Hausse des prix, Pétrole et gaz… : Les Sénégalais ont-ils perdu leur capacité d’indignation ?

10 - Juillet - 2019

Les Sénégalais ont-ils perdu leur capacité d’indignation ? Cette question se pose avec acuité après la sortie de Me Massokhna Kane de SOS Consommateur, qui reste convaincu que ‘’les Sénégalais ne se défendent pas’’, faisant référence au manque de réactions significatives suite à l’augmentation du gasoil et de l’essence à la pompe, qui pourrait avoir des effets induits sur tous les prix des denrées.

Le consumériste reste en effet convaincu que “l’Etat cherche des ressources. Il aurait pu les trouver ailleurs, en réduisant le budget des ministères, en réduisant des ministères et autres’’.
Mais, au lieu réduire son train de vie, il frappe directement le budget des ménages. Une situation qui, à l’en croire, devrait justifier une mobilisation générale.
C’est vrai que depuis quelques années, le citoyen sénégalais semble être frappé par une forme d’inaction, de capacité de résilience qui est synonyme de démission par rapport à son engagement citoyen qui est loin d’être le premier contrôleur de l’action publique.
La capacité d’indignation est consubstantielle à la démocratie, elle lui sert de fusée porteuse, elle en est l’essence fondamentale. Une démocratie n’est en réalité dynamique que si l’opinion publique qui existe, est très exigeante.
Malheureusement, les hommes au pouvoir ont tendance à développer des antidotes pour, sinon neutraliser, du moins limiter la portée des actions publiques de masse. On brandit souvent l’arrêté Ousmane Ngom pour interdire les marches en centre-ville, les Préfets évoquent aussi fréquemment ‘’l’ordre public’’ pour limiter les droits des citoyens à exercer certaines libertés comme la marche, la communication des autorités est souvent portée sur le saupoudrage, la manipulation et l’endoctrinement même pour éviter que la rue exerce ses vraies prérogatives, comme cela s’est passé au Soudan, en Algérie et dans d’autres pays comme le Burkina Faso.
En conséquence, en dehors du 23 juin, où l’ancien Président Wade avait vraiment trop tiré sur le bouchon, on remarque une léthargie générale au sein d’une population dont la préoccupation majeure est justement la recherche de la dépense quotidienne.
Il semble s’être installé une forme de résignation face à des hommes politiques qui promettent monts et merveilles mais qui, une fois au pouvoir, adoptent les mêmes réflexes que leurs prédécesseurs.
Ainsi, le découragement a gagné bon nombre de citoyens qui ne croient plus à la classe politique.
L’autre raison, c’est qu’il faut des catalyseurs à tout mouvement sérieux de revendication sociale. Les choses se passent rarement d’une façon spontanée.
Or, les mouvements de consommateurs au Sénégal sont trop faibles. Leur nombre n’augmente pas et peu de gens s’y intéressent vraiment. Car, leur capacité de mobilisation est très limitée.
Or, ne serait-ce que sur le plan du comportement d’achat dans une société de consommation, il fallait davantage promouvoir le consumérisme qui est, au Sénégal, une réponse trop faible face aux commerçants, à l’Etat.
Jean-Pierre Dieng, pionnier, MomarNado, Docteur Aïdara, Me MassokhnaKane et bien d’autres hommes et femmes, investissement ces associations très mal connues.
Dans les années 90, la plupart de ces associations avaient été créées à Rufisque avec une expansion à Dakar surtout.
Mais, ce n’est là qu’un symptôme du manque de réactivité de nos concitoyens. Les syndicats existent depuis toujours et ont acquis, au fil des années, une expertise avérée en matière de mobilisation. Mais, malheureusement, là aussi, la trop grande fragmentation des mouvements syndicauxet leur propension à faire la grève ont sonné le glas d’un syndicalisme qui fait peur aux pouvoirs publics et qui séduit l’opinion.
Et les mouvements de Société civile ont perdu aussi de leur hargne en dehors de quelques rares qui se font sentir de temps en temps. Y’en a marre n’est plus comme avant et la relève n’est pas encore assurée, même si certains mouvements comme le COS-M23 se veulent constants.
En définitive, il n’y a que les hommes politiques qui, réellement, occupent le terrain de façon permanente. Et l’intérêt politique recherché, plombe, là aussi, l’action.
On a du mal, parfois, à savoir s’ils agissent pour l’intérêt des Sénégalais ou pour leurs propres intérêts.
On peut alors se demander si la réticence des Sénégalais à se mobiliser pour défendre leurs droits ne viendrait pas justement de l’incapacité des mouvements consuméristes, de la société civile en général et des syndicats à les convaincre et à les mobiliser ?

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