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70% des terres occupés par des anacardiers : A Goudomp, la noix de cajou tue l’agriculture

10 - Octobre - 2016

70% des terres occupés par des anacardiers : A Goudomp, la noix de cajou tue l’agriculture

Le département de Goudomp, dans la région de Sédhiou, a son or : il s’agit de l’exploitation de la pomme et de la noix d’acajou. Cette activité occupe l’essentiel de la vie économique de la localité. Selon le chef du Service départemental de l’agriculture, 70% des terres arables y sont occupés par des plantes d’anacardier. Ce qui s’est fait au détriment des cultures traditionnelles (mil et maïs).

Le département de Goudomp est coincé sur la RN6 entre les départements de Ziguinchor à l’ouest et de Kolda à l’Est, enjambe le fleuve Casamance au nord et fait frontière avec la Guinée Bissau au sud. Dans cette localité, les populations ont une idée assez simple de la sécurité alimentaire : se faire assez d’argent en saison sèche pour payer à la boutique du coin des vivres pouvant nourrir la famille tous les jours de l’année. Quitte à se priver de profiter du potentiel agricole de la zone en se tournant les pouces pendant l’hivernage.
Toutes les terres de plateau, ou presque, sont occupées par des anacardiers. Selon le chef du Service départemental de l’agriculture, Aliou Sow, «70% des terres sont occupés par des anacardiers. L’on constate le recul des productions de vivres (mil, maïs)». Et la plantation de l’anacardier réussit bien aux habitants de Goudomp. «Pour la campagne passée, le prix du kg de ce produit est monté jusqu’à 700 francs. Les gros planteurs ont pu réaliser des recettes dépassant les 2 millions de francs. Avec cet argent, ils achètent plusieurs sacs de riz, en attendant la prochaine campagne de commercialisation. Ceux qui n’ont pas pu faire une forte réserve en riz peuvent trouver de l’argent auprès des bailleurs intéressés par la future production. Dans ce cas, le producteur est obligé d’accepter un prix dérisoire : 150 à 250 francs le kg», renseigne Yagouba Mané, ingénieur agronome à la retraite, installé dans le village de Djibanar, à 6 km de la capitale départementale Goudomp.
Dans cette partie de la Casa­mance, les hommes ont aban­don­né les cultures traditionnelles de petit mil et de maïs. Ab­doulaye Seydi, habitant le village de Baconding à 1,5 km de Gou­domp, explique : «L’entre­tien et l’exploitation des plantations d’anacardiers durent toute la saison sèche. Même pendant l’hi­vernage, on doit élaguer certaines branches et désherber l’en­semble du verger. Comme c’est plus rentable que les cultures traditionnelles, nous avons choisi de nous concentrer sur la plantation pour ne pas trop disperser notre énergie.»
Dans le village de Djibanar, on explique l’abandon des champs de céréales par les violences nées de la crise casamançaise. Samo Diaïté renseigne : «Au milieu des années 90, les champs et les vergers qui sont loin des habitations étaient confisqués par des bandes armées. Personne ne parvenait à récolter ses productions qui revenaient entièrement aux bandits. Pour survivre, ceux qui ont des champs non loin de la route nationale les ont transformés en plantation d’anacardiers. Com­me la filière s’est avérée rentable à la faveur du retour de la paix, les anciens vergers abandonnés sont récupérés et entretenus. Une réalité qui ne laisse plus assez d’espace pour les cultures vivrières traditionnelles.»
Désormais dans le département de Goudomp, tout en étant une zone à vocation agricole, on compte sur des rentrées financières pour faire bouillir la marmite. Chaque famille a son exploitation familiale, petite ou grande. Les familles qui ne peuvent pas compter sur leur production pour se nourrir toute l’année recourent à la culture de la patate douce. De même, chaque famille a son pêcheur pour améliorer le plat familial ou pour prévenir les ruptures en stock de vivres. Aliou Sow, le chef du Service départemental de l’agriculture dans le département, note : «La culture de la patate est en train de con­naître un essor. La zone connaît une forte production de patates. Une denrée qui s’achète bien et donne des revenus supplémentaires aux producteurs. Tous les villages se trouvant le long de la RN6 sont de gros producteurs de patates.»

La riziculture en régression
La culture du riz est également en régression dans le département de Goudomp, selon l’ingénieur des travaux agricoles, Aliou Sow. En cause, «une augmentation du taux de salinité des sols, l’ensablement, la dégradation des digues de rétention d’eau et la faible implication des jeunes dans la riziculture.» Ici, la culture du riz est une affaire de femmes qui font entièrement le travail à la main. Les jeunes filles qui sont censées aider leurs mamans sont attirées par les villes en saison des pluies pour y exercer des travaux domestiques «faiblement rémunérés».
La tentative de mécanisation de la riziculture s’est heurtée aux dures réalités du terrain. Aliou Sow : «Il s’agit de vallées au sol lourd, pas adaptées à toutes les machines. Et ce sont souvent de petites parcelles très boisées avec beaucoup de souches. La riziculture de plateau n’est pas très répandue dans cette zone. Et puis, le pouvoir d’achat des familles est si faible qu’elles ont de la peine à se procurer le matériel agricole mis à disposition par l’Etat.» La preuve, «récemment, l’Etat a donné au département un certain nombre de matériels agricoles lourds et légers. Sur 5 tracteurs, 2 seulement sont achetés, alors qu’aucun des 4 motoculteurs n’a été acheté, ni aucune des 4 batteuses ou des 4 décortiqueuses».

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