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Macky, face à lui même !

22 - Mars - 2019

Maintenant qu’il semble avoir les coudées franches au cours de son second et dernier mandat, selon la Constitution, Macky Sall ne pourrait-il être appelé à poser un certain nombre d’actes forts et assez significatifs de nature à approfondir le modèle démocratique sénégalais ? Et pour cause, non assujetti désormais à l’équation du troisième mandat, le chef de l’Etat a la latitude de booster la réforme des institutions en donnant forme à certaines recommandations qui lui posaient cas, lors de son premier mandat. Ainsi semble-t-il en être de la question du statut du chef de l’opposition, du cumul des fonctions de chef de parti et chef de l’Etat, de l’indépendance de la justice, de la gouvernance des affaires publiques…Un vaste chantier qui interpelle la responsabilité historique du chef de l’Etat.
Réélu le 24 février dernier à la tête du pouvoir exécutif avec plus de 58% des voix, le président Macky Sall qui va officiellement entamer son second mandat de président de la République le 2 avril prochain, jour prévu pour sa prestation de serment, entame ce nouveau bail avec le peuple dans une posture inédite. En effet, la Constitution ne lui permettant pas de briguer un troisième mandat présidentiel consécutif, Macky Sall ne sera donc pas candidat à la prochaine élection présidentielle. Une première dans l’histoire politique du Sénégal. Cette situation nouvelle lui donne, à coup sûr, l’avantage de pouvoir redresser, si la volonté l’anime, les sources de « déséquilibre » qui ont rythmé son premier mandat, notamment sur le plan institutionnel.
En effet, accusé à tort ou à raison d’avoir initié plusieurs réformes dans le but de se donner toutes les chances d’un second mandat, Macky Sall a désormais toutes les cartes en main pour dissiper le brouillard au-dessus du ciel institutionnel sénégalais. Surtout avec la mise sous le coude de certaines recommandations de la Commission nationale de réformes des institutions qu’il avait diligentée, sous la houlette du Pr Amadou Makhtar Mbow, de l’ancien Pm Mamadou Lamine Loum et autre Pr Abdoulaye Dièye. Au bout du compte, il serait tout simplement question de donner forme au « recentrage de l’Etat autour de ses missions régaliennes, à la consolidation de l’Etat de droit, à l’équilibre des pouvoirs entre l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire, au renforcement de la protection des libertés publiques», comme stipulé lors de cette grande réflexion autour du modèle démocratique sénégalais, tenue sous le pilotage de l’ancien patron de l’Unesco.
Plus de cinq années après la Cnri, Macky Sall entame un second et dernier qui pourrait lui permettre de poser d’autres actes institutionnels consolidant du modèle démocratique sénégalais. Des actes de rupture qui viendraient renforcer ceux déjà mis dans le package constitutionnel, via le référendum de 2016, à l’instar du mandat de 05 ans, de la limitation du nombre de mandats, de la limitation de l’âge des candidats à la présidentielle. La matérialisation du statut du chef de l’opposition, par le biais d’une loi, tout comme le non cumul des fonctions de chef de parti et de chef de l’Etat, semble participer à cet appel d’actes de rupture qui traduiraient l’empreinte quasi « indélébile » de Macky Sall sur son second et dernier mandat. Si bien entendu, il en éprouve la volonté ! Au même titre qu’il avait exprimé, dans le cadre de sa volonté d’apaisement de la tension politique et sociale, son souci d’accorder sous condition une amnistie à Karim Wade et à Khalifa Ababacar Sall.
«LIBERATION» DU CONSEIL SUPERIEUR DE LA MAGISTRATURE
La responsabilité historique de Macky Sall en rapport à son deuxième et dernier mandat, ne saurait aussi faire l’impasse sur la nécessité d’équilibre des pouvoirs (avec un Législatif fragilisé par rapport à l’Exécutif), mais surtout de renforcement de l’indépendance de la justice. En effet, alors qu’il avait dénoncé l’insuffisance des ressources humaines et matérielles du pouvoir judiciaire et sa mise sous tutelle par l’Exécutif qui l’instrumentalisait dans certains dossiers, le candidat Macky Sall s’était engagé dans son programme de campagne, lors de la présidentielle de 2012, à placer la question de l’indépendance de la justice au cœur de sa politique. Seulement, sept ans après, rien n’a bougé sous le ciel. Le pouvoir judiciaire continue toujours de subir les injonctions de l’Exécutif à travers le ministre de la Justice et son bras armé, le procureur de la République. Et tout autant, les « directives » du chef de l’Etat lui-même, lors des réunions du Conseil supérieur de la magistrature (Csm) du fait que c’est lui qui détermine sa composition, son organisation et son fonctionnement. Une situation que l’Union des magistrats du Sénégal (Ums) n’a de cesse décrié à travers de multiples sorties dans la presse pour réclamer l’indépendance de la justice, le départ du chef de l’Etat et de son ministre de la Justice de cet organe de direction du pouvoir judiciaire. Des attentes dont la Commission nationale de réforme des institutions s’était fait l’écho au point de recommander la sortie du chef de l’Etat du Conseil supérieur de la justice. Le président Macky Sall pourrait donc mettre à contribution son deuxième et dernier mandat pour se conformer à son engagement de 2012. Ce faisant, il réussirait certainement un grand coup et marquerait sa dernière mandature pour avoir été le premier Président à « libérer » le CSM. Conformément aux attentes de la corporation. L’équilibre des pouvoirs est le fondement de la démocratie.
CHANTIER DE TOUS LES POSSIBLES
Ces divers actes de rupture institutionnelle qui pourraient circonscrire le dernier mandat de Macky Sall n’épuisent toutefois pas l’immense chantier qui l’attend, au cours de ce quinquennat. La question de la gouvernance des affaires publiques avec ces divers organes de lutte contre la corruption (Ofnac, Cour des comptes, Ige…) dont les rapports tardent à être mis au niveau du citoyen, le renforcement dynamique de la décentralisation et de la déconcentration et autre territorialisation des politiques publiques (en redressant une Acte III encore défaillant) semblent participer au même champ de responsabilité historique du Président. A la condition, bien entendu, qu’il ressente ce besoin de marquer sa dernière mandature par des actes de rupture décisifs !

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