Apprentis dictateurs africains: pourquoi le pouvoir rend fou

10 - Septembre - 2021

De Idi Amin Dada à Alpha Condé en passant par bien d’autres comme Hissène Habré, Sékou Touré, Eyadéma, pour ne citer que ceux-là, même si les époques ne sont pas les mêmes, les pratiques, elles, le sont. Tous ces présidents africains à l’exception de certains, ont développement des réflexes autocratiques, pris en otage les institutions de leurs pays, leurs peuples.

Jusqu’aux années 90 avec le discours de la Baule, les coups d’Etat faisaient lésion. On parle d’une centaine et des pays comme la Républicaine centrafricaine (Rca), la Mauritanie, le Niger et autres ont eu la part belle. Dans beaucoup de ses concrets, y compris aujourd’hui au Tchad, les militaires s’érigent de facto, en pouvoirs constituants, celui à partir duquel les autres tirent leurs légitimités.

Pendant ce temps, dans d’autres pays comme le Cameroun, la Guinée Equatoriale, le Togo, le Gabon, c’est une forme de monarchie qui est instaurée. Soit les présidents sont là depuis plusieurs décennies, soit, ils sont morts et ont laissé le pouvoir à leurs fils.

Tous ses Chefs d’Etats, plus que des Présidents de la République, partagent un même défaut : celui de se croire investis du droit divin de diriger leurs peuples. C’est pourquoi, au demeurant, le pouvoir rend fou. Et pour cause !

Les hommes et les femmes qui dirigent nos pays, comme en Egypte antique ou d’autres époques de l’histoire, pensent, mordicus, être les représentants de Dieu sur terre. Même ceux qui sont élus démocratiquement s’entend dire qu’un marabout l’avait dit à leurs parents, que c’est le mérite d’une mère incomparable, que certains ont déjà fait le rêve depuis longtemps, qu’il n’a jamais été un garçon ou une femme comme les autres, etc. A force d’entendre cela, on finit par y croire. Et ceci d’autant plus que les fonctions de Chef d’Etat exigent un protocole souvent sévère qui fait que ces derniers sont peu accessibles.

Du coup, à force de rester pratiquement seul et de sentir tout le poids des charges, de devoir mesurer l’importance de ses fonctions par la manière dont les personnalités importantes du monde entier vous considèrent, on finit par se déconnecter de la réalité. Parce qu’un ‘’dieu’’ ne peut continuer à rester ‘’homme’’. Et un ‘’dieu’’, on ne le change pas. Et il ne perd pas des élections ; et on le lui porte pas la contradiction ; et on ne lui dit pas non !….Et là, bonjour les dégâts.

Ceux qui disent qu’un pouvoir absolu rend absolument fou ont tellement raison que la personne à qui personne ne résiste, qui a tout ce dont il a besoin, qui peut aller là où il veut, va, à partir de ce moment, développer des comportements hors norme, sortir des sentiers battus, surprendre leurs proches par une forme d’arrogance que personne ne lui connaissait avant.

Cela n’arrive pas seulement aux hommes et femmes de pouvoir. Cela arrive à ceux qui sont riches, aux enfants de chefs traditionnels, de chefs religieux, etc. C’est le syndrome de ricopathie ou ‘’affluenza’’. Et bien d’autres syndromes de ce genre.

Il s’y ajoute un trait culturel propre à l’africain : le désir de se sentir extraordinaire, imbu de pouvoirs y compris supranaturels et de se sentir supérieur aux autres.

Ces ‘’réflexes de petits rois’’ font que les titres de maréchal ne sont pas rares chez nous et les troisièmes mandats sont lésion. On veut rester au pouvoir parce que l’on ne veut pas perdre ce qui forge notre nouvelle identité. Eh oui, le pouvoir chez nous, bien plus qu’un statut, est une identité. C’est ce qui fait que certains ministres déchus sombrent dans une forme de dépression.

Au regard de toutes ces considérations qui ne sont pas forcément propres à l’Afrique, il a été inventé, depuis le XVIII siècle au moins, des théories d’équilibre des pouvoirs afin que ‘’le pouvoir arrête le pouvoir’’.

Montesquieu l’avait tellement bien compris qu’il avait annoncé cette célèbre phrase qui résume cette vérité absolue que nous avons développée : ‘’Toute personne qui a du pouvoir est portée à en abuser jusqu’à ce qu’il en trouve des limites. Donc, à tout pouvoir, il faut un contre-pouvoir’’.

Mais, c’est dans la mise en place des contre-pouvoirs que l’Afrique a péché. Car, comment faire confiance à une Assemblée nationale, à une Justice aux ordres et à une presse complaisante ?

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