Absence de moyens et d’infrastructures, mercenariat, mécénat : Ces contraintes qui freinent l’envol du foot kaolackois

Mercenariat, absence de moyens, manque d’infrastructures sportives… A Kaolack, le football fait face à de nombreuses contraintes. Résultat, la région ne compte plus de représentant dans l’élite depuis 2008. Descendue en Ligue 2 en 2009, l’As Saloum peine à retrouver le gratin du foot national. Quant aux 16 autres clubs affiliés à la Fédération sénégalaise de football, ils continuent d’évoluer, pour la plupart, en division régionale.

Le football kaolackois bat de l’aile. Seul club à avoir goûté à l’élite, à part l’ancien Mbossé (Cf. encadré sur le Mbossé) dans un passé lointain, l’As Saloum est en chute libre depuis sa descente en Ligue 2 en 2009. Une mauvaise passe qui en dit long sur les difficultés que traverse le ballon rond d’une manière générale dans la région. Ici, 17 formations sont affiliées à la Fédération sénégalaise de football mais toutes peinent à sortir la tête de l’eau. Elles continuent à se chercher une voie dans l’échiquier du football national. Sans succès. Les meilleures d’entre elles, l’As Saloum et Kaolack Fc évoluent en National 1 ; tout le reste est en division régionale. L’équipe dirigée par Me Souleymane Ndéné Ndiaye pourrait néanmoins retrouver la Ligue 2 dès la prochaine saison. Auteur d’un bon championnat cette année, elle joue actuellement le tournoi de montée auquel prennent également part le Diamono de Fatick, le Lycée Gaston Berger et l’Africa Foot de Thiès (Cf. papier sur As Saloum).

kosso diane« On joue partout dans la région. Nous avons 17 clubs affiliés à la Fédération. Nous organisons régulièrement des compétitions dans toutes les catégories et nous avons aussi beaucoup d’écoles de football. Mais, c’est au niveau des résultats que ça pêche », explique, avec un peu de regrets, le président de la Ligue régionale Kosso Diané. Ancien footballeur reconverti en dirigeant sportif, cet homme qui a vu évoluer le grand Mbossé soutient que, sans conteste, le niveau des joueurs kaolackois a baissé. Selon lui, le Saloum, jadis un vivier de talents, ne produit plus de grands joueurs. La faute, entre autres, « au mercenariat qui a pris, depuis quelques temps, le pas sur le potentiel local ». Il relève que dans les Asc de quartiers et même à l’As Saloum, l’effectif des joueurs provient à 80% des autres régions du pays. « Il n’y a plus de possibilité pour détecter des talents locaux. Les jeunes de Kaolack n’ont plus de cadre pour s’exprimer du fait du phénomène du mercenariat », fait remarquer le patron de la Ligue régionale de football. L’entraîneur de Ndangane Fc, Amadou Kane dit Diomansy, est d’avis que la petite catégorie et le Navétane, naguère une source intarissable de talents, sont laissés en rade. Ce qui s’est traduit par « une baisse du niveau des footballeurs locaux » et, par ricochet, du football régional, note Kosso Diané.

A côté du mercenariat et de la léthargie de la petite catégorie, les formations sont confrontées à un problème de moyens. D’où leurs difficultés à couvrir leurs charges, à recruter de bons joueurs et à mettre leurs pensionnaires dans des conditions optimales de performance. « Les équipes ne sont pas soutenues et il n’y a plus de mécènes, des gens qui investissent leur argent dans le football. Ceux qui ont de l’argent ne croient plus au football. Et les rares qui y sont encore sont ceux qui aiment ce sport, notamment les enseignants, les petits fonctionnaires, les tailleurs, etc. Malheureusement, ils n’ont pas de gros moyens », déplore encore Kosso Diané.

Absence de moyens et d’infrastructures sportives
Pour illustrer cette absence de moyens, il révèle que les équipes qui ont récemment participé à la finale du championnat régional en juniors et séniors n’ont eu droit qu’à quatre balles et deux trophées en guise de récompenses. Il reconnaît que la Ligue régionale qui a en charge la promotion du sport et l’organisation des compétitions n’a pas les moyens de son ambition. Et, comme le souligne stoïquement le président de la Ligue régionale de football, quand on n’a pas les moyens de son ambition, on fait la politique de ses moyens ! La ligue, indique-t-il, aurait aimé donner plus mais, à l’image des clubs, elle n’a pas assez de moyens financiers.

Sans moyens, les clubs ont du mal à retenir leurs joueurs. Chaque année, ils assistent, impuissants, au départ d’une bonne partie de leur ossature vers d’autres équipes en vue de bénéficier d’un bien meilleur traitement financier. Ce qui pousse le président de Kaolack Fc, Abda Athie, à parler d’un éternel recommencement dans les équipes obligées de renouveler tout le temps leur effectif. Une instabilité qui impacte négativement les résultats des formations en lice dans les différentes compétitions. En National 1, cette saison, en compagnie de l’As Saloum, Kaolack Fc a manqué son pari d’accéder en Ligue 2 dès l’ouverture du prochain championnat. Ici, comme partout dans les autres équipes du Saloum, la question des moyens constitue un véritable goulot d’étranglement. Or, insiste le président Abda Athie, Kaolack Fc a d’importantes charges à couvrir, y compris une masse salariale qui s’élève à 1.600.000 FCfa. Cette année, l’équipe n’a dû son salut qu’aux indemnités du transfert de Papy Djilabodji d’un montant de 33 millions de FCfa.

L’autre obstacle à l’envol du foot local concerne le manque d’infrastructures sportives. Au total, la région compte 5 stades dont un seul pour tout le département de Kaolack. Ce que déplore le président de la Ligue régionale qui estime que « dans toutes les grandes capitales, il y a au moins deux stades ». Kosso Diané explique que lorsque le stade était en réfection grâce à la coopération chinoise, les clubs du département étaient obligés de se rendre à Kahone, Nioro et Kaffrine pour disputer leurs matches avec tout ce que cette situation induit comme désagréments. Il plaide pour que Kaolack dispose d’un stade municipal à l’instar des autres communes.

Une sur-utilisation du stade Lamine Guèye
bassirou fallD’après l’inspecteur régional des sports, le manque criant de sites de compétition s’est traduit, par une sur-utilisation du stade Lamine Guèye contraint d’accueillir toutes les compétitions (championnat, Coupe du Sénégal, Navétante, etc.) En poste depuis décembre 2015, Bassirou Fall dit cependant espérer que la capitale du Saloum va bientôt disposer d’un deuxième stade. « Dans la contribution de Kaolack à la Lettre de politique sectorielle qui est en train d’être élaborée, nous avions souhaité que cette région puisse disposer d’un stade municipal. La commune n’a pas d’infrastructure qui lui est propre parce que, comme vous le savez, le stade Lamine Guèye a été offert au département à la faveur de l’Acte 3 de la décentralisation », révèle-t-il.

L’inspecteur regrette dans la même lancée, l’absence de siège fonctionnel pour la Ligue. « Une structure fonctionnelle de gestion du football fait défaut à Kaolack dans la mesure où la Ligue régionale ne dispose ni de siège ni de mobilier », ajoute-t-il.

Face aux nombreux problèmes qui freinent le décollage du football kaolackois, Bassirou Fall pense que les communes doivent davantage s’impliquer dans la promotion de cette discipline et du sport dans son ensemble. « Les sportifs sont laissés à eux-mêmes. Les collectivités locales ne doivent pas se limiter seulement à subventionner des clubs ; il faut qu’elles investissent dans la formation des cadres, la réalisation d’infrastructures, etc.», se convainc-t-il, non sans rappeler que le sport est une compétence transférée. Il soutient qu’en tant que démembrement de l’Etat, l’Inspection des sports ne peut que fournir conseils et assistance technique aux collectivités locales et autres structures délégataires de pouvoirs dans la mise en œuvre de leurs programmes sportifs. « Notre rôle est d’amener les collectivités locales à assumer leurs responsabilités du point de vue du transfert des compétences. En consultant le code des collectivités locales, on se rend compte qu’il y a des attributions qui sont dévolues aux collectivités locales. Le chef du service régional du sport ne peut pas, à partir de son bureau, concevoir un programme pour les communes. Nous sommes des techniciens, tout ce que nous pouvons faire, c’est les accompagner dans la réalisation de leurs objectifs sportifs », précise l’inspecteur Bassirou Fall.

En dépit de toutes ces difficultés que traverse le football au Saloum, le président de la Ligue se veut optimiste. En homme qui ne baisse pas les bras, Kosso Diané continue de scruter l’avenir de la discipline reine avec espoir. « Je pense qu’on va revenir, à force de continuer à nous battre. C’est une conviction. L’espoir, c’est quand on voit quelqu’un comme Souleymane Ndéné Ndiaye, qui a été ce que vous savez dans ce pays, revenir prendre la tête d’un club comme le Saloum. C’est une immense source d’espoir », se réjouit Kosso Diané. L’espoir est d’autant plus immense que l’As Saloum frappe à nouveau à la porte de l’élite deux ans seulement après que l’ancien Premier ministre a pris les rênes de l’équipe. Le président de la Ligue kaolackoise indique que ce geste de haute portée de Me Souleymane Ndéné Ndiaye peut avoir un effet d’entraînement et inciter les autres politiques et hommes d’affaires à venir parrainer les équipes de la région. Comme le faisait si bien le défunt baron socialiste, Abdoulaye Diack.

Il était une fois le Mbossé de Kaolack
Le Mbossé a pendant longtemps été la fierté de Kaolack. A l’époque, seul grand club de la région, il avait rallié à sa cause, tout le Saloum. « Le Mbossé avait une base affective », rappelle nostalgique, le président de la Ligue régionale Kosso Diané. L’équipe qui porte le nom du totem de la ville avait également produit beaucoup de grands footballeurs parmi lesquels Babacar Thiam, Chérif Kandji, Assane Tall, Lala Souma, Racine Kane, Babacar Kambel Dieng, entre autres. « Durant cette période, les gosses de Kaolack jouaient et les pensionnaires du Mbossé étaient, pour l’essentiel, des produits des Navétanes. Il n’y avait pas encore le mercenariat comme c’est le cas aujourd’hui », se souvient Kosso Diané.

En 1996, le Mbossé et l’Association sportive de Kaolack ont fusionné pour donner naissance à l’As Saloum, à la faveur de la réforme Abdoulaye Diack. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le Mbossé malgré sa notoriété, sa kyrielle de grands footballeurs, n’avait remporté aucun titre majeur. Comme l’As Saloum, il présente un palmarès vierge. Le président de la Ligue précise toutefois que le club a été ressuscité par d’anciens nostalgiques de son passé et qu’il évolue actuellement en division régionale.

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