en ont vécu d’autres…De la bouche d’un jeune trentenaire comme El Hadj Demba Dia, avouez qu’il y a de quoi se montrer perplexe. Son ancienne vie ? Il y en a eu plusieurs : le jeune bachelier d’il y a quelques années, le jeune homme de l’époque qui s’amusait à confectionner des t-shirts pour ses «amis rappeurs», etc. Son cinéma engagé, ni blasé, ni indifférent, et presqu’à fleur de peau dirait-on, vient sans doute de là ; de cet «univers» où il a «grandi», du flow d’un Matador ou d’un Awadi, qui l’ont l’un et l’autre énormément «influencé». Sans parler de cette façon dont Awadi va tout simplement le façonner, ou le «politiser» comme il dit.

A tel point que vous l’entendrez peut-être vous dire, qu’il aurait pu faire de la musique, qu’il y a plus ou moins songé, dans une autre vie, mais qu’il lui aurait forcément manqué quelque chose : la magie de «l’image», «l’écran», la caméra, le pouvoir de «confronter les gens à leur propre réalité», à leur «propre quotidien»…

Le déclic ? Les «inondations de 2005», qui «touchèrent la banlieue» et ses nombreuses habitations, piégées par les eaux….Guinaw Rails, son «quartier d’enfance», n’est pas épargné à l’époque, et c’est le moins que l’on puisse dire. «Nous étions la population la plus touchée», dit à ce sujet El Hadj Demba Dia, qui se souvient d’ailleurs que c’est à ce moment-là, justement, que de nombreux jeunes du coin ont décidé d’aller à l’aventure. Partir loin, et ne jamais revenir. «La conscience politique» du jeune cinéaste, elle aussi, remonte à ces années-là…Jusqu’à la fameuse rencontre avec Abdel Aziz Boye, avec qui il finira par lancer Ciné-Banlieue : «Quand j’ai rencontré monsieur Boye, j’ai trouvé dans le cinéma un puissant outil de communication. Je me suis dit que c’était cet outil- là qu’il me fallait. »

Aujourd’hui, près d’une dizaine d’années plus tard, c’est avec son court métrage, «J’existe», (son troisième), que le jeune réalisateur va donc représenter le Sénégal à la 17ème édition du Clap Ivoire, qui s’est ouverte hier, lundi 4 septembre, et qui se poursuit jusqu’à ce 10 septembre. Nous reviendra-t-il primé ou avec quelque distinction ? Qui sait ?! Toujours est-il que Demba Dia n’est pas vraiment du genre à faire la fine bouche : «Participer c’est bien, dit-il, ça sublime, et les festivals servent à se confronter à d’autres artistes, à d’autres horizons, à voir où l’on en est…Mais gagner c’est extraordinaire.»

L’an dernier (juin 2016), le réalisateur nous revenait du festival Mis Me Binga de Yaoundé, avec le prix de l’ambassadeur de la cause féminine. Un trophée qu’il a l’air de porter comme un étendard. «Féministe», El Hadj Demba Dia ? Suffisant pour l’entendre éclater de rire. «Non», finit-il par dire à l’autre bout du fil, mais ce n’est certainement pas comme s’il ne s’en préoccupait pas. «J’existe raconte l’histoire d’une femme, dit-il, parce que c’est un univers que je connais. Elles sont braves, courageuses, et même dans des conditions très misérables, elles se battent. C’est une lutte pour la dignité. C’est un combat noble, qui mérite d’être montré, pour que ces femmes ne soient plus des fardeaux, mais des solutions. »

«Cinéma conscient»

On croirait entendre Alain Gomis, lorsqu’il parle de sa «Félicité». El Hadj Demba Dia, lui, n’est pas allé chercher loin : des personnages à portée de main, «familiers», comme dirait le réalisateur lui-même, des «madame» et monsieur-tout-le-monde, le voisin, la voisine, des tranches de vie extraordinaires, derrière des personnages ordinaires : «Là-bas, les gens ont des histoires très belles. Quand une femme se retrouve à devoir cuisiner dans sa chambre, parce que la cuisine est impraticable, ou qu’elle n’a pas d’autre choix que de monter sur une charrette, à huit mois de grossesse, pour acheter du charbon, qu’elle va ensuite revendre, c’est un combat qui mérite d’être montré. Et au-delà d’un simple regard, c’est un miroir pour le quotidien de ces gens-là.»

On reste donc dans l’esprit de son 7ème art à lui, un «cinéma conscient», qui n’a pas peur de «se poser les vraies questions», et encore moins de «questionner toutes les conventions sociales qui nous lient». El Hadj Demba Dia n’est pas «féministe» comme il dit, mais il a un discours ou un avis sur un certain nombre de choses. Il vous dira par exemple que Ndèye, l’héroïne de son film, «n’a pas besoin d’égalité des genres, mais d’égalité tout court», ou que la polygamie (le réalisateur a lui-même grandi dans un «univers polygame»), est loin d’être un «espace de liberté. Tout est contrôlé, jusqu’à vos pas de danse».

Mais comment faire l’impasse sur ce personnage-là, Thomas Sankara, toujours très présent, de façon plus ou symbolique, dans les mots comme dans le cinéma du réalisateur de «J’existe» : de son discours, à son idéologie. «Je suis très influencé, très politisé, très nourri aux idéologies de Sankara. Je me suis lancé dans le cinéma pour m’approprier davantage toutes ces choses, ce discours, ce que j’ai appris de Sankara. Je veux faire du cinéma qui me parle, qui parle au peuple sénégalais. »

La toute première rencontre entre les deux hommes ? C’était il y a quelques années, dans les mots d’un père à son fils. «La première personne à m’avoir parlé de Thomas Sankara, c’est mon père. Il m’a surtout parlé d’un très brave capitaine du Burkina Faso. Mon père est gendarme et il m’a parlé de sa bravoure, de ses idéaux. Awadi m’a ensuite fait écouter ses discours. Mes premières vidéos de Sankara, c’est grâce à lui. Il m’a mis en contact avec lui. En 2015, c’est encore Awadi qui m’a emmené au Burkina Faso où j’ai rencontré la famille de Sankara, et c’est aussi Didier qui m’a présenté à sa sœur.»

El Hadj Demba Dia fait ensuite la connaissance de l’économiste Ndongo Samba Sylla, auteur de «Redécouvrir Sankara-Martyr de la liberté». Son sankarisme va tout simplement prendre une autre tournure : «Awadi m’a politisé, Ndongo Samba Sylla m’a radicalisé. Je ne suis pas détaché du discours de Sankara. Je cherche à réhabiliter le combat et ses idéaux.»
Dans ces tiroirs, justement, il y a ce projet-là : «Le Témoin », un film documentaire sur le parcours du réalisateur, jusqu’à sa fameuse rencontre avec Ndongo Samba Sylla, qui va donc jouer les «témoins». Un «film très politique», où l’on parlera entre autres des «limites des partis politiques», des «luttes et ambiguïtés des mouvements sociaux », du «piège du discours dominant enseigné dans nos universités », des «effets du libéralisme économique et politique», etc.

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