Karim Wade, une candidature sous hypothèque !

02 - Octobre - 2018

En plus du rejet de son inscription sur les listes électorales, condition de base de sa participation au scrutin présidentiel, ou encore du subreptice Plan B qui se profile de plus en plus au sein du Pds avec Me Madické Niang, le candidat libéral Karim Wade semble voir son retour d’ «exil» plus que jamais hypothéqué par cette menace des autorités de procéder à son arrestation, dès son arrivée à Dakar.

A défaut de payer en intégralité l’amende de 138 milliards de F cfa que lui a infligée la justice, après son procès au niveau de la Crei. Le pouvoir est-il fondé à gager le retour du fils de Me Wade au bercail ? Sud quotidien revient sur la bataille d’opinion feutrée entre le pouvoir et le Pds, non sans recueillir l’appréciation d’un spécialiste du droit sur la question.

La bataille de communication par presse interposée entre responsables du Pds et ceux du pouvoir autour du retour d’«exil» annoncé de Karim Wade ne désemplit apparemment pas. A moins de cinq mois de la présidentielle de février, la tension semble même monter d’un cran entre partisans de Wade fils et ceux du président de la République. Ecarté du fichier électoral, Karim Wade, candidat désigné du Pds dont les souteneurs annoncent pour une énième fois le retour au Sénégal est aujourd’hui sous la menace d’une arrestation, dès son arrivée à l’aéroport de la part des autorités étatiques.

En effet, ces dernières réagissant aux sorties des libéraux sur un retour imminent de leur candidat à la présidentielle, notamment au mois de novembre, ont durci le ton en annonçant publiquement qu’il sera arrêté et acheminé directement à la prison jusqu’à ce qu’il s’acquitte de l’amende que la Crei lui a infligée, de l’ordre de 138 milliards de francs Cfa.

Dernière en date, la sortie ce dimanche 30 septembre du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall. Invité de l’émission «Toute la vérité» sur la chaine de télévision privée, SenTv, il a déclaré de manière formelle alors qu’il répondait à une interpellation sur cette question relative au retour agité de Wade fils au Sénégal : «L’Etat a une responsabilité qui est très claire, qui est de faire respecter la loi. L’application sera respectée dans toute sa vigueur. Quand il (Karim-ndlr) arrivera au Sénégal, il faudra qu’il passe au Trésor pour payer les 138 milliards. Il n’a pas le choix parce que c’est la procédure. Il doit payer ou purger la peine».

Avant cette sortie, ce fut l’ancien Pm Aminata Touré qui était montée au créneau pour rappeler à l’endroit du candidat du Pds de penser à passer au Trésor public pour s’acquitter de ses obligations s’il entend revenir au pays.

«Si Karim Wade dit qu’il est Sénégalais, donc un Sénégalais peut venir au Sénégal. Il n’y a pas de souci. Nous avons tous des obligations, nous payons nos impôts, mais, lui, il a une facture à payer. Quand il (Ndlr-Karim Wade) viendra, il n’oubliera pas de passer à la caisse du Trésor pour s’acquitter de ses obligations en tant que citoyen. Je crois qu’il connaît le montant.

Il n’y a pas vraiment de commentaires à faire outre mesure», concluait l’actuelle envoyée Spéciale du Président de la République qui, rappelons-le, était la principale artisane de la procédure de la traque des biens supposés mal acquis à l’origine de la condamnation de Karim Wade par la justice. Toujours dans cette liste des personnalités du régime en place, à avoir pris la parole dans ce dossier du retour de Karim Wade, il y a également l’actuel porte-parole du gouvernement, Seydou Guèye.

Se prononçant lui aussi sur cette question en début d’année dans les colonnes du quotidien Les Echos, il n’est pas passé par quatre chemins pour préciser que «Karim Wade ne bénéficiera d’aucun traitement de faveur en cas de retour». «Monsieur Karim Wade sait pertinemment qu’il doit faire face au Sénégal à des sanctions financières auxquelles il ne saurait se soustraire en vertu de la décision de justice prononcée à son encontre, le 23 mars 2015, par le tribunal». Et de marteler par suite : «Force restera à la loi, tout dettier solvable s’expose aux contraintes judiciaires appropriées en cas de refus de remboursement conformément à la loi».

L’Etat, à travers ces différentes réactions, semble ainsi déterminé à poursuivre Karim Wade dont la candidature est déjà hypothéquée par le rejet de son inscription sur les listes électorales, jusque dans ses derniers retranchements. Malgré pourtant ce vent d’incertitude qui plane sur la candidature de Karim Wade, la direction du Pds continue de s’agripper sur son candidat refusant ainsi toute idée de plan B.

OUSSEYNOU SAMBA, ENSEIGNANT-CHERCHEUR A LA FACULTE DE DROIT DE L’UCAD, SPECIALISTE DU DROIT PENAL : «Rien ne s’oppose à l’arrestation de Karim Wade, une fois arrivé à Dakar»

Les autorités pourraient bien mettre en exécution leur menace de procéder à l’arrestation de Karim Wade, dès sa descente d’avion à Dakar pour le contraindre à payer les 138 milliards de francs CFA d’amende que la Crei lui avait infligée, suite à sa condamnation pour enrichissement illicite.

L’avis est de l’enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences juridiques et politiques de l’Université de Dakar (Ucad), Ousseynou Samba. Interpellé hier, lundi 01 octobre, le spécialiste du droit pénal a précisé que le procureur de la République a le droit lorsque Karim Wade se présentera à l’aéroport de décerner un mandat d’arrêt.

«Lorsqu’une personne est condamnée à payer à l’Etat des amendes ou des dommages et si cette personne n’est pas en mesure de payer, la loi dit que passer un délai de trois mois, l’Etat a la possibilité de remplacer cette somme-là par des jours d’emprisonnement ou par des mois d’emprisonnement, voire des années d’emprisonnement en fonction du montant. Quand le montant est supérieur à 400 mille F, la contrainte par le corps peut aller d’un an à deux ans d’emprisonnement.

La loi a cerné le nombre de jours ou le nombre de mois en fonction du montant. D’un jour à cinq jours, quand le montant est inférieur à 5000 F, ensuite jusqu’à 400 mille F. Au-delà de 400 mille, la contrainte par le corps peut être d’un an à deux ans.

La loi dit quand il s’agit des sommes que l’on doit à l’Etat, lorsque la condamnation devient définitive, ces sommes-là s’exercent par voie de contrainte. On délivre à la personne par l’intermédiaire du procureur de la République, des significations du commandement de la décision.

Et à partir de ce moment, dans les trois mois qui suivent, si la personne n’a pas payé le montant, le procureur peut décerner contre elle un mandat d’arrêt. Le sieur Karim Wade ayant été condamné à payer à l’Etat un montant de près de 138 milliards, ces sommes n’ayant pas été payées, les délais étant été épuisés, le procureur de la République a le droit lorsque le sieur Karim Wade se présentera à l’aéroport de décerner un mandat d’arrêt.

C’est la loi qui le permet. Ce que les gens ignorent, c’est que l’article 112 dit clairement qu’aucun délai de grâce ne peut être accordé quand les sommes sont dues à l’Etat. La même prérogative qui est donnée à l’Etat de recouvrer ses sommes par la contrainte par le corps est donnée à un particulier.

La loi donne aussi à un particulier qui a bénéficié de dommages et intérêts, lorsqu’une mise en demeure est faite au-delà des trois mois et que la personne qui a été condamnée ne paie pas, de requérir du juge que la personne soit arrêtée et placée en détention pour le nombre de jours ou de mois qui équivaut au montant dû.

Mais quand, il s’agit d’un particulier, l’auteur de l’infraction a la possibilité de demander au juge un délai de grâce. Aujourd’hui, je ne peux pas payer mais dans trois ou quatre mois, j’attends une somme d’argent et je pourrai payer. S’il est avéré que dans trois ou quatre mois, la personne pourra payer, le juge peut lui accorder un délai.

Mais quand, il s’agit des sommes dues à l’Etat, la loi est claire. En tout état de cause, le délai de grâce ne peut être accordé que quand il s’agit de somme d’argent, c’est-à-dire amende, confiscation et dommages et intérêts dus à l’Etat et aux collectivités publiques. Par conséquent, si le sieur Karim Wade arrive à Dakar, rien ne s’oppose à ce qu’il ne puisse être arrêté et envoyé directement en prison. Sur ce plan, la loi est claire».

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