Affaire du Prodac : Le suicidaire système de défense de Mame Mbaye Niang

06 - Août - 2018

Dans l’histoire de la République du Sénégal, affaire n’aura pas été aussi rocambolesque que celle du Projet du domaine agricole communautaire (Prodac).

D’abord par l’énormité du montant (29 milliards), ensuite par la démission non-acceptée survenue un…dimanche, et maintenant par le fait que l’ancien Ministre de la Jeunesse vient mouiller le Ministre des Finances et du Plan, Amadou Bâ, dans le ‘’Grand Jury’’ à la Rfm.

Comment dans un même Gouvernement, un Ministre peut-il enfoncer l’autre dans une Affaire aussi grave ? Surtout s’il s’agit du Ministre des Finances qui gère la trésorerie de l’Etat, donc les encaissements et décaissements. Système de défense ne saurait plus suicidaire.

Car, face à de telles allégations, le Ministre des Finances n’a plus le droit de se taire. Et si l’argentier de l’Etat se mettait à faire des révélations, ce serait la République qui tremblerait car il est au cœur et au courant de toutes les opérations menées. Pourtant, Amadou Bâ et ses services sont tenus de répondre aux allégations de Mame Mbaye Niang. Ils devront nous dire ce qu’il en est exactement de 20 milliards que le Ministre les accuse pratiquement d’avoir détournés.

Une histoire démentielle qui, à quelques mois des élections, sème le doute dans les relations entre le régime et les fonds publics. Dans la perspective de la reddition des comptes, tout indique qu’une main invisible protège des coupables de dilapidation de fonds publics.

C’est pourquoi, Mame Mbaye Niang met aussi Macky dos au mur face à un dossier où il doit non seulement rendre compte à l’opinion, mais aussi aux bailleurs de fonds.

C’est en cela que son système de défense est suicidaire. En accusant le Ministre des Finances, il oblige la tutelle à réagir par des paroles ou des actes. Il oblige l’Etat à traquer l’argent et à en rendre compte à moins de faire profil bas et de devoir subir les contrecoups politico-diplomatiques d’un tel scandale. Et je ne pense pas que cette option soit acceptable au moment où l’on attend le verdict de Khalifa Sall pour beaucoup moins que cette somme.

Mieux, si l’on parle de solidarité gouvernementale, celle-ci est horizontale et verticale. Je ne suis pas convaincu qu’une attaque aussi frontale contre le Ministre des Finances, de la part d’un collègue, soit acceptable et tolérable dans un régime qui se respecte.

Qui plus est, du point de vue de la communication politique, on peut se demander s’il est pertinent de la part de Mame Mbaye Niang de revenir d’une façon aussi spectaculaire sur cette affaire que l’opinion commençait à oublier, au risque de la raviver et la remettre sur la table ?

Alors, de deux choses l’une : soit il est sorti la tête baissée et d’une façon maladroite, s’est enfoncé, soit quelque chose de grave se trame contre le Ministre des Finances Amadou Bâ qui doit être sur ses gardes. Si comme on le pense, la sortie a été calculée en haut lieu et exécutée, cela voudra dire que quelqu’un de plus haut placé que Mame Mbaye Niang en veut au Ministre des Finances au point de chercher, devant l’opinion nationale et internationale, à ternir son image.

En tout état de cause, l’Etat a toujours très mal géré le scandale du Prodac. Cette démission non-acceptée a été une hérésie. Personne ne croit à la sincérité d’une telle démarche de ce genre. Pis, cette sortie de l’ancien Ministre de la Jeunesse contre le Ministre des Finances ne fait que donner la mesure du degré des malentendus au sommet. Apparemment, c’est la guéguerre à tous les niveaux. Déjà, entre l’argentier et le Ministre de l’Enseignement supérieur, le torchon brûlait, s’il ne brûle pas encore. Et voilà qu’un autre Ministre se signale par son hostilité envers Amadou Bâ.

Ce qu’il faut, fondamentalement, c’est de situer les responsabilités et punir les coupables. Le rapport de l’Inspection générale des Finances a été assez circonstancié pour permettre à la hiérarchie de se décider contre les vrais responsables.

Mieux, si le procureur n’est pas saisi dans cette Affaire, toute autre aura, même rétroactivement, un parfum de règlement de compte politique.

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