Des artistes proposent une relecture plastique de "L’Aventure ambiguë"

29 - Février - 2020

Une exposition collective consacrée à "L’Aventure ambiguë", un des plus grands classiques de la littérature africaine, se propose de revisiter, par les arts visuels, l’histoire de Samba Diallo, héros de ce roman de l’écrivain sénégalais Cheikh Hamidou Kane, une lecture plastique nourrie par des regards croisés de cinq artistes sénégalais et français.

Cette exposition intitulée "Sur les pas de Samba Diallo" se tient à la galerie "Le Manège", à Dakar, du 27 février au 28 mars prochain.

Elle ambitionne de donner un nouvel écho au récit de "L’Aventure ambigüe’’, une histoire qui conte le déchirement de Samba Diallo - le héros du roman -, entre la culture occidentale symbolisée par "l’école des Blancs" et les traditions héritées des "Dialobé", la communauté dont il est issu dans le Fouta, zone traditionnelle du nord du Sénégal.

Les artistes Mohamadou Ndoye alias "Ndoye Douts", Babacar Mbaye Diouf, Amadou Kane Sy "Kan-si", mais aussi Sophie Bacquié et Laure Freeth, ont structuré leur travail de manière presque similaire en offrant à voir des œuvres graphiques (peintures, dessins au fusain et à la craie, sous-verres) et des installations après une résidence de plus de deux mois à Dakar, l’année dernière.

"Cette exposition propose un défi, porter un regard polysémique et poétique sur le roman de Cheikh Hamidou Kane et ses enjeux réactualisés dans notre époque", expliquent les organisateurs.

Selon "Ndoye Douts", chacun des artistes concernés s’est inspiré du récit et du personnage principal du roman, à savoir Samba Diallo, pour travailler sur "l’idée de résistance, les moments de tension qui traversent l’itinéraire de Samba Diallo tout en repensant les dichotomies harmonie/rejet ; équilibre/déséquilibre ; résistance/fragilité et nature/culture".

Ndoye Douts par exemple joue de cette confrontation des cultures à travers trois types d’œuvres, à savoir deux dessins sur papier graff froissé avec du fusain noir et une fresque fait avec la craie blanche sur le fond d’un mur noir.

Dans l’un ou l’autre cas, l’artiste sénégalais, connu pour ses œuvres sur l’architecture chaotique des villes, met en opposition gratte-ciel et villages à travers une thématique intitulée "Rencontre de deux mondes".

"C’est une confrontation de la ville et du village comme Samba Diallo a eu à le vivre, lui qui a reçu une éducation à l’école coranique qu’il a tendance à perdre à la rencontre de la culture occidentale à l’école des Blancs", explique l’artiste.

"Ndoye Douts" a ainsi revisité l’école coranique de Samba Diallo en installant sur un tas de sable des tablettes en bois sur lesquelles l’artiste griffonne des dessins de villes et de villages ainsi que des embarcations de fortune, un clin d’œil à l’émigration clandestine.

Cette œuvre symbolique de l’école coranique, intitulée "Djangou", est disposée sous forme circulaire, rappelant le rituel des "talibés" regroupés la nuit sous la lumière des lampes tempête pour apprendre à psalmodier parfaitement le livre saint des musulmans.

Elle semble s’accorder avec celle de Babacar Mbaye Diouf intitulée "Jang" et installée dans une salle sur un tas de sable, avec sept plaques en bronze distillant à l’infini le nom "Allah".

Kan-si, fidèle à sa signature consistant en une répétition graphique, propose des peintures multipliant les gestes de la prière dans ses deux toiles intitulées "Rituel Zikr".

Les pièces présentées par les deux artistes françaises Sophie Bacquié et Laure Freeth reposent davantage sur des heurts avec ces verres brisés enfoncés et retenus par le béton.

"Les pièces de Sophie Bacquié et Laure Freeth reposent sur le télescopage tout en recherchant la rencontre, c’est quand le verre est cassé qu’il s’unit plus fermement avec le béton", analyse Paul de Sorbier, responsable de la Maison Salvan, et un des initiateurs de cette exposition.

Les cinq artistes se retrouveront en France en avril 2020, pour "un voyage retour" qui donnera lieu à une nouvelle exposition à Labège, selon les organisateurs.

Cette résidence s’inscrit dans le cadre de la "Carte blanche" dédiée à Cheikh Hamidou Kane, une initiative de la galerie "Le Manège" de l’Institut français de Dakar et de la "Maison Salvan", centre municipal d’art contemporain de Labège (France).

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