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Liverpool-Naples : Quand Sadio Mané et Kalidou Koulibaly descendaient en national avec Metz

13 - Décembre - 2018

Il y a un peu plus de six ans, Sadio Mané et Kalidou Koulibaly avaient d’autres préoccupations qu’un ticket pour les huitièmes de finale de la Ligue des champions. Non, les Sénégalais étaient en mission pour éviter au FC Metz de descendre en National. Spoiler : ils ont cette fois échoué, avant d’enchaîner les succès chacun de leur côté.
Il en a traversé des saisons galères avec le FC Metz, Joël Muller. Pourtant, il est catégorique sur celle de 2011-2012 : « La pire saison qu’a pu connaître le FC Metz dans son existence, puisque c’est la seule fois où il termine en National. » Les Grenats commençaient à stagner dangereusement en Ligue 2 depuis trois ans déjà et avaient suffisamment joué avec le feu lors de l’exercice précédent. Pourtant, Dominique Bijotat, alors à la manœuvre, avait à sa disposition un groupe qui ferait aujourd’hui saliver la plupart des clubs de Ligue 1. « L’effectif, si on le voit aujourd’hui, on a du mal à comprendre comment on a fait pour descendre », grince-t-il. Car aux côtés des tauliers Fallou Diagne, Ludovic Guerriero et Mathieu Duhamel, ce sont Diafra Sakho, Bouna Sarr, Gaëtan Bussmann, Romain Métanire, Joris Delle, Andy Delort ou encore Yeni N’Gbakoto qui faisaient leurs armes. « Des gamins de 19-20 ans, souffle le coach. Ils ont sacrément évolué entre temps. Il manquait certainement d’unité dans le noyau des joueurs expérimentés. »
Pierre Bouby faisait justement partie de ce noyau et ne peut que déplorer cette « saison forcément frustrante » où Metz a dû se résoudre à accompagner Boulogne et Amiens en National. « Sur le papier, c’était super cohérent et on avait de quoi faire, ajoute l’actuel défenseur de l’US Orléans. Mais il n’y a pas uniquement le talent qui fait gagner les matchs. Il y a aussi l’esprit d’équipe et on n’a pas réussi à faire prendre la mayonnaise ». Un constat qui peut laisser amer surtout quand on se penche un peu plus sur ce fameux papier, où se trouvaient aussi les noms de deux garçons qui ont depuis crevé l’affiche : Sadio Mané et Kalidou Koulibaly. Pour les deux Sénégalais au destin en or, la capitale lorraine ressemble à un point d’accroche évident. Sauf qu’avant de s’y retrouver, l’actuel ailier de Liverpool et le défenseur du Napoli ont emprunté des chemins bien différents.
La « boule de neige » vosgienne
Si Kalidou Koulibaly est un homme qui aime aujourd’hui marcher le long de la mer Méditerranée et manger tout cru un Kylian Mbappé qui s’aventure au San Paolo, il fut à une époque un garçon recalé du centre de pré-formation du FC Metz. À 14 ans, ce gamin originaire de Saint-Dié-les-Vosges, à plusieurs kilomètres en remontant la Moselle puis la Meurthe, bute sur les marches menant au haut-niveau, au point d’être gentiment raccompagné chez lui, auprès des siens. « Il avait du mal à vivre à l’internat, justifie Philippe Gaillot, alors en charge du recrutement à Metz. Son niveau était intéressant mais on sentait qu’il n’était pas très à l’aise. Il était soulagé de pouvoir rentrer à Saint-Dié. »
Le son de cloche est différent sur l’autre versant. Car dans ce « petit bout de Sénégal en France », avec « une grande communauté de Peuls », Kalidou ressassera ce qui restera son premier échec, et peut-être bien le dernier. « Ils ont jugé que je n’étais pas assez bon, lâchait-il à So Foot en juin dernier. Quand je suis rentré à Saint-Dié, j’étais insupportable. (…) Je ne suis pas fier de ça mais j’insultais mes coéquipiers pendant les matchs, parce qu’ils n’étaient pas assez motivés ou pas assez bons. Heureusement, le coach a fini par me mettre avec des mecs qui avaient trois ans de plus que moi. Eux, je ne pouvais pas les insulter (rires). En étant recalé du FC Metz, j’ai compris que mon rêve d’être footballeur pro était en cristal. »
Ainsi, Kalidou redevient trop intéressant pour être ignoré. Et Olivier Perrin, alors directeur de la pré-formation de Metz puis entraîneur de l’équipe des jeunes, n’hésite pas à aller récupérer ce môme qui est entre temps devenu un jeune homme. « Kalidou a cette capacité à apprendre, comprendre, et appliquer. C’est comme une boule de neige : plus il avance, plus il s’améliore, et ce de manière continue », décrit l’actuel le boss de la formation. La métamorphose est telle qu’il devient un élément majeur des équipes jeunes messines. « Il nous a beaucoup aidés pour gagner la Gambardella en 2010, il a tiré l’équipe vers le haut grâce à son expérience car il côtoyait déjà le groupe pro, se souvient le Marseillais Bouna Sarr, issu de la même promo. Son leadership nous a tirés vers le haut. » Dès ce moment, Koulibaly fait l’unanimité. Tous louent sa maturité, son calme, son sens de l’anticipation, sa lecture du jeu et son intelligence tactique, en plus de qualités physiques exceptionnelles.
Au point d’intégrer très rapidement la rotation dans le onze de Dominique Bijotat et de s’installer progressivement à une place de titulaire à tout juste 20 piges. « Il a su prendre des responsabilités très tôt dans une équipe qui ne tournait pas forcément bien », affirme admirativement le directeur sportif de l’époque, Joël Muller. « J’ai décelé chez lui des qualités primordiales pour un défenseur central : toujours de la même humeur, toujours concentré, à l’écoute, mais aussi de la personnalité, en se faisant respecter dans les actes et les paroles », recense Bijotat. Pierre Bouby a ressenti la même aura auprès de son jeune coéquipier : « Kalidou s’est vite imposé en grand frère, en étant une espèce de sage. Il est discret la plupart du temps, mais dès qu’il parle, on l’écoute. »
Un Lion chez le Graoully
Si bien que le coach n’hésite pas à faire du défenseur un relais dans son vestiaire. « Quand je devais intervenir sur certains jeunes joueurs, il m’arrivait de passer par lui pour qu’il délivre un premier message et je passais après ». C’est ainsi que Kalidou a été amené à l’été 2011 à prendre sous son aile Sadio Mané, d’un an son cadet, fraîchement débarqué de Dakar. Un Sénégalais qu’il a aidé « à canaliser ». Mais si les deux joueurs partagent des origines sénégalaises et entretiennent une relation particulière, ils ont peu de choses en commun. Sadio est un gamin timide, mais conscient de son talent. Et à côté du bosseur Koulibaly, Mané voit « ses facilités lui jouer des tours ». Quelques années plus tôt, il avait débarqué avec des chaussures déchirées à une détection organisée par le club de Génération Foot, dont l’académie est partenaire du FC Metz. Mais le talent du fils de l’imam de Sédhiou n’a pu échapper à Olivier Perrin et Philippe Gaillot. « Il était capable d’amener le ballon d’une surface à l’autre sans se faire attraper », se remémore le premier, quand le second a surtout été marqué par « une première prise de balle terrible ».
Le petit Sadio, qui jurait à ses oncles qu’il jouerait plus tard dans « un grand club français », débarque donc à Metz à ses 18 ans, au cours de l’année 2010. D’abord dans la catégorie U19, avant d’intégrer par intermittence la CFA. Car en plus du « choc thermique » relevé par Bouna Sarr, les débuts difficiles de Mané en Moselle sont surtout dus à une pubalgie récalcitrante, qui l’empêche de montrer d’emblée ses qualités.

Mais le talent de ce « diamant à polir » sautera pourtant aux yeux de tout Messin dès l’automne 2011. « J’ai connu Sadio quand je suis allé jouer avec la réserve parce que j’avais un match de suspension, raconte David Fleurival, alors milieu indéboulonnable de l’équipe première. En un coup d’œil, j’ai tout de suite compris que ce gamin avait un truc en plus. Il se rendait tout facile par sa vitesse, sa capacité à percuter et sa puissance. Je trouvais ça vraiment violent. J’en ai parlé directement avec le coach pour lui dire que ce joueur, il fallait le faire venir s’entraîner avec nous. Mais bon, je pense que le staff l’avait déjà remarqué, ce n’était qu’une question de temps. »
Et pour ce qui est du timing, Sadio a vraiment su choisir le sien. Sa première apparition avec les pros, un 14 janvier 2012 à « Saint-Symph’ » face à Bastia, coïncide avec le tournant de la saison des Messins. Une entrée un quart d’heure en fin de match pour voir Pierre Bouby poser un grain de sable dans la machine lorraine ( « un penalty que je prends l’initiative de tirer, ça fait barre rentrante, l’arbitre ne le voit pas et donc ne valide pas le but » ) et Maoulida l’enrayer en marquant pour les Corses à la dernière minute. Le tournant de la saison pour cette équipe qui était jusqu’ici confortablement installée dans la première moitié de tableau. Derrière cet accroc, Metz n’avance plus, enchaîne dix matchs sans connaître le succès. Pas forcément la meilleure des entrées en matière, mais Sadio Mané et Kalidou Koulibaly sont déjà dans le vif du sujet.
Le meilleur des starters ?
Si jouer le maintien, pour leurs débuts en pro, ne présageait rien de bon pour la suite, les deux joueurs arrivent pourtant à ne pas couler avec le reste du navire. Sadio Mané progresse de match en match, gratte du temps de jeu et ira inscrire son premier but à Guingamp lors d’une défaite 5-2, alors que les Grenats étaient au creux de la vague. Lui, le gamin discret, emmagasinait toute l’expérience nécessaire. De toute manière, même s’il ratait des choses, « on ne pouvait pas l’engueuler, puisqu’il avait toujours le sourire », selon Perrin. Kalidou, lui, s’il a dû prendre ses responsabilités après le départ de Fallou Diagne en Allemagne au mercato hivernal, doit se résigner à voir le club se débattre depuis l’infirmerie : « Je me blesse à l’entraînement. Fracture du cinquième métatarse, forfait pour les dix derniers matchs. Je n’ai pas pu aider mes coéquipiers alors qu’on jouait notre survie. J’ai vécu la descente depuis les tribunes, comme un supporter. J’étais dégoûté. »
Mais dans ce naufrage collectif, Dominique Bijotat reconnaît rétrospectivement que cette demi-saison commune a pu être bénéfique pour eux. « Je pense que ça reste une expérience favorable, dans un contexte défavorable puisqu’à la fin on est descendus. Ils ont développé personnellement des qualités psychologiques qu’ils n’auraient peut-être pas eues s’ils n’avaient jamais joué le maintien dans leur vie », suppose celui qui se décrit comme l’homme qui n’a fait que « démarrer la voiture, avant que les jeunes prennent le volant ». Sans cette descente, rien ne dit qu’ils seraient partis aussi tôt de Lorraine. Mais une fois au troisième échelon national, Metz ne pouvait rivaliser avec des clubs autrement ambitieux. Kalidou a pu goûter à l’Europe dès l’année suivante en signant à Genk, contre un chèque d’1,6 million d’euros, quand le Red Bull Salzbourg, bien informé par son directeur sportif de l’époque Gérard Houllier, a posé 4 millions d’euros sur la table pour Mané. Une somme énorme pour un jeune n’ayant que 19 rencontres de Ligue 2 dans les jambes.
À Metz, on ne veut pas se mentir. « Ces transferts nous ont permis de traverser cette année en National dans des conditions financières assez confortables et qui nous ont permis de conserver un effectif de qualité pour remonter », avoue Philippe Gaillot. Restera la satisfaction d’avoir lancé ceux qui sont aujourd’hui considérés comme deux des meilleurs joueurs d’Afrique (en sélection) et d’Europe (en club), comme un label de qualité, bien souvent oublié. Et ce mardi à Liverpool, les internationaux sénégalais se sont retrouvés, sous le regard d’Olivier Perrin, invité au match par ses « fils ». Mais si Kalidou Koulibaly et Sadio Mané n’ont partagé que 1080 minutes sous le maillot grenat, ils les ont forcément dans un coin de la tête au moment de se croiser dans le couloir d’Anfield.

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