AFFAIRE KARIM: QUE VA FAIRE ME WADE ?

15 - Décembre - 2018

Pour le Parti démocratique sénégalais (PDS), l’heure de vérité approche. En fait, cette heure a déjà sonné, avec l’ouverture d’une étape cruciale de l’élection présidentielle du 24 février 2019 : la réception des dossiers de candidature par le Conseil constitutionnel. Encore une fois, il faudra en passer par la paperasserie administrative pour espérer concourir aux suffrages des Sénégalais.

A cet effet, les hostilités ont (mal) débuté, caractérisées par les échauffourées de la nuit de lundi à mardi… Sur la quinzaine de candidatures d’ores et déjà reçues par les juges du conseil (en attendant leur étude au fond), ne figure pas encore celle de Karim Wade, désigné par son parti à la veille de sa condamnation par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) il y a plus de trois ans. Pourra-t-il être un prétendant à la succession du président sortant ? «Evidemment», répondent tout de go les libéraux encore sur la ligne de Me Abdoulaye Wade. «Impossible», rétorquent les autorités politiques et administratives sénégalaises.

En attendant de voir plus clair dans ce bras de fer entre Abdoulaye Wade et Macky Sall, l’inquiétude est plutôt dans le camp du Pds. De nombreux militants et responsables ne comprennent pas toujours - et ne comprendront sans doute jamais - pourquoi «Maître», d’habitude si flexible, nuancé et pragmatique sur les questions politiques, s’est enfermé dans une logique quasiment sans issue heureuse.

Il est vrai que le procès d’Etat contre Karim Wade a été particulièrement difficile pour lui et sa famille, pas essentiellement contre les allégations du Parquet mais eu égard aux distorsions de droit qui font de la Crei un dieu judiciaire imbattable devant un prétoire. En élevant Karim Wade au grade de deux ex machina du PDS pour la présidentielle de février 2019, Me Wade ordonnait en même temps aux troupes qui lui sont restées fidèles de bannir le principe d’un «plan B», une candidature de substitution qui prendrait le relais du candidat désigné en cas de nécessité. Le verrouillage est total.

Opportunistes ou réalistes, des responsables politiques de premier ordre ont brandi cet aveuglement du chef comme prétexte ou raison pour quitter le navire «jaune-bleu», désireux de vivre autrement ce moment politique exceptionnel que constitue l’élection présidentielle. C’est en effet pour la première fois depuis un quart de siècle que le Parti démocratique sénégalais risque d’assister en spectateur au scrutin majeur dans notre pays. De 1983 à 2012 en passant par 1988, 1993, 2000 et 2007, Abdoulaye Wade a été au cœur des processus électoraux qui ont provoqué deux alternances majeures dans notre pays. L’histoire se serait-elle arrêtée pour le Pds ?

Pour les libéraux, l’heure du choix est vraiment arrivée. L’objectif annoncé de synchroniser la tenue de la présidentielle à la participation légale de Karim Wade au scrutin pouvait être comprise comme un slogan de lutte contre le pouvoir, un moyen de mobiliser autour du «fils martyr» pour sauvegarder l’héritage du «père fondateur». Face à la réalité, un tel but devient un gadget d’autant plus inopérant que le Pds ne sera pas appuyé dans la démarche par une masse critique d’alliés politiques de poids qui seraient en mesure d’avoir le rapport de forces avec eux. L’autre théorie du chaos défendu par des libéraux - le boycott pur et simple de l’élection - Me Wade ne peut l’envisager concrètement : il pourrait signer sinon la mort du Pds, du moins sa transformation en une formation politique résiduelle comme il en existe des dizaines au Sénégal.

Ces deux perspectives font que le Pds se retrouve aujourd’hui à un tournant décisif d’une histoire pourtant encore jeune. Et il n’a pas mille choix à faire pour rester en vie. Les observateurs sont nombreux aujourd’hui à parier sur l’existence d’un vrai «plan B» que Me Wade sortirait de sa hotte au moment opportun. A moins que les signaux médiatiques envoyés par Macky Sall à propos d’une possible amnistie pour Karim Wade (et Khalifa Sall) après l’élection présidentielle (qu’il espère gagnée) n’aient été interprétés par Me Abdoulaye Wade comme pain béni pour se dépêtrer de l’ornière dans laquelle il s’est emprisonnée depuis trois ans.

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