LA MAJORITE AVALISE, L’OPPOSITION BOUDE

03 - Novembre - 2017

Les députés de l’Assemblée nationale ont procédé hier, jeudi 2 novembre, dans la division totale à la validation de la liste des membres de la commission ad hoc chargée de statuer sur la demande de levée de l’immunité parlementaire de leur collègue, Khalifa Ababacar Sall. Les députés du groupe parlementaire de l’opposition et leurs collègues des non-inscrits ont boudé la séance quelques minutes avant le vote du texte par 116 députés de la majorité parlementaire.

L’Assemblée nationale a posé hier, jeudi 2 novembre l’avant-dernier acte vers la levée de l’immunité parlementaire du député-maire de Dakar, Khalifa Sall en détention provisoire depuis le mois de mars dernier dans le cadre de l’affaire dite de la caisse d’avance de la mairie de Dakar. Réunis en séance plénière, les députés ont ratifié par un vote à la majorité des voix la liste des onze membres de la commission ad hoc chargé de statuer sur la demande de levée de l’immunité parlementaire de leur collègue, Khalifa Ababacar Sall. Prévue par l’article 34 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, cette commission à qui revient désormais la charge d’étudier la pertinence ou non de la demande du parquet concernant la levée de l’immunité parlementaire du député Khalifa Sall est composée de huit (08) députés de la majorité, deux (02) du groupe parlementaire de l’opposition «Liberté et démocratie» et un du groupe des non-inscrits. Il s’agit entre autres, d’ Aymérou Gningue, président du groupe parlementaire de Bby, Pape Biram Touré, Pape Sagna Mbaye, Seydou Diouf, Cheikh Seck, Die Mandiaye Ba, Awa Guèye et Ndèye Lucie Cissé pour la majorité. Madické Niang et Mamadou Diop Decroix siègent pour l’opposition et Déthié Fall pour le groupe des non-inscrits.

Il faut préciser que les députés de l’opposition et leurs collègues des non-inscrits n’ont pas pris part au vote qui a permis la ratification de la liste des membres de la commission ad hoc. Cette dernière est adoptée par 116 députés tous de la majorité. Les députés membres de l’unique groupe parlementaire de l’opposition, « Liberté et démocratie» et leurs camarades non-inscrits ont boudé la salle de plénière quelques instances avant le vote à main levée de la liste des membres de la commission ad hoc. Me Madické Niang et compagnie ont quitté la salle pour protester contre le président de l’Assemblée nationale. En effet, quelques minutes après l’ouverture de la séance par le président de l’Assemblée nationale, le président du groupe parlementaire « Liberté et démocratie, Maitre Madické Niang, bien avant la lecture du rapport par le rapporteur, faisant appel au règlement intérieur de l’Assemblée nationale notamment l’article 75, a demandé la parole. En réplique, le président Niasse a convoqué à son tour l’article 74 et lui a signifié qu’il ne pourrait pas prendre la parole en demandant au rapporteur de continuer sa lecture du rapport. Par suite, les députés de l’opposition ont commencé à taper sur les tables demandant la lecture du règlement intérieur jusqu’à la fin. Ce qu’ils ont fait jusqu’à la fin de la lecture du rapport. «Monsieur le président, appel au règlement», disaient-ils.

À l’issue de la lecture du rapport, le président Niasse a ainsi invité le chef de file des libéraux à venir prendre la parole pour présenter sa motion préjudicielle. Devant ses collègues, Madické Niang soulignant le non-respect de la procédure dans le cadre de la constitution de la commission ad hoc, a invité ses collègues à ajourner la ratification de la liste. Invité à prendre la parole à la suite du président du groupe parlementaire des libéraux, le président de la commission des lois, Seydou Diouf rejeté en bloc les argumentaires de son collègue en demandant notamment la poursuite des travaux. Soumise au vote, sa proposition est rejetée par 116 députés et approuvée par 28.

REACTIONS…. REACTIONS … REACTIONS…

SIRA NDIAYE, DEPUTE DE LA MAJORITE : «Nous en sommes à la procédure normale des choses»

On a appliqué le règlement intérieur en plénière pour la ratification de la commission ad hoc. Tout ce qui s’est passé est causé par l’opposition. Nous de la majorité, en ce qui nous concerne, nous avons fait ce que dit la loi. Les 11 membres de la commission ad hoc, sont composés de 8 membres issus de la majorité. Les deux sont de l’opposition et 1 membre qui vient des non-inscrits. Le président Madické Niang était présent quand on mettait en place la commission ad hoc. Il était même membre de cette commission. Il est membre du bureau et de la conférence des présidents. Il faut comprendre l’opposition. Ils sont dans leur droit de s’opposer, mais la loi reste ce qu’elle est. Et elle est là pour tout le monde. Le président de l’Assemblée Nationale en tant que première personnalité de cette institution a pu lire la loi et l’appliquer dans sa rigueur. Nous sommes saisis en tant que parlement. L’Assemblée Nationale a été saisie pour la levée de l’immunité parlementaire du député, Khalifa Sall. Une fois la lettre déposée au bureau de l’Assemblée Nationale, les membres du bureau ont statué sur le cas Khalifa Sall. Aujourd’hui, nous en sommes à la procédure normale des choses. Il y a une dernière phase qui sera la plénière, là où on va voter pour le levée de l’immunité parlementaire du député Khalifa Sall. Cela montre que l’Assemblée Nationale du Sénégal est un pouvoir indépendant. Nous sommes dans la loi et nous allons l’appliquer dans sa totalité. Nous n’avons jamais dérogé à la règle. On est sur la bonne voie de toute la procédure qu’impose la levée de l’immunité parlementaire du député Khalifa Sall. Je ne peux pas comprendre que des membres de cette commission disent que la procédure n’était pas légale. Je salue le comportement de la majorité qui a fait ce qu’elle devait faire. Le reste, c’est de la politique, politicienne. L’Assemblée nationale n’est pas là pour dire de libérer Khalifa Sall.

DETHIE FALL, DÉPUTÉ NON-INSCRIT ET VICE-PRÉSIDENT DE REWMI : «Le président Moustapha Niasse fait vraiment honte à notre Assemblée nationale et à ce pays»

Ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale aujourd’hui (ndlr-hier) est une mascarade et le président Moustapha Niasse fait vraiment honte à notre Assemblée nationale et à ce pays. On ne peut pas interdire à des députés qui veulent se prononcer sur des questions de procédures de le faire. Il a donc délibérément engagé aujourd’hui l’Assemblée nationale pour violer la loi afin de mettre en quarantaine un adversaire politique que constitue Khalifa Ababacar Sall. Le président Moustapha Niasse doit comprendre que notre droit n’est pas à négocier. S’il l’accepte, c’est bien autrement, on l’arrachera. Car, on n’acceptera jamais qu’il installe la dictature au niveau de l’Assemblée nationale».

MODOU DIAGNE FADA, DEPUTE NON-INSCRIT : « La première activité de cette treizième législature, c’est une commission ad hoc pour lever l’immunité parlementaire d’un collègue»

Le gouvernement avait d’abord nié l’existence de l’immunité parlementaire concernant Monsieur Khalifa Sall. Mais, quelques mois après, le procureur de la République a adressé une lettre au président de l’Assemblée nationale pour demander la levée de l’immunité parlementaire qui n’existait pas. Cela nous a posé problème. Nous pensons que le respect du droit de Monsieur Khalifa Sall devrait être une préoccupation de tous les députés. L’immunité parlementaire est une garantie pour le député pour pouvoir exercer le mandat que le peuple lui a confié.La première activité de cette treizième législature, c’est une commission ad hoc pour lever l’immunité parlementaire d’un collègue. Aujourd’hui, nous avons été convoqués en plénière et vous avez tous remarqué que le président de l’Assemblée nationale s’est assis sur le règlement intérieur de l’Assemblée nationale.

MADICKE NIANG, PRESIDENT DU GROUPE PARLEMENTAIRE «LIBERTE ET DEMOCRATIE» : «Ce n’est pas dans le bruit, dans le nombre et par la violence qu’on arrive à vaincre»

Je voudrais d’abord vous dire que nous sommes là, nous du groupe Liberté et démocratie et du groupe des non-inscrits. Nous sommes au total 37 députés à partager cette cause. Ce qui nous intéresse, c’est la liberté, la dignité du député, mais aussi le respect du règlement intérieur qui est le socle de la loi sur lequel doivent s’appuyer d’abord le déroulement des travaux, mais aussi tout ce que fait l’Assemblée nationale. Dès le début, nous avons constaté qu’il y a eu beaucoup de violations.

D’abord en commission des lois, nous leur avons dit qu’on n’a pas pris en compte les dispositions du règlement intérieur qui prévoient que les commissions sont convoquées avant. Et nous ne sommes pas en urgence qui aurait pu permettre qu’on ait pu convoquer sans respecter le délai. Nulle part dans la convocation, on a évoqué une question pouvant porter à la notion d’urgence. C’est une convocation normale qui n’a pas respecté les délais prévus par le règlement intérieur.

Deuxièmement, j’ai demandé la parole parce que les dispositions de la loi organique permettent de le faire. J’ai dit et répété au président Niasse « à tout moment, au cours de cette discussion qu’à la clôture, c’est-à-dire à tout moment dés que le président aura ouvert la séance, on rentre dans le terme à tout moment. Dès qu’il annonce l’ordre du jour et ouvre la séance, on rentre dans le terme à tout moment. Et comme je demande un ajournement et surtout un ajournement qui a pour fondement le fait que la commission des lois n’a pas eu à statuer de manière régulière, pour moi, cette commission des lois ne devait pas être saisie. L’article 34 considère que c’est l’Assemblée nationale qui doit décider, il ne s’agit pas d’une ratification. C’est l’Assemblée nationale qui a pouvoir de mettre en place cette commission. Et elle doit le faire directement. On aurait pu convoquer les députés, leur dire que l’ordre du jour est : mise en place d’une commission, constitution d’une commission ad hoc. Et on a parlé de ratification, c’est pourquoi j’ai dit que l’ordre du jour étant irrégulier, la convocation étant irrégulière, il faut qu’on ajourne nos travaux, mais le président ne m’a pas donné la parole. Or, je pense que quelles que soient les positions du président, à partir du moment où un député demande à prendre la parole, il faut l’écouter et savoir quelle argumentation, il va servir. En ce moment-là, il lui est loisible de mettre cette argumentation aux voix et de pouvoir tourner la page de l’argumentation. Mais, il n’a pas voulu m’écouter et je leur ai dit que nous ne retrouverons jamais dans ce rendez-vous d’insultes, de propos discourtois, mais nous engagerons sincèrement avec beaucoup de courage, le débat d’idées. Ce n’est pas dans le bruit, dans le nombre et par la violence qu’on arrive à vaincre. C’est simplement par la force de la conviction que nous arriverons à vaincre. Et nous leur avons démontré que ce qu’ils ont fait est irrégulier.

AISSATA TALL SALL, DÉPUTÉ NON-INSCRIT : «La commission des lois qui nous a convoqués pour mettre en place cette commission ad hoc s’est réunie de façon illégale»

Nous ne sommes pas ici pour défendre Khalifa Sall. Nous sommes là parce que nous voulons défendre tout député qui va se retrouver dans la situation de Khalifa Sall. Nous nous engageons dans un combat de principe. Ce que nous voulons dans cette Assemblée, c’est que les règles que nous-mêmes avons édictées parce que le règlement intérieur, je le rappelle est une loi organique que les députés ont rédigée et qu’ils ont eux-mêmes votée. Si nous commençons par violer ce texte que nous avons nous-mêmes pris de façon volontaire, où va l’Assemblée et où va le Sénégal ? Nous voulions dire au président de l’Assemblée nationale que la commission des lois qui nous a convoqués pour mettre en place cette commission ad hoc s’est réunie de façon illégale. La loi dit, Madické Niang l’a rappelé mais c’est bon de le répéter, que cette commission doit être convoquée dans 48h, on nous a convoqués en 24 h et quand nous avons dit au président de la commission des lois que la convocation est irrégulière, est-ce que vous savez ce qu’il nous a répondu ? Il a demandé à la commission des lois, donc à la majorité de voter si oui ou non on accepte l’irrégularité. Où avez-vous vu quelqu’un dire à sa propre commission, dites-moi si c’est irrégulier et qu’on continue. La commission a dit c’est irrégulier, continuez et il a continué dans l’irrégularité.

Voilà ce qu’on voulait dire à Moustapha Niasse en lui demandant séance tenante d’ajourner le débat parce que ce débat a été mal convoqué. Ensuite, dans ce débat-là, il y a un de nos collègues députés qui a adressé au président Moustapha Niasse un courrier pour lui demander à ce que Khalifa Sall soit immédiatement libéré, que les poursuites soient suspendues mais Issa Sall (député Pur-ndlr), il ne se fonde pas sur son bon vouloir, il s’est fondé sur les dispositions des articles 51 et 52 du règlement intérieur. Moustapha Niasse n’a jamais répondu à cette lettre. La troisième chose que nous voulions lui dire, c’est de faire libérer Khalifa Sall. Comment le parquet peut demander la levée d’une immunité parlementaire de quelqu’un qui est en prison, quelle immunité s’agit-il ? On nous demande de délibérer sur un fait négatif. Ils refusent de le libérer et ils disent lever son immunité mais l’immunité n’a de sens que si la personne en jouit.

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