Cas Khalifa et Karim: Bathily enfonce Macky et se démarque de la Ld
L’ancien Secrétaire général de la Ligue démocratique (Ld) n’a pas mis de gants quand il s’agit de donner son point de vue sur les affaires Khalifa Sall et Karim Wade.
Interrogé par JA, l’universitaire et politique qui dit avoir participé à tous les combats démocratiques au Sénégal, parle actuellement de ‘’désert démocratique’’ pour caractériser la situation politique du Sénégal.
Complétement en déphase avec son parti qui soutient, mordicus, le candidat Macky Sall, acteur des démarches de liquidation politique des candidats susnommés, le professeur fait preuve d’une liberté de ton qui va déranger en haut lieu.
Pour s’en convaincre, il a évoqué, pour l’Affaire Karim, l’arrêt de la Cedeao qui veut qu’il soit rétabli dans ses droits après qu’il a constaté que ses droits n’ont pas été respectés. Et s’agissant de Khalifa Sall, il a aussi évoqué l’avis du Comité des droits de l’homme des Nations-Unies qui dénonce la violation de ses droits et qui, d’ailleurs, donne 120 jours au Sénégal pour réparer l’injustice.
Fort de tous ces argumentaires, l’ancien allié de Macky n’a pas hésité à fustiger les actes ainsi posés par le régime actuel en ces termes : « On ne règle pas des problèmes politiques en se servant de la justice. Actuellement, lorsque les gens soupçonnés de malversations sont contre vous, ils tombent sous le coup de la loi. Mais lorsqu’ils sont avec vous, vous les épargnez. À partir de ce moment-là, la justice perd sa crédibilité, et le jugement sa légitimité aux yeux de l’opinion. C’est cela qui amène les tensions, et demain une ambiance de règlements de comptes qui porte en germe le recul de la démocratie. »
Une sortie qui n’est pas la première sur la gestion, par Macky, des affaires du pays. Au mois d’avril dernier, Bathily avait pris fait et cause pour Khalifa Sall, condamné à 5 ans de prison et peint un tableau sombre de la situation du pays. Voici ses propos d’alors : ‘’Notre pays est dans une situation dangereuse. Le Sénégal est un des pays où le trafic de drogue, l’enrichissement illicite, le blanchiment d’argent, sont les plus visibles. L’argent sale coule à flot dans ce pays aujourd’hui. C’est un danger pour la démocratie et la cohésion dans ce pays’’.
Des propos qui lui avaient valu une réaction au vitriol du porte-parole du Gouvernement, Seydou Guèye, qui a mis le turbo sur le fait que Bathily a été un candidat qui n’a jamais obtenu 5% de l’électorat au Sénégal. On se rappelle aussi de la réplique apportée par Alioune Sall, un proche de Macky, qui s’est vite transformée en polémique.
D’ailleurs, un site d’information s’en était pris au Professeur en des termes peu glorieux sur certains agissements qu’on lui prêtait dans certains pays africains. Et ‘’l’affaire’’ s’en était arrêtée là.
C’est dire que sa nouvelle sortie va beaucoup déplaire. D’abord dans les rangs de son propre parti qu’il n’a jamais quitté officiellement, même s’il en a cédé la présidence, ensuite du côté du régime qui cherche des alliés et non des détracteurs.
Ceci est d’autant plus vrai que Bathily n’est pas n’importe qui. Il est très respecté à l’intérieur du pays et à l’extérieur. Il est aussi très écouté et ses points de vue peuvent faire mouche.
C’est pourquoi, au lieu de s’en prendre à lui encore une fois, il serait important d’analyser la quintessence de son discours et d’en tirer les leçons.
On peut ne pas être d’accord avec lui, mais il a dit quelque chose de très important. C’est le risque de voir le pays plonger dans une spirale de vengeance avec ‘’une ambiance de règlement de compte’’.
L’universitaire est resté formel : « Voilà cinquante ans que je participe au combat politique au Sénégal, et c’est la première fois que l’on fait écarter par la justice des candidats à la présidentielle. »
Suffisant pour que Macky fasse son introspection. Car, Bathily n’est pas candidat à quelque chose et s’inscrit dans une démarche de quelqu’un qui analyse froidement ce qui se passe dans son pays.
Si son point de vue rejoint celui d’une bonne partie de l’opposition, il n’en fait pas partie pour autant.
Nous pensons qu’il a eu tout simplement le courage de ses idées.