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DANSE ET RESILIENCE UN METIER, DES REMEDES

02 - Juin - 2017

DANSE ET RESILIENCE UN METIER, DES REMEDES

Avec ses codes, ses interdits et ses traits de culture, son côté «genré», ou «contestation identitaire», la danse est aujourd’hui un métier, avec des danseurs professionnels, qui refusent de se laisser piéger par leur condition sociale, le poids de la famille ou celui des préjugés. Une réflexion que le Pr Felwine Sarr, parrain de la toute dernière édition du Festival Kaay Fecc, sur le thème de la «résilience», a bien voulu partager avec le public du Centre culturel Blaise Senghor. Avec à ses côtés le Pr Ibrahima Wane, qui a surtout appelé à réfléchir à la façon dont nous construisons nos espaces culturels : le Grand Théâtre National par exemple.

Avec qui danse-t-on, comment, et de quelle façon ? A quelle distance, plus ou moins autorisée ? Ou alors…Comment ne pas gêner, embarrasser, choquer…A qui s’adresse-t-on finalement, et avec quels codes plus ou moins entendus ? Derrière ces petits points d’interrogation, rien de très anodin. Le Pr Felwine Sarr laisse d’ailleurs entendre que ce n’est tellement pas banal, que «nos sociétés ont toujours voulu contrôler l’acte de danser. Ce n’est pas un acte que l’on laisse se déployer comme il veut».

La preuve, c’est que, dans un pays tel que le nôtre, avec quasiment «une nouvelle forme de danse» tous les six mois et donc «un rythme très difficile à suivre», l’on se retrouve avec toutes sortes de «débats» autour de danses «obscènes, suggestives ou sexuelles». Sans parler du «contrôle du corps de la femme et de son expression» : autant «d’espaces que la société n’a jamais voulu laisser tels quels».

Mais qu’est-ce que l’obscénité finalement ? «Tout dépend de qui a le droit de voir ou de ne pas voir», autrement dit d’un public autorisé, ou non…Quand on sait que le sabar par exemple, d’abord «réservé aux cercles privés», où des femmes mariées «s’échangeaient» leurs petits «secrets», va se retrouver sur la place publique…Entre autres parce que les médias, dixit l’enseignant-chercheur Pr Ibrahima Wane, ont «projeté ce genre de choses hors des espaces autorisés ».

Dans les sociétés traditionnelles africaines, dit Felwine Sarr, qui s’est récemment retrouvé dans la peau du parrain du Festival Kaay Fecc (Viens danser), les choses sont un peu plus tranchées ; avec «très peu de danses articulées, où les deux sexes dansent ensemble. Il y a des danses d’hommes, des danses de femmes, des danses viriles»...Au-delà de jouer «un rôle de cohésion», on a une distinction ou une moralité basée sur le genre, qui va donc décider «de ce qui est autorisé et de ce qui ne l’est pas».

Puis viendront les années 60-70, dit Felwine Sarr, où l’on va «renégocier la distance entre le corps de l’homme et celui de la femme» ; entre le rock, la salsa, la soul américaine, le tango argentin et la valse, leurs «codes importés», et les fameuses «soirées dansantes», qui vont ensuite servir d’ «espace d’approche conventionné du corps de l’autre sexe» et qui vont aussi permettre de «renégocier la distance socialement admise».

Danse et «Revendication identitaire»

Dans les années 60 toujours, la danse va d’ailleurs se retrouver au cœur de la question des identités nationales, que l’on cherche alors à reconstruire : le Ballet national au Sénégal pour commencer. Felwine Sarr donne aussi cet exemple : «Quand il a fallu réunifier le Tanganyika et le Zanzibar», on a alors pensé à une sorte de «mix», entre «les danses des deux communautés, pour que la nouvelle société tanzanienne» puisse se retrouver.

Chez nous, la danse s’est parfois présentée comme un espace de «contestation identitaire». Au-delà du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc), «l’un des véhicules de la revendication identitaire au sud du Sénégal, une identité diola, une identité casamançaise, ça a été les troupes de danse des ressortissants diolas installés à Dakar, qui ont existé, et à travers lesquelles on élaborait, construisait une identité diola, entre le théâtre et la danse».

Aujourd’hui, on en arrive à «une époque moderne, contemporaine, où les jeunes veulent être des danseurs professionnels, peu importe» d’où ils viennent, et quelle que soit leur condition sociale. «Ils veulent en faire un métier, un art».

L’auteur d’ «Afrotopia» raconte ainsi l’histoire de ce jeune danseur, fils d’un imam à Saint-Louis, qui racontait, dans une interview, toutes les difficultés qu’il a eues pour faire accepter son métier, ou cette «transgression». Sans doute à cause de «toutes les représentations associées à la danse», victime de préjugés : un milieu «a priori féminin», la débauche, etc.

Felwine Sarr ajoute aussi que dans la danse contemporaine aujourd’hui, «il y a une tentative de renégocier la socialisation hiérarchisée : qui doit danser, qui ne doit pas danser», quelle caste sociale, quel sens interdit ? Ce qui implique que les danseurs «renégocient leur statut», s’affranchissant du poids de la famille, et appellent à ce que l’on respecte leur métier.

Le Pr Ibrahima Wane s’interroge quant à lui sur la façon dont nous construisons (concrètement) nos espaces : le Grand Théâtre National par exemple : «Est-ce que ça a du sens ? Le Grand Théâtre National a été construit à l’italienne. Les gens viennent avec des annonces, des chèques, des cadeaux, ils doivent monter sur la scène, ils doivent prendre la parole. Tous les grands spectacles sont construits autour de la prestation, dans des salles où la séparation entre le public et la scène est nette. Cette rencontre-là n’existe pas.»

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