HAKILL, RAPPEUR «JE N’AI PAS VRAIMENT GALERER POUR ME FAIRE UNE PLACE DANS LE GAME»
A l’état civil Ibrahima Khalil Ndiaye, Hakill est un jeune rappeur qui est en train de tisser sa toile sur la scène musicale. Né à Bakel, Hakill qui a passé son enfance dans le quartier de Grand Yoff, s’est lancé dans la musique en 2013. Il chante en wolof, en français, en anglais mais aussi en soninké. Dans cet entretien qu’il nous a accordé à quelques jours de son concert au Théâtre national Daniel Sorano (21 septembre 2018) pour annoncer la sortie de son premier album, Hakill revient sur son parcours, l’album qu’il s’apprête à sortir, ses relations avec les rappeurs et ses projets…
Présentez-vous à nos lecteurs ?
Je m’appelle Hakill de mon vrai nom Ibrahima Khalil Ndiaye. Mon pseudo Hakill vient de Khalil. J’ai juste mélangé les lettres de Khalil et ça a donné Hakill. J’ai débuté ma carrière de rap en 2013- 2014. J’ai eu à sortir trois projets dont deux mixtapes et un Ep. Je suis né à Bakel mais j’ai grandi à Dakar à Grand Yoff. J’ai fait mes études à l’école primaire de Grand Yoff puis au lycée moderne de Dakar. Après mon bac, je suis allé à l’Ucad où j’ai obtenu une licence en droit. Mais après, je me suis concentré plus sur la musique
Les gens vous ont découvert à travers votre premier projet « Ich Yo Boy ».Pouvez-vous revenir sur votre parcours ?
«Ich Yo Boy», c’est le nom de ma première mixtape. A ce moment, j’étais à Reptyle Music. Mais, il y’a d’autres choses qui l’ont précédé. A l’époque, pour me faire connaitre, je faisais des freestyles et de petites vidéos sur le net où je rappais. Et au fur et à mesure, les gens ont commencé à me découvrir. Après, j’ai eu à signer avec Reptyle Music. En 2014, on a décidé de faire une mixtape. Et moi, naturellement, je n’ai pas cherché loin le nom du projet «Ich Yo Boy». C’est juste une déformation de «It’s your boy en anglais». Pour moi, c’était le titre qu’il me fallait pour se présenter. J’ai sorti ce projet où il y’avait 17 titres. Le public rap Galsen m’a découvert à travers donc ce projet et c’est un projet qui a compté dans ma carrière et qui continue de compter
Vous s’apprêtez à sortir votre premier album après 4 ans de présence sur la scène musicale. Pourquoi avoir attendu tout ce temps ?
En 2016, j’ai sorti un 2ème projet intitulé «Sarax» et en 2017, un 3ème projet qui est un EP(maxi) appelé «3èmeBaaram». C’est pour dire que pendant toutes ces années, ce n’est pas que je suis resté les bras croisés. J’ai sorti des projets. Hormis cela, je faisais pas mal de prestations, de shows, d’apparitions, de featuring. J’étais aussi sur mes projets personnels. Ce qui fait qu’un album au Sénégal, ce n’est pas quelque chose de vraiment impératif à faire. Après tout, un album dans la carrière d’un artiste, c’est en quelque sorte une identité. C’est quelque chose qui fait qu’on sent vraiment l’artiste. L’artiste se donne dans son album. Il donne une partie de lui dans son album. Je pense que ça demande donc de la préparation, de la maturité. Et moi, je voulais attendre ce moment-là et ce moment, je sens que c’est maintenant, et depuis je travaille avec mes collaborateurs. Ça ne va même pas sortir en 2018. 2018 va être l’année où je ne sortirais pas de projet. Mais courant 2019, l’album viendra. Déjà, on travaille là-dessus. C’est un peu pour ça que le projet a pris autant de temps
Qu’est-ce qu’on peut s’attendre de l’album ?
Beaucoup d’ouverture et quand je parle de ça, je pense que mes fans peuvent facilement comprendre. Pour quelqu’un qui a suivi l’évolution de Hakill, tu peux facilement voir que mon objectif, c’est vraiment de conquérir un autre marché, avoir un autre public hormis le public sénégalais. Dans cet album, on peut s’attendre à beaucoup d’ouverture sur le côté musical, sur le côté de la langue utilisée pour rapper. On restera un rappeur sénégalais mais bien sûr, on va s’ouvrir sur l’extérieur. Cet album sera en quelque sorte la consécration de tant d’années de projets et de préparation
Pourquoi avoir choisi de faire un concert au théâtre national Daniel Sorano pour annoncer l’album ?
Pour moi, Daniel Sorano, c’est en quelque sorte une façon de faire le bilan des quatre années qui se sont écoulées. C’est une façon de se retrouver avec mon public, avec ces gens, mes fans qui me donnent la force depuis le début. C’est une façon pour moi avec eux de faire une communion, de se rencontrer, de se rappeler. Pour tout artiste, c’est significatif de jouer dans une salle aussi mythique que Daniel Sorano. Mon concert au théâtre Daniel Sorano, c’est une fin d’un chapitre qui annonce le début d’un autre en quelque sorte
Le milieu du rap est très serré au Sénégal. Quelle est la particularité de Hakill pour pouvoir prendre les devants de la scène ?
La particularité de Hakill, ça se voit du tic au tac. C’est tellement visible. Je veux sans prétention aucune. Je pense que sur dix mille rappeurs, je suis facilement reconnaissable et ça par rapport à mon physique. Hormis cela, il y’a aussi mon style. Il y’a ce flow que j’ai, cette façon de rapper, d’être free dans tout ce que je fais. S’il fallait dire les choses comme telles, je n’ai pas vraiment galérer pour me faire une place dans le game. Mais après, ce n’est pas se faire une place qui est importante mais le plus important, c’est de savoir rester, savoir même évoluer par rapport à cette place
Est-ce qu’il y’a des artistes qui vous ont influencé dans votre carrière ?
Bien sûr. Comme tout artiste, on est obligé en un moment d’avoir des gens qui nous influencent. Les artistes qui nous donnent envie de faire comme eux. Personnellement, c’est plus de l’extérieur que c’est venu. Parce que j’étais quelqu’un qui aimait énormément le rap français à l’époque de Booba, Kery James. J’écoutais aussi le rap américain. Je n’écoutais pas beaucoup le rap Galsen. En revanche, il y’avait un artiste qui m’a beaucoup influencé, c’est Simon. Je me rappelle le premier jour au studio, tellement sa voix m’impressionnait, j’essayais de rapper comme lui
Quelles sont vos relations avec les autres artistes notamment les rappeurs ?
C’est des relations saines. Pour les autres rappeurs, la plupart, on s’entend bien. C’est des potes, des frères. On collabore sur beaucoup de choses. Après, il ne faut pas mentir. Tout le monde ne peut pas être ami avec tout le monde. J’ai de très bonnes relations avec eux comme One Lyrical. Tous les jours, on est ensemble. Dip, ça reste des frères de rap. C’est tout
Etes-vous pour le rap engagé ?
Je n’ai pas la même conception du rap engagé. Pour moi le rap engagé, ce n’est pas forcément dire « le pays est difficile », « les gens ne mangent pas ». Ça c’est un aspect du rap engagé mais le rap engagé peut parler d’autres choses que de ça pour parler de la jeunesse. Aujourd’hui, on est des porteurs de voix. Si on n’a pas le pouvoir de changer les gens qui sont en haut, il y’a un moyen de le faire, d’influencer cette jeune génération qui nous écoute, qui nous suit. Pour moi, même si tu ne parles pas dans tes sons de la société mais que dans la vie réelle, ça se vérifie, que tu as des contacts avec les gens, c’est du rap engagé
Parfois, vous êtes victime d’attaques dans le milieu. Cela vous dérange-t-il ?
Rires. Bon moi tous les jours, je reçois des insultes, des gens qui te disent du n’importe quoi. Mais tous les jours aussi, tu reçois beaucoup d’amour, de sympathie de gens qui t’aiment. Donc, c’est ça qui efface ce côté négatif. Tu ne peux pas vouloir être quelqu’un de public et ne pas accepter les attaques. En plus, le rap est une culture qui est controversée. Ça insulte mais on est habitués maintenant
Comment analysez-vous l’évolution du rap au Sénégal ?
Je l’analyse de manière positive parce qu’il y’a tellement de talents, de potentiels et ça fait plaisir à avoir. Mais quand même, il y’a certains points qu’on doit travailler comme le côté business, le côté Entertainment, le côté show biz.
Beaucoup de gens disent que le rap sénégalais n’est pas exportable. Qu’en dites vous ?
Rires. C’est un débat qui revient tout le temps. Honnêtement, c’est compliqué de dire oui mais aussi de dire non. Le rap, c’est de la musique et la musique parfois, tu n’es pas obligé d’entendre ou de comprendre ce qu’on dit. T’as juste besoin de sentir le feeling. Mais j’avoue que ça peine à se réaliser. Je ne sais pas si c’est le wolof qui cale ou si c’est la façon de faire la musique qui cale. Mais moi, je suis là et je sais que je vais exporter ma musique. Je vais la rendre très propre, écoutable partout. Je vais être professionnel dans ce que je fais pour essayer de toucher les autres langues
A votre avis, quel est l’avenir du rap face au Mbalax ?
C’est deux musiques en compétition. Mais pour moi, ça ne devrait pas se passer comme ça. Il fallait voir comment s’associer entre nous, comment se mélanger entre nous. Parce qu’aujourd’hui, quand tu vas en Côte d’Ivoire, ils mélangent le rap avec leur musique traditionnelle. Au Ghana, c’est pareil, au Nigéria aussi et je pense que nous aussi, c’est ce qu’on doit faire. Parce qu’un mbalaxman peut avoir besoin d’un rappeur et vice versa.