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25 MARS 2012 - 25 MARS 2017 : REFERENDUM, REFORMES, CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE, STATUT DES MAGISTRATS QUAND LA JUSTICE PERD SON EQUILIBRE

23 - Mars - 2017

25 MARS 2012 - 25 MARS 2017 : REFERENDUM, REFORMES, CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE, STATUT DES MAGISTRATS QUAND LA JUSTICE PERD SON EQUILIBRE

Révision de la Constitution par référendum, le 20 mars 2015, l’adoption de plusieurs projets de loi portant réforme judiciaire notamment la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, celle relative au statut des magistrats, deux textes controversés parce que ne rencontrant pas l’adhésion de tous les acteurs (Etat et Union des magistrats du Sénégal - UMS) sur certaines dispositions. Il s’y ajoute la réforme constitutionnelle et la tenue du procès de l’ancien président tchadien, Hissein Habré, par les Chambres africaines extraordinaires créées au sein des juridictions sénégalaises. C’est la première fois qu’un tribunal ad hoc créé par l’Union africaine, juge un ancien chef d’Etat sur le sol africain. La justice sénégalaise sous le magistère de Macky Sall peine à trouver son équilibre. Elle se trouverait même en zone de turbulence à cause des contestations et autres controverses.

REFORME DU CONSEIL SUPERIEUR DE LA MAGISTRATURE, STATUT DES MAGISTRATS : Quand Macky fâche l’UMS

Après une seconde lecture pour prendre en compte les observations de l’Union des magistrats du Sénégal (UMS), le projet de loi n°31-2016 portant statut des magistrats et celle organique portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) ont été adoptés en Conseil des ministres, le 5 octobre 2016. Il s’en est suivi, deux mois plus tard, le vote de ces textes à l’Assemblée nationale, avec 114 voix favorables, après plusieurs heures de débat houleux, le 5 décembre 2016. Ces réformes conçues pour répondre à une doléance des magistrats vieille de plusieurs années, notamment la gestion de leur carrière dans la transparence, n’ont pas rencontré l’adhésion de l’UMS, notamment en leurs dispositions relatives à la présidence du Conseil supérieur de la magistrature (le Chef de l’Etat reste le président du CMS) et au statut et à l’âge de retraite de certains hauts magistrats de la Cour suprême. Ces derniers partiront à la retraite à 68 ans au moment où les autres magistrats quitteront leur fonction à 65 ans.

SIDIKI KABA SOUTIENT UNE REFORME CONSENSUELLE

En outre, la réforme prévoit l’augmentation du nombre de membres élus au sein du CSM qui passe de trois (3) à quatre (4) magistrats, la fixation des modalités de désignation des membres élus du CSM. «Désormais les membres élus le seront pour un mandat de 3 ans, renouvelable une fois, et non plus pour un mandat de 4 ans sans limitation pour le renouvellement», précisait l’autorité. La nouvelle loi consacre aussi des innovations à savoir le droit de recours contre les sanctions disciplinaires prononcées par le CSM exercé devant la Cour suprême, l’instauration d’une majorité qualifiée (2/3) pour les décisions de révocation ou de mise à la retraite d’office prononcées par le CSM et l’encadrement des délibérations du CSM par l’exigence d’un quorum pour les délibérations du CSM (2/3) et aussi la consécration légale de la procédure de consultation à domicile.

Selon Sidiki Kaba, le ministre de la Justice, qui a défendu la loi à l’hémicycle, tous les acteurs ont participé à la rédaction de ce texte. «Il y a eu des débats et ce sont les magistrats qui ont souhaité la mobilité dans la profession. L’Etat est en cohérence avec la sous région et la durée des mandats fixée par la loi sénégalaise».
A l’en croire, «dans moins de 5 ans, 74 magistrats partiront à la retraite. L’Etat est dans la planification avec cette réforme. Le projet de réforme à une exigence de mobilité. Il faut que le débat soit tranché. La loi est le renforcement de l’Etat de droit», avait soutenu Sidiki Kaba.

L’UMS DENONCE DES «DISPOSITIONS DISCRIMINATOIRES»

Contrairement à l’Etat, l’UMS qui a toujours réclamé des réformes en profondeur du CSM, tient toujours à la «la sortie de l’Exécutif du Conseil supérieur de la magistrature» notamment le chef de l’Etat qui en est le président et le ministre de la Justice le vice-président. Convaincu que «le renforcement de l’indépendance de la justice passe nécessairement par une réforme en profondeur du Conseil supérieur de la magistrature», le Bureau exécutif de l’UMS qui a reçu, le vendredi 18 novembre 2016, les dernières moutures du projet de loi organique portant statut des magistrats et celui relatif à la Cour suprême a dénoncé des dispositions discriminatoires.

«(… Il a été constaté que des modifications ont été apportées à l’article 65 du projet de loi organique portant Statut des magistrats consistant à allonger l’âge de la retraite de 65 à 68 ans exclusivement pour certains magistrats en l’occurrence le Premier président, le Procureur général, les présidents de chambres de la Cour suprême, les Premiers Présidents et Procureurs Généraux près les Cours d’Appel. Ces dites modifications créent une discrimination entre les membres d’une même corporation», avait constaté l’UMS après examen du texte. Et, face à la «gravité de cette mesure et de ses implications», le Bureau exécutif de l’UMS avait convoqué une assemblée générale extraordinaire, le samedi 26 novembre 2016 au Palais de Justice Lat-Dior de Dakar pour contraindre l’Etat à rectifier le tir, en vain. Car, la loi sera votée moins d’une dizaine de jours après, le 5 décembre 2016.

TRIBUNAUX DE GRANDE INSTANCE, TRIBUNAUX D’INSTANCES ET CHAMBRES CRIMINELLES : La réforme de l’organisation judiciaire

Durant ses cinq ans, le régime de Macky Sall aura parachevé un autre projet de réforme de la justice entamée depuis plusieurs années. Les députés ont adopté, le lundi 27 octobre 2014, à l’unanimité le projet de loi portant organisation judiciaire. La nouvelle réforme a institué les Tribunaux d’instance, les Tribunaux de grande instance, en remplacement respectivement des Tribunaux départementaux et régionaux, et de nouvelles Chambres criminelles qui sont logées au niveau des Cours d’appel, à la place des Cours d’assises, avec une nouvelle distribution des rôles des différentes juridictions. Histoire de rapprocher la justice aux justiciables et de réduire considérablement les longues détentions.

«La grande réforme de l’organisation judiciaire opérée en 1984 n’a pas permis d’avoir une justice équitable, proche des justiciables, rapide et accessible. Il y a des goulots d’étranglement et des facteurs de blocage, qui nuisent à l’efficacité du système judiciaire», avait relevé Sidiki Kaba.

Suffisant pour que l’Etat s’engage, à travers la réforme proposée aux députés, à réformer profondément l’organisation judiciaire sénégalaise en vu d’«avoir un système judiciaire moderne et performant», a-t-il défendu.

NOUVELLE CONSTITUTION : Une réforme en deçà des attentes

Le président Macky Sall a soumis à l’approbation du peuple, au référendum du 20 mars 2016, un projet de loi portant révision de la Constitution. Toutefois, la Commission nationale de réforme des institutions (CNRI) lui ayant transmis ses recommandations, le président Sall a proposé 15 points de la réforme constitutionnelle au peuple et portant essentiellement sur la modification de 18 articles de la Constitution du 22 janvier 2001.
Suffisant pour que des politiques et autres constitutionalistes et observateurs politiques déplorent le fait que la réforme constitutionnelle proposée par Macky Sall ne permette pas d’avoir des avancées sur la plupart des problématiques à même de capitaliser les acquis notoires de la démocratie sénégalaise, voire de consolider l’État de droit. Quoiqu’ils soient tirés… du rapport et de l’avant-projet de la CNRI.

Le professeur Abdoulaye Dièye, ancien rapporteur général de la CNRI est formel. Interrogé alors par Sud Quotidien, il avait souligné: «en tant que rapporteur général ayant participé à l’élaboration de la centaine de recommandations qu’avait faites la CNRI, je ne peux que constater le caractère insuffisant de ce qui a été présenté», avait-il fait savoir, non sans relever les limites du projet de révision constitutionnelle d’alors par rapport aux recommandations de la CNRI.

En effet, le texte adopté par référendum a repris, sur le fond comme sur la forme, l’avis du Conseil constitutionnel, saisi auparavant par le Chef de l’Etat pour avis. Et la nouvelle Constitution a reproduit les recommandations et observations des 5 sages d’alors (ils passent au nombre de 7 sages avec le nouveau texte). Le changement majeur intervenu dans les réformes a porté sur la non-rétroactivité de la réduction du mandat du président Macky Sall.

LES 18 ARTICLES DE LA CONSTITUTION DE 2001 A MODIFIER

Les dispositions concernées par la réforme sont les articles 4, 6, 26, 27, 28, 58, 59, 60, 62, 71, 78, 81, 85, 86, 89, 92, 102 et 103. Aussi 13 modifications ont été tirées de l’avant-projet de Constitution de la CNRI. «Le référendum est l’aboutissement d’un long processus, entamé au mois de mai 2013, avec la mise en place de la Commission nationale de réformes des institutions (CNRI) qui, après avoir procédé à de larges consultations, inclusives et citoyennes, a remis son rapport au président de la République qui l’avait chargée de ce travail. Ainsi, les propositions de réformes soumises au référendum par le chef de l’Etat, sont tirées, pour une très large part, des conclusions de la Commission nationale de réforme des institutions», informait le communiqué du Conseil des ministres qui a adopté le projet de réforme constitutionnelle soumis au peuple.

Entre autres points puisés du projet de réforme proposé par la commission dirigée par Amadou Mahtar Mbow, il y a la modification de l’article 27 de la Constitution de 2001, elle reprend les dispositions de l’article 57 de l’avant-projet de Constitution de la CNRI: «Le président de la République est élu au suffrage universel direct et au scrutin majoritaire à deux tours, pour un mandat de cinq ans. Il ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs.»

D’autres dispositions ont trait à l’institution du Haut conseil des collectivités territoriales, la limite d’âge des candidats à la présidentielle, le statut de l’opposition et la possibilité pour les Sénégalais de l’extérieur d’élire leurs députés.

AFFAIRE HISSEIN HABRE : Le procès de… «l’Afrique»

Le quinquennat du président Macky Sall, c’est aussi la tenue du procès de l’ancien président tchadien, Hissein Habré, au Sénégal. Inculpé en juillet 2013 pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et actes de torture et placé en détention provisoire, après une instruction de 19 mois, le procès d’Hissein Habré ouvert le 20 juillet 2015 a été renvoyé au 07 septembre 2015, le temps de permettre aux avocats commis d’office pour défendre l’ancien homme fort de Ndjamena de s’imprégner du dossier, ses avocats ayant boycotté le procès conformément à la volonté de leur client.

A l’issue de plusieurs semaines de jugement, la Chambre extraordinaire africaine d’Assises des CAE (Chambres africaines extraordinaires), présidée par le Juge Gberdao Gustave Kam du Burkina Faso, assisté de deux juges sénégalais a reconnu le président Habré coupable, entre autres, de «crimes de guerre, crimes contre l’humanité, viols et tortures». Il sera condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, le lundi 30 mai 2016. La défense interjettera appel de ce verdict.

En attendant ce procès, plus d’un mois et demi plus tard, la Chambre extraordinaire africaine d’Assises des CAE statuant sur la demande de réparation introduite par les parties civiles a délibéré sur les dommages et intérêts de ces dernières. Le vendredi 29 juillet, elle a condamné Hissein Habré à payer à chacune des victimes de viols répétés ou d’esclavage la somme de 20 millions de F Cfa. La même somme doit être reversée à chaque personne victime de détention arbitraire et des tortures.

Les prisonniers de guerre et les rescapés de massacre recevront chacun 15 millions. Les victimes indirectes recevront chacun la somme de 10 millions. La chambre a, par ailleurs, rejeté les demandes de réparation collectives formulées par les parties civiles. Elle a ordonné l’exécution de la décision et fixé la provision à 10% de la somme allouée à chaque victime et déclaré irrecevable l’appel en garantie de l’Etat tchadien. Elle a en outre validé les mesures conservatoires qui avaient été prises.

Quelques mois après, le procès en appel de Habré est engagé le lundi 9 janvier 2017, toujours à la salle 4 du Palais de justice Lat-Dior à Dakar. Le président de la Chambre africaine extraordinaire d'Assises d'Appel des CAE, Wafi Ougadèye du Mali, après les plaidoiries de la défense assurée par Mes Mounir Balal, Mbaye Sène et Mame Abdou Gningue et celle du Procureur général près les CAE, Mbacké Fall, et des avocats de la partie civile, a mis l’affaire en délibéré le 27 avril prochain.

Alors que les partisans de l’ancien président tchadien dénoncent un procès commandité par des «impérialistes» occidentaux qui a voulu régler ses comptes à un ancien «allié devenu insaisissable», les autorités saluent le fait que pour la première fois «l’Afrique juge l’Afrique». L’ancien président tchadien, Hissein Habré est jugé par les CAE, quatre tribunaux spéciaux créés au sein des juridictions sénégalaises, suite à un accord entre l’Etat du Sénégal et l’Union africaine (UA) pour connaitre des faits de crimes commis au Tchad durant le magistère de Hissein Habré entre 1982 et 1990.

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