Consommation de drogue : L’OCRTIS CONTRE LA REPRESSION – Le Dg Idrissa Cissé : «L’emprisonnement systématique des usagers doit être revu»

02 - Août - 2018

Dans plusieurs pays, les consommateurs de drogue ne sont pas envoyés en prison parce que considérés comme des malades. Directeur de l’Ocrtis, Idrissa Cissé pense aussi que l’envoi systématique des usagers des stupéfiants doit être revu.
Le directeur de l’Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants (Ocrtis) sait relativiser une politique : «L’envoi systématique des consommateurs de drogue en prison doit être revu, parce que le Code des droits n’a pas attendu le contexte actuel pour prendre en charge les considérations sanitaires les concernant.» Ces mots renvoient au combat que mènent Kofi Annan et Olesegun Obasanjo pour la dépénalisation de la consommation des stupéfiants. En 2014, les hérauts de la lutte contre le trafic et la consommation de drogue avaient failli «incinérer» l’ex-secrétaire général de l’Onu et Président du Nigeria qui sont des militants invétérés de cette cause. Les deux «elders» avaient recommandé la dépénalisation des délits liés à la consommation de drogue lors de la présentation des rapports de la Commission ouest-africaine sur les drogues et par la Fondation Kofi Annan.
Le plaidoyer du directeur de l’Ocrtis, cheville ouvrière de la lutte contre la drogue, peut surprendre, mais il faut admettre que la répression a atteint ses limites ; d’où son appel à un changement de démarche relativement à l’envoi systématique des usagers de drogue en prison par la prise en considération de leur personnalité. Selon lui, cela doit être fait «au même titre» que pour «un malade ordinaire gardé à vue entre les mains de l’officier de police judiciaire, pris en compte médicalement et référé vers une structure de santé qui le prend en charge correctement». Il estime que lorsqu’il s’agit d’un usager de drogue, compte tenu des effets de la drogue sur l’organisme humain, on est obligé de privilégier les considérations sanitaires et lui faire un diagnostic avant tout envoi en prison. Il a rappelé que «dans le dispositif du Code des droits, il est prévu l’injonction thérapeutique». Même si le juge pénal qui a devant lui un usager a la possibilité d’appliquer une sanction pénale ou d’enjoindre l’usager à se faire traiter médicalement, en vue de le sortir de ce piège qu’est la drogue. «Si cela marche, il n’y a pas de raison d’envoyer systématiquement les usagers en prison, où ils pourraient faire face à des situations beaucoup plus pernicieuses qui pourraient compromettre leur santé», a-t-il expliqué. Idrissa Cissé, qui a fait ce plaidoyer, prenait part à l’ouverture d’une formation organisée par l’Alliance nationale des communautés pour la santé (Ancs) au profit des médiateurs des usagers des drogues injectables, des forces de sécurité et d’Ajd/Pasteef.
Aujourd’hui, certains pays qui ont accepté de reconnaître que «les politiques actuelles de lutte contre les drogues ont échoué» ont eu le courage de changer de méthodes en mettant sur pied des politiques plus humaines et plus coordonnées. Dans ce sillage, ils admettent que la consommation de la drogue est plus une question de santé publique que de sécurité, surtout que l’environnement est marqué par un manque de structures de traitement pour les usagers de la drogue qui augmente le risque d’alimenter la propagation des infections. Un rapport mondial de l’Onudc, datant de 2013, estimait que 11,8% des usagers de drogues injectables en Afrique vivaient avec le Vih. Alors qu’au Sénégal, le taux de prévalence des usagers de la drogue était de 9,1% contre moins de 1% pour le reste de la population.
La directrice exécutive de l’Ancs, Maguette Mbodji, a vu juste quand elle pense qu’il est temps que l’intégration de la dimension santé publique soit réelle dans les approches de lutte contre la drogue. Elle dit : «Je pense que sur ce plan, le Sénégal est très en avance, parce que nous avons un plan stratégique de lutte contre la drogue qui mobilise tous les acteurs de la société civile, du secteur public et privé, autour d’un plan qui nous permet de voir tous les aspects qui nous permettent de mieux gérer la question de la drogue.»

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