Angèle Diabang propose une réflexion sur l’humain avec "Un air de Kora’’

27 - Février - 2019

La réalisatrice sénégalaise Angèle Diabang propose dans son dernier film, ’’Un air de Kora’’, une réflexion sur la primauté de l’humain sur toute autre considération notamment identitaire, à travers l’histoire d’un amour impossible entre une musulmane voilée et un moine, une manière d’évoquer de manière détournée, subtile, la question du dialogue islamo-chrétien au Sénégal.

Le film de la réalisatrice, en compétition dans la section ’’court métrage’’ de l’édition 2019 du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO, 23 février-2 mars), a été présenté mardi dans la capitale burkinabè, dans le cadre de cette rencontre du 7e art africain.

Dans son film, Angèle Diabang raconte l’histoire de Salimata (interprétée par Amie Hélène Sambou), une jeune fille musulmane, voilée, qui apprend à jouer de la kora avec l’aide du frère Emmanuel (Roger Salah de la série +Pod et Marichou+), un moine chrétien dans un monastère. La rencontre des deux aboutit à un amour impossible du fait de leur appartenance à des religions différentes.

Ce film traite en même temps de plusieurs thématiques corrélées, dont le célibat des prêtres, un sujet peu évoqué au Sénégal mais qui alimente l’actualité mondiale, à la lumière des cas d’agressions sexuelles relatées à travers des médias et imputées à des religieux catholiques.

Selon Angèle Diabang, l’humain est "plus important que l’ethnie, la race, la religion, parce qu’au final, c’est deux personnes qui sont l’un moine et l’une fille voilée, cela veut dire qu’ils sont très engagées dans leur religion’’, mais les deux personnages "ont fini par se retrouver autour de la kora et tomber amoureux même si l’histoire est impossible à la fin".

Avec ce film, la réalisatrice sénégalaise revient sur la thématique de la religion, un sujet qu’elle avait déjà explorée dans son documentaire "Sénégalaise et Islam", réalisé en 2007.

"Je ne saurais pas dire ce qui me rattache à la religion, mais c’est vrai qu’en 2007, j’avais fait un film +Sénégalaise et Islam+ qui avait fait beaucoup parler parce que c’était Angèle Diabang qui fait un film sur les femmes sénégalaises’’.

‘‘À l’époque, les gens croyaient que je vais salir le nom de l’Islam, mais quand ils ont vu le film, c’était le contraire, c’était plutôt une catholique qui parlait très bien de l’Islam, qui magnifiait la tolérance de l’islam noir et sénégalais", explique-t-elle.

Elle ajoute qu’elle demeure "dans un sens constructeur et rassembleur" avec ’’Sur un air de Kora’’, en dépit du caractère sensible de ce film mettant en scène un moine qui tombe amoureux d’une ibadou musulmane (voilée)".

La réalisatrice espère ainsi que son film "sera bien accueilli", surtout qu’il peut se prévaloir d’une belle esthétique, au-delà de l’impossible amour entre un chrétien et un musulman.

"On sent ses options esthétiques avec la mise en place des éléments constitutifs de plans larges par moments et serrés aussi", analyse le critique de cinéma Baba Diop.

"C’est un film qui prépare son prochain long métrage au regard de cette exigence esthétique et de cadrage. Elle est très dépouillée dans le décor et très efficace dans sa manière de filmer. Tout est dans la délicatesse de cet amour qui est né", indique le journaliste-formateur.

"Un air de Kora" se veut à la fois un film d’amour, une comédie musicale et une dramatique, note Baba Diop, selon qui ces différentes caractéristiques font qu’il est à classer "dans ce cinéma hybride qui est aujourd’hui pratiqué’’ et en vogue à travers le monde.

Angèle Diabang a déjà à son actif plusieurs autres films, dont "Congo, un médecin pour sauver les femmes", le documentaire qu’elle a consacré au docteur Denis Mukwébé, prix Nobel de la paix en 2018.

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