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En Angola, la population traîne les pieds face à l’état d’urgence contre le coronavirus

06 - Avril - 2020

C’est le cri du cœur et du ventre, partagé dans toute l’Afrique par la population des villes soumises à l’état d’urgence, au confinement ou au couvre-feu mis en place contre le coronavirus. « Comment pourrait-on rester à la maison sans rien manger ? » Chauffeur de moto-taxi dans la capitale angolaise, Luanda, Garcia Landu a retourné la question dans tous les sens, sans y trouver d’autre réponse que de braver l’ordre des autorités.

« Nous avons des responsabilités envers nos familles, nos enfants. Il faut qu’on sorte pour ramener à manger », plaide le père de famille, son casque aux couleurs rouge et noir du drapeau national enfoncé sur la tête. « Mieux vaut mourir de cette maladie ou d’un coup de feu que de mourir de faim, s’emporte-t-il. Mourir de faim, ça, je ne l’accepterai jamais. Impossible… »

A observer la foule qui continue à piétiner dans les marchés, devant les petites boutiques ou les points d’eau de la mégapole angolaise, les réfractaires à l’état d’urgence, comme Garcia Landu, courent toujours les rues. S’il n’impose pas de strict confinement, comme en Afrique du Sud, l’ordre du président, Joao Lourenço, limite considérablement les déplacements, les réunions et les activités publiques.
14 cas et 2 décès

Selon le dernier bilan officiel, quatorze cas de Covid-19 ont été recensés en Angola, dont deux mortels. « La situation exige (…) des sacrifices de tous les citoyens, dont les droits et la vie professionnelle et sociale vont devoir être réduits », a asséné le chef de l’Etat dans son discours à la nation la semaine dernière.

Mais pas au point de se priver d’eau, a tranché Quechinha Paulina. Veuve, elle vit chichement de l’aide sociale dans le quartier de Cazenga, sans robinet à proximité. « Ça fait deux semaines que j’ai demandé le passage du camion-citerne, mais il n’est toujours pas passé, regrette-t-elle. Donc, ce matin, je me suis levée à 3 heures du matin pour venir en chercher ici. »
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Se ravitailler en eau, chercher de l’argent et, surtout, trouver de quoi manger constituent autant de raisons légitimes de quitter son domicile, état d’urgence ou pas. Pour limiter ces sorties, le gouvernement a promis d’assurer quelques services de base dans les quartiers défavorisés, dont la distribution d’eau. Les opérateurs téléphoniques l’ont rejoint en offrant des minutes d’appel gratuites pour éviter les queues devant leurs points de vente.

Sans parvenir, à l’évidence, à vider les rues de Luanda. Au fil de la semaine, les forces de l’ordre sont rapidement passées en mode répression. « Nous ne tolérerons pas la désobéissance, avait prévenu le commandant en chef de la police, Paulo de Almeida, avant l’entrée en vigueur de l’état d’urgence. Il s’agit là de la santé de tous. »
1 209 personnes en détention

Vendredi 3 avril, le ministre de l’intérieur, Eugenio Laborinho, a rapporté que 1 209 personnes avaient déjà été placées en détention. Plus d’un millier pour être entrées sur le territoire angolais malgré la fermeture des frontières, 189 pour avoir violé d’autres règles de l’état d’urgence.

« La police n’est pas sur le terrain pour faire plaisir ou pour distribuer des chocolats, a justifié M. Laborinho. Les gens sont quand même têtus, ils savent qu’ils doivent rester chez eux. » « L’état d’urgence ne sera pas respecté tant que les gens dépendront des ventes dans la rue pour nourrir leur famille », plaide le journaliste proche de l’opposition, Rafael Marques.

D’ordinaire prompt à égratigner le régime, il concède toutefois quelques vertus à ses mesures d’exception. « Elles ont été prises pour le bien du peuple, insiste M. Marques. Si l’épidémie se propage, il sera trop tard… » Mais, dans le vacarme et l’effervescence des rues de la capitale, ce discours de précaution reste largement inaudible.

« Cette maladie est dangereuse. Tout le monde le sait, tout le monde a compris. Mais rester à la maison ne changera rien, s’agace Domingos Joao, un chauffeur de taxi collectif, en aspergeant les mains de ses passagers de gel hydroalcoolique. Vous voyez, on est dans la rue mais on respecte les règles. »

« Si le Covid-19 commence à se répandre ici, c’est fini. Des milliers d’Angolais seront contaminés », s’inquiète un enseignant, Geraldo Dala, sorti pour faire ses courses. « Mais les gens sont obligés de sortir pour du pain ou un kilo de riz, répète-t-il en boucle. Ils doivent subvenir aux besoins de leur famille. »

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