Affaire Khalifa Sall: les charmes et les limites de la politique de la chaise vide

03 - Novembre - 2017

Les députés de l’opposition sont sortis de la plénière, hier, lors de la séance devant consacrer l’installation de la Commission ad hoc pour la levée de l’immunité parlementaire de Khalifa Sall. Ils ont exigé le rappel du règlement par le Président Moustapha Niass. Avec le refus de ce dernier, certains parmi eux ont tapé sur les tables et continué à le faire tout au long de la lecture du rapport par le Président.

Comme quoi, les choses ont mal débuté pour ces députés dont les séances sont des occasions d’étaler leurs divergences partisanes. Mais, là n’est pas notre souci du jour car, dans tous les cas, il en sera toujours ainsi jusqu’à la fin de cette législature.

Ce qui nous préoccupe, par contre, c’est que tous ceux qui se battent pour Khalifa Sall aient décidé d’adopter la politique de la chaise vide.

Les députés de l’opposition, en décidant de quitter l’Hémicycle, rejoignent ainsi les avocats de Khalifa Sall dans leur tactique, à savoir boycotter les audiences.

Cette politique de la chaise vide, va-t-elle être bénéfique au maire de Dakar en prison ?

Dans le cas de l’Assemblée nationale comme du futur procès, cela va certainement faciliter la tâche à l’Accusation. Certes, il s’agit de signaux forts allant dans le sens de démontrer que « les forfaitures » ne passeront pas, mais cette stratégie a prouvé ses limites.
Ainsi, s’agissant de l’Assemblée nationale, nous savons que la présence ou non des députés de l’opposition ne va rien changer au résultat final : l’immunité parlementaire de Khalifa Sall sera levée par une majorité de députés proches du pouvoir.

Par contre, leur présence dans la salle va permettre d’enrichir le débat et de porter la contradiction nécessaire à leurs collègues afin de mieux éclairer la lanterne des Sénégalais sur les aspects « politiques » de ce dossier. C’est dire que, tout compte fait, il aurait été plus bénéfique pour Khalifa Sall que les députés assistent à la séance. Et nous osons espérer qu’il en sera ainsi lors de la plénière consacrée à la levée de l’immunité.

Sur le plan judiciaire, l’absence probable de ses avocats et le silence du prévenu qui pourrait s’en suivre sont une façon de faire condamner facilement le Maire. Certes, ses avocats se disent qu’il sera de toutes les façons condamné, mais il y a des aspects judiciaires intéressants liés notamment aux exceptions procédurales à apporter. Le Maire par exemple était bénéficiaire d’une immunité parlementaire qui n’a pas servi à grand-chose. Qu’en pensera le tribunal ? Nous risquons de ne jamais le savoir.

Si les débats de fond sont occultés, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’à son prochain procès, il y a peu de chance que l’opinion publique soit édifiée sur ce qui a été présenté comme une chasse aux sorcières. Car, il ne faut pas l’oublier, le procès d’hommes politiques a forcément des connotations extra-judiciaires liées à sa carrière. L’erreur de la part de ses collègues députés et même de ses avocats, c’est de croire qu’ils ne parlent qu’aux juges ou à l’Assemblée.

Il est en effet important que dans cette affaire, l’opinion se fasse sa propre religion afin de ne pas se tromper sur l’intégrité ou non d’un élu de la trempe de Khalifa Sall.

Si les députés nous privent de belles passes d’armes de nature à faire éclater la vérité et que ses avocats en fassent de même, ce sont les arguments de l’accusation et du pouvoir qui risquent d’être retenus.

C’est aussi, d’une certaine manière, jeter les armes, ne pas se battre et s’avouer vaincu avant le combat.

Nous savons que chacun a ses raisons pour adopter la stratégie qui lui semble la meilleure, mais nous avons l’impression que ceux qui adoptent la politique de la chaise vide laissent trop de place au camp d’en-face et lui facilitent ainsi la tâche.

Car, si ses avocats ne se présentent pas au procès, inutile de dire que Khalifa ne pipera mot.

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