Le saxophoniste Manu Dibango est mort des suites du Covid-19, annoncent ses proches

24 - Mars - 2020

Ses fans l’appelaient « Papa Manu », « Le Doyen » ou simplement « Manu ». Le 18 mars, un communiqué publié sur sa page Facebook annonçait son hospitalisation, à la suite d’une infection par le coronavirus. Les mots se voulaient rassurants (« Il se repose et récupère dans la sérénité »). Manu Dibango, saxophoniste et vétéran des musiciens africains en France, est mort, mardi 24 mars, a annoncé sa famille. Il avait 86 ans.

« Chers parents, chers amis, chers fans,

Une voix s’élève au lointain…

C’est avec une profonde tristesse que nous vous annonçons la disparition de Manu Dibango, notre Papy Groove, survenue le 24 mars 2020 à l’âge de 86 ans, des suites du Covid-19.

Les obsèques auront lieu dans la stricte intimité familiale, et un hommage lui sera rendu ultérieurement dès que possible. »

Il laisse derrière lui soixante années de carrière et d’engagements, sans pause ni éclipse, enchaînant plusieurs vies, les oreilles toujours en alerte, à l’écoute du son des époques qu’il traversait.

Saxophoniste au son charnu et rond, identifiable dès les premières mesures, il savait aussi être pianiste, vibraphoniste, joueur de marimba, pouvait jouer de la mandoline et, récemment, du balafon. Il était également chanteur, arrangeur et chef d’orchestre. Manu Dibango, compositeur de Soul Makossa (1972), le titre avec lequel il avait acquis une notoriété mondiale, résumait tout cela en une formule, lancée dans un de ces puissants éclats de rire qu’il semait à la volée : « Je me contente de faire de la musique. »

Son histoire commence sous le nom d’Emmanuel Dibango, né d’une mère couturière et d’un père fonctionnaire, le 12 décembre 1933, à Douala, le port où débarquèrent les premiers Européens au Cameroun. L’organiste du temple protestant où sa mère est chef de chœur lui met la musique à l’oreille et puis également un oncle, vaguement guitariste.

En 1949, il a 15 ans lorsque son père l’envoie en France, pour faire des études. Après vingt et un jours de traversée, il débarque à Marseille, avant de rejoindre sa famille d’accueil à Saint-Calais (Sarthe). Au milieu de ses bagages, il y a trois kilos de café qui paieront à ses hôtes son premier mois de pension. Manu Dibango aimait raconter cette anecdote qui lui inspirera le titre de sa première autobiographie, écrite en collaboration avec Danielle Rouard, Trois kilos de café, parue chez Lieu commun, en 1989 (une seconde paraîtra en 2013, chez L’Archipel, Balade en saxo, dans les coulisses de ma vie).

Après le collège à Saint-Calais, il fréquente le lycée de Chartres, où il apprend le piano avec un des enseignants. C’est pour lui l’âge des premières cigarettes et surtout sa découverte du jazz, grâce à un compatriote de quatre ans son aîné, rencontré en colonie de vacances, à Saint-Germain-en-Laye, Francis Bebey (1929-2001), lui aussi futur musicien auteur-compositeur camerounais notoire. Celui-ci lui fait aimer Duke Ellington. Ils créent ensemble un trio dans lequel Dibango tient mandoline et piano.
Installation à Léopoldville

Au début des années 1950, il découvre le saxophone alto, son futur identifiant. L’année de son bac, préparé (plus ou moins) à Reims, il file vers Paris pendant les vacances. Il y passe ses nuits à fréquenter caves et cabarets où frétille et se vit le jazz. Il ne pense pas encore faire de la musique un métier mais son échec au bac va ouvrir le chemin.

Quand son père lui coupe les vivres, en 1956, il file à Bruxelles. Embauché au Tabou, un cabaret à la mode, il y drague un mannequin, Marie-Josée. Elle deviendra sa femme. Puis il tourne en Belgique avant de prendre la direction de l’orchestre d’une boîte bruxelloise, Les Anges noirs.

Un jour y passe Joseph Kabasele, dit « Grand Kallé » (1930-1983), l’un des ténors de la rumba congolaise. C’est le créateur d’Indépendance cha cha, l’hymne des indépendances africaines, le premier tube panafricain, que Kabasele compose à Bruxelles, en 1960, au moment de la table ronde réunissant les dirigeants politiques congolais et les autorités belges. Il embauche Manu Dibango comme saxophoniste dans son orchestre African Jazz, lui fait enregistrer avec lui et son groupe une quarantaine de morceaux dans un studio à Bruxelles, puis l’embarque en Afrique.

Manu Dibango s’installe avec sa femme à Léopoldville (future Kinshasa) où il ouvre son propre club, le Tam-Tam. En 1962, il commence sa carrière discographique sous son nom, grave une série de 45-tours à Léopoldville ou Bruxelles, dont le fameux Twist à Léo (Léo pour Léopoldville), un de ses premiers succès.

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