L'attaque de Londres a touché un symbole de la démocratie britannique

23 - Mars - 2017

L'attaque de Londres a touché un symbole de la démocratie britannique

Un terroriste a frappé mercredi la capitale, causant la mort de trois personnes. Vingt-neuf personnes, dont sept dans un état critique, restaient hospitalisées jeudi matin
De Westminster à Trafalgar Square, le quartier le plus touristique et l’un des plus animés de Londres est plongé, mercredi 22 mars après-midi, dans un silence étrange, un silence de mort. Seules les ambulances et les voitures de police circulent au-delà des barrages où s’agglutinent les journalistes.
Sur le pont de Westminster, le spectacle que seul l’hélicoptère de la BBC permet de voir de près, est plus saisissant encore : les bus à impériale de couleur rouge et d’autres véhicules sont figés pour permettre aux enquêteurs de travailler, comme si le temps s’était arrêté à 14 h 40.
C’est à ce moment précis, sur ce pont noir de monde à toute heure, paradis des amateurs de selfies entre la grande roue London Eye et Big Ben, qu’a commencé une attaque comme la capitale britannique n’en avait pas connu depuis les attentats de 2005, qui avaient causé la mort de 56 personnes dans le métro et dans un autobus.
Cœur battant de la plus vieille démocratie du monde, l’endroit choisi par le conducteur de la Hyundai i40 grise, un homme vêtu tout de noir portant une barbe, qui a foncé sur la foule, ne peut pas être plus emblématique.
Une vingtaine de passants fauchés
Le SUV fou venant de la rive sud de la Tamise a traversé le pont en fonçant sur le trottoir. Il a fauché une vingtaine de passants sur le pont lui-même, dont une femme qui est tombée ou a sauté dans la Tamise et y a été repêchée vivante mais grièvement blessée. Passé le pont, il a continué avant d’aller s’encastrer dans les grilles qui délimitent l’emprise du Parlement, juste après Big Ben, là où s’interrompent de lourdes barrières de protection.

Il a alors jailli du véhicule et couru jusqu’à une entrée interdite au public et sérieusement gardée, à l’angle de Parliament Square, juste en face de la statue de Churchill. Il a poignardé à mort un policier de faction avant d’être abattu alors qu’il se ruait sur un deuxième.
Selon le bilan actualisé jeudi matin par Scotland Yard, l’attentat, rapidement qualifié de « terroriste », a causé la mort de trois personnes dont le policier visé, Keith Palmer, âgé de 48 ans, ainsi qu’un homme d’une cinquantaine d’années et Aysha Frade, une Britannique d’origine espagnole âgée de 43 ans, professeure d’espagnol à Londres. Vingt-neuf personnes, dont sept dans un état critique, restaient hospitalisées jeudi matin. L’hypothèse de travail est que l’attentat « est lié au terrorisme islamique », a déclaré jeudi matin le ministre de la défense, Michael Fallon.
Parmi les blessés se trouvent trois élèves français du lycée Saint-Joseph de Concarneau (Finistère), entraînant l’ouverture d’une enquête en France, a annoncé le parquet de Paris. Le ministre des affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, devait rencontrer jeudi leurs familles. Johan, élève de seconde dans cet établissement, a vu arriver la voiture « sur le côté » alors que, marchant avec les 35 autres élèves de sa classe, il venait de dépasser le pont. « Il y avait une barrière qui nous séparait mais elle a cédé et la voiture a foncé sur les élèves, a-t-il témoigné dans Ouest-France. On l’a vue et entendue arriver. »
A l’intérieur du Parlement, un débat sur les retraites est stoppé net aux Communes par le président de séance, Lindsay Hoyle, mais les parlementaires y restent confinés jusqu’au début de la soirée. Pendant un temps, une rumeur court selon laquelle un autre assaillant rôde dans le palais.
La première ministre, Theresa May, était présente dans le « lobby » à moins de cent mètres de l’agresseur. Elle a été exfiltrée en trombe dans une Jaguar métallisée de la police. Certains élus ont trouvé refuge à Westminster Abbey, où un responsable policier s’est adressé à eux du haut de la chaire. Même les nacelles du London Eye se sont arrêtées de tourner et les touristes y ont été confinés par mesure de sécurité pendant trois heures.
L’attentat a aussi son héros, le député conservateur Tobias Ellwood, ministre chargé du Moyen-Orient et de l’Afrique, qui a tenté en vain de sauver le policier poignardé. « J’ai cherché à stopper l’hémorragie et je lui ai fait du bouche-à-bouche en attendant l’arrivée des médecins, mais je crois qu’il avait déjà perdu trop de sang », a raconté l’élu, un ancien militaire qui avait perdu un frère lors d’un attentat à Bali (Indonésie) en 2002 et dont la photo, le visage taché de sang, a été reprise hier par tous les médias.

Du monde entier, les messages de condoléances et de solidarité ont afflué. Faisant allusion aux récents attentats en France, le président François Hollande a dit « savoir ce que les Britanniques endurent ». « C’est au niveau européen qu’il faut s’organiser », pour affronter le terrorisme, a-t-il ajouté alors que Mme May doit engager, mercredi 29 mars, la procédure de divorce avec l’Union européenne (UE).
« Inspiré par le terrorisme international »
Le président américain, Donald Trump, a salué « la réponse rapide de la police britannique », et la chancelière, Angela Merkel, a « réaffirmé que l’Allemagne et ses citoyens se [tenaient] fermement (…) aux côtés des Britanniques dans la lutte contre toute forme de terrorisme ».
Et tandis qu’à Paris, les illuminations de la tour Eiffel étaient éteintes à minuit sur décision de la maire, Anne Hidalgo, les drapeaux étaient mis en berne sur Downing Street.
Selon Mark Rowley, le chef de la section antiterroriste de la police britannique, l’assaillant était « inspiré par le terrorisme international ». Scotland Yard laisse entendre qu’elle connaît son identité, mais ne l’avait pas divulguée, jeudi 23 mars au matin.
« La police protège toutes les communautés du Royaume-Uni, a tenu à rappeler, mercredi soir, M. Rowley. Nous sommes conscients que les communautés musulmanes vont s’inquiéter à présent, étant donné le comportement de l’extrême droite dans le passé, et nous continuerons à travailler avec tous les leaders communautaires dans les prochains jours. »
Selon une information de la BBC, la Hyundai de l’auteur de l’attentat aurait été louée en mentionnant une adresse à Birmingham (nord de l’Angleterre). Dans la nuit, la police a mené des perquisitions dans six endroits situés à Londres, Birmingham et dans d’autres parties du pays, a précisé Mark Rowley jeudi matin. Sept personnes ont été arrêtées. Birmingham est un fief des islamistes britanniques, et Mohamed Abrini, « l’homme au chapeau » des attentats de Bruxelles – perpétrés précisément un an avant l’attentat de Londres – et suspect-clé des tueries de Paris en novembre 2015, y avait séjourné l’été précédant ces attaques et obtenu des financements.
Londres avait été épargnée ces dernières années par les attentats de grande ampleur à la différence d’autres métropoles européennes. Mais en août 2014, le niveau d’alerte terroriste au Royaume-Uni avait été porté d’« important » à « grave », le quatrième sur cinq échelons. « Nous avons la meilleure police et les meilleurs services de renseignement du monde », a assuré la ministre de l’intérieur britannique, Amber Rudd.
Le policier tué ne portait pas d’arme, et l’attentat va probablement relancer le débat sur l’équipement des « bobbies », comme celui sur les mesures de sécurité aux abords du Parlement. Mais l’idée de cadenasser Westminster ne passe pas. « Nous sommes accessibles car nous sommes élus. Nous sommes une démocratie, a déclaré l’ancien ministre Iain Duncan Smith. Il n’est pas question de transformer le Parlement en forteresse. »

Theresa May a appuyé ce message en condamnant avec émotion et force une attaque « écœurante et perverse » visant à dessein « un endroit où les gens de toutes nationalités, religions et cultures se retrouvent pour rendre hommage aux valeurs de liberté, de démocratie et de libre expression ».
La vie continue, pas question de se laisser intimider, a-t-elle dit devant la porte noire de Downing Street, alors que la nuit était tombée. « Demain, comme d’habitude, le Parlement se réunira, a poursuivi Mme May. Comme d’habitude, les Londoniens marcheront dans les rues (…), vivront leur vie. »

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