HOMMAGE À ISSA CISSOKHO : BIG ISSA A DISPARU ! (1946 – 2019)

03 - Avril - 2019

Un géant de la musique sénégalaise est tombé ! Issa CISSOKHO, le génial et atypique saxophoniste de l’orchestre BAOBAB, a tiré sa révérence, le dimanche 24 mars 2019 à Dakar. Il a rejoint les cieux dans son sommeil.
Une retraite surprenante et placide comme dans la gaieté dont il savait entretenir les grands publics, d’ici et d’ailleurs, par ses symphonies et son style si particulier qu’il exhibait concomitamment à sa danse singulière dont lui seul avait le secret. Issa CISSOKHO, l’artiste impressionnant, membre co - fondateur du « Baobab Guy Gui », qui a pris part aux différentes prestations de ce mythique groupe, qui a honoré notre pays, s’est, à jamais, départi de son saxophone ténor, quittant ce bas – monde, regagnant le panthéon de la musique.

Oui, je dis le panthéon de la musique. Issa – sûr que je suis que les connaisseurs ne me démentiront pas -, a donné au soxo ses lettres de noblesse. Il a dompté son outil de travail, si bien que rien qu’à écouter ses envolées via l’instrument à vent, le moins doué en musique peut être séduit par cette émission de sons combinés et agréables. Que ce soit en production live du groupe ou autre, l’éminent saxophoniste a fait exploser de mille feux son talent. Compétent, adoré et adulé, il a su électriser les mélomanes, captiver l’attention des amoureux de bonne musique et démontré sa maestria dans l’art de jouer sa partition dans cette symbiose artistique.

Musicien particulier au look unique et ébahissant, Issa a toujours impressionné par son accoutrement qui le différencie de l’autre, voire de ses pairs. Tant son style collait à la singularité de sa nature. Sa virtuosité, reconnue par l’ensemble de ses pairs, dénote, entre autres, de son statut de griot bambara, qui le prédisposait à être meilleur que l’artiste lambda sorti de l’école des arts, dès lors qu’on s’en tient à leurs valeurs intrinsèques. C’est pour dire qu’il avait, en sus de sa compétence, ce don particulier, propre aux génies dans leur domaine de prédilection. Il a, tout simplement, s’il n’avait pas été le meilleur, figuré parmi les plus grands d’entre les meilleurs.

Issa est venu allonger la liste des géants de la musique sénégalaise, disparus et qui ont marqué le peuple de la culture. Comme s’ils s’étaient donné le mot, ces dernières années, je parle de Cheikh Tidjane TALL, Médoune DIALLO, Habib FAYE, Ndiouga DIENG et j’en passe. Ces grands messieurs de la musique dont on attend toujours le retour de l’ascenseur de la part de l’État, sont en droit de réclamer, d’outre – tombe, la contrepartie de leur travail bien fait. Les honorer, à titre posthume, ne serait que judicieuse réparation, bien que de leur vivant, en fût l’idéal.

Issa a joué jusqu’à un âge avancé, l’âge d’or pour les grands instrumentistes, l’âge où, l’expérience acquise dans ce domaine complexe de l’art, fait la différence. Pour peu que l’artiste se mette à l’œuvre, sa petite touche explose son talent de toutes ses facettes. À l’image des grands musiciens américains, je parle de B. B. King, Miles Davis, Chuck BERRY et tutti quanti. Soixante treize ans, dont, une cinquantaine au service de l’art. II a été de tous les succès de l’orchestre Baobab, qui a marqué le monde par ses mémorables tournées. N’est – il pas fréquent de tomber, au dépourvu, sur une chaine de télé, diffusant une prestation internationale de ce groupe, généralement devant un public européen ? Et dès lors, comme à l’accoutumée, c’est Issa, qui anime le spectacle, communiant avec le public et par son saxo et par sa danse, dans son style si particulier et flamboyant. Inoubliable, il l’est !

Issa est historique, en ce sens qu’il a été, une pièce essentielle dans l’orchestre Baobab, qui a marqué l’histoire de la musique de notre pays. Ce groupe qui nous a tant honorés au niveau international. C’est une lapalissade de le dire. Ce grand homme, grand par la taille, par le savoir et le savoir – faire que j’ai vu, il y’a une quarantaine d’années, rendre visite à mon grand- frère Amadou Diama TOUNKARA dit Zator, m’avait impressionné de par son véhicule de marque Renault 16, son habillement multicolore, ses chaussures de bottes, l’écharpe autour de son cou, son bonnet, son allure vive activée par une démarche impressionnante, tout un corollaire qui, renvoie systématiquement à l’art. Ce dernier qui était son ami m’a raconté que lors d’un concert auquel il avait participé, envoûté par la chaleur musicale, dans une atmosphère d’extase, Issa prit les deux bâtons d’un balafon pour jouer cet instrument traditionnel qui rappelle les claviers modernes. Sans fausse note aucune, dans un élan d’improvisation, il s’accommoda au tempo de la musique et tira son épingle du jeu, alors qu’il n’avait jamais touché à cet instrument auparavant. Voilà Issa !

Issa savait égayer son entourage, rendre l’espérance à la personne la plus découragée et l’enrichir par des anecdotes tirées de son expérience si riche. Sa prestance, son charisme et son humour, à coup sûr, laisseront un vide difficilement remplaçable, aussi bien chez ses proches que dans ses familles biologique, professionnelle et que sais – je ?

Issa était – je le confesse – un homme utile, humaniste, bon vivant, altruiste, pieux, et sachant trouver la bonne panacée appropriée à l’anxiété de l’autre. Un véritable artiste, susceptible d’administrer la bonne thérapie au plus souffrant, par l’art qu’il incarnait, dans toutes ses dimensions. Il vivait cet art, et dans son âme et dans sa chair. C’est ce qui a fait sa différence avec ses contemporains. Il a fait partie de cette race de personnes, qui, parfois, sont incomprises par leurs proches, parce que vivant à un étage supérieur de leur environnement. Je dis, au – delà de certaines contingences.

Issa, à l’image de l’orchestre Baobab, mérite, de par son œuvre professionnelle, d’être élevé au grade des plus sublimes distinctions de la République. Il a été un éminent ambassadeur de la musique, j’allais dire du Sénégal. Comme je l’ai évoqué supra, l’orfèvre en la matière qu’il fut, mérite les honneurs de la Nation. Dans cette optique, il nous est un devoir d’en parler, sinon de rappeler à qui de droit le mérite de tout grand Sénégalais, fût – il artiste musicien, enseignant, sportif, politique ou autre, qui a réussi à rehausser le prestige de notre pays, par l’exercice de sa compétence.

Oui ! Je suis tenté de dire. Bravo Issa ! Il a bien travaillé !
Vivement que les autorités de notre pays entendent cet hommage, ce cri du cœur, afin de glorifier l’art, à travers son homme dont la valeur est reconnue de tous ! Par conséquent, quoi de plus normal que de l’immortaliser ?

Au peuple sénégalais, à Youssou NDOUR et au Super Étoile où il a fait ses preuves, aux musiciens de « Baobab Guy gui » : Barthélémy ATISSO, Balla SIDIBÉ, Charles NDIAYE, Mohamed Lotfi BENJELOUN, Mountaga KOUATÉ, Thierno KOUATÉ, Rudy GOMIS etc , et à toute la famille de la musique sénégalaise, africaine, voire mondiale, je présente mes sincères condoléances, et prie Allah le Tout – Puissant de l’accueillir dans son paradis céleste.

Nourrissant l’espoir que cet appel soit entendu !
Repose en paix Big Issa !

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