Affaire Lamine Diack Colère des magistrats français contre le Sénégal
Dans un vaste dossier consacré à l’Affaire Lamine Diack, nos confrères de Jeuneafrique livrent le sentiment de colère du magistrat français, Renaud Van Ruymbeke, qui estime que les autorités sénégalaises ne font rien pour leur faciliter la tâche, lui et ses collègues Stéphanie Tacheau, Charlotte Bilger.
En effet, ces magistrats souhaitent se déplacer sur Dakar dans le cadre d’une Commission rogatoire internationale afin d’interroger Pape Massata Diack, le fils de Lamine Diack, ancien Président de l’Association internationale des fédérations d’athlétisme (IAAF), sous le coup d’une inculpation pour diverses charges liées au dopage et à la corruption dans cette discipline et depuis lors placé sous contrôle judiciaire en France.
Ces juges-enquêteurs sont convaincus de se faire une religion sur l’Affaire si jamais les autorités sénégalaises leur livrent les autorisations nécessaires pour interroger Pape Massata à Dakar. Or, ils ont l’impression que depuis un an et demi, on les mène en bateau.
Pis, l’instruction ouverte au Sénégal sur l’affaire leur semble être un dilatoire pour empêcher qu’ils fourrent le nez dans cette affaire.
Certains disent même qu’aucun acte sérieux de procédure n’a été posé contre Massata alors que ce dernier a évoqué le contraire dans la presse en mentionnant le fait que ses comptes bancaires sont mis sous séquestre et qu’il a été entendu trois fois par le juge d’instruction.
En tout cas, les juges français avaient de leur côté tout tenté. La demande d‘entraide judiciaire, via leur Ministère de la Justice adressée à Sidiki Kaba, n’avait pas prospéré car celui qui s’occupait de ce département avait fait savoir que « le Sénégal entendait faire valoir sa compétence » dans cette affaire.
Conséquence, du côté de la France, selon toujours le site susnommé, on soupçonne un manque de volonté, une obstruction délibérée à une procédure en cours, malgré les accords en la matière qui lient les deux pays.
Contacté par JA, Alioune Ndiaye, secrétaire général du Ministère de la Justice, tient aujourd’hui un discours beaucoup plus conciliant : « Le Sénégal ne fait pas obstacle à la justice française, ce n’est ni l’état d’esprit, ni la volonté du gouvernement. Si les juges français souhaitent venir au Sénégal, ils peuvent même venir aujourd’hui », promet-il.
A propos des deux informations judiciaires concurrentes, « chacun avance de son côté, mais on travaille en collaboration si besoin », ajoute-t-il, assurant qu’ « il n’y a aucune concurrence ». Selon lui, les extraits d’échanges de courriers cités par Le Monde seraient « le fruit d’une mauvaise interprétation, à un moment donné, de certaines informations ».
Dans tous les cas, le Premier ministre Boun Abdallah Dionn avait eu à dire que « le Sénégal ne livre pas ses enfants ». Pas plus que la France.
Nous avons en effet en mémoire cette descente à Ndjamena du Président Sarkozy, venu spécialement sauver la tête d’un couple français accusé de trafic d’enfants au Tchad dans le cadre de leur ONG L’Arche de Joe.
Loin de nous l’idée de disculper qui que ce soit. Mais avouons que c’est gênant pour les autorités sénégalaises de livrer un de ses fils à un autre pays pour des délits qui lui sont reprochés.
Déjà la mise sous contrôle judiciaire de son père Lamine Diack a suscité une vive émotion dans le pays. Les mobilisations se multiplient et les arguments des sympathisants à l’ancien patron de l’athéisme mondial est que ce dernier est victime d’une cabale.
Les autorités sénégalaises craignent-elles les contrecoups d’une affaire très sensible ? C’est toute la question.
En tout état de cause, si les juges français comptent sur la collaboration de Dakar pour éclaircir l’Affaire, le dossier peut encore longtemps trainer, soumettant ainsi Lamine Diack à un exil alors qu’il est aujourd’hui très âgé.
Car, ce n’est pas la première fois que Dakar exprime son désaccord sur un dossier en cours en France. Avec l’Affaire le Joola, les juges français ont dû classer le dossier alors qu’il y avait de sérieuses raisons d’aller jusqu’au bout en essayant de situer les responsabilités.
La question est maintenant de savoir si en l’absence du fils, le père pourrait être jugé ?