Macky Sall, un invité indésirable au G7

04 - Juin - 2018

Comme c’est l’usage, le prochain Sommet du G7 verra la participation de certains chefs d’État africains. Ils sont invités à venir échanger avec les dirigeants du G7 sur des questions prioritaires en lien avec les enjeux de développement en Afrique. Parmi ces invités africains figurera Macky Sall, le président de la République du Sénégal. Or l’invitation qui lui a été adressée n’est ni méritée ni justifiée au regard de son sombre bilan sur le plan des droits de l’homme, de la gouvernance économique et de la justice.

Régression et violation systématique des droits de l’Homme

Pour régler des comptes politiques, Macky Sall a réactivé la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) sous le prétexte fallacieux de lutter contre les prévarications économiques. Toutefois, la CREI est une juridiction d’exception non conforme aux normes internationales et régionales ratifiées par le Sénégal. La CREI rompt le principe de l’équité du procès, car ses verdicts ne sont susceptibles d’aucun appel.

Macky Sall reste allergique à toute manifestation publique, même pacifique, alors que c’est un droit constitutionnel. Les dernières manifestations dans le pays, illégalement interdites, ont donné lieu à des violences inouïes des forces de l’ordre à l’endroit des manifestants sur qui on a tiré des balles réelles. Le régime de Macky Sall a battu un sinistre record en tuant deux étudiants par balle lors de manifestations à l’intérieur du périmètre universitaire. Selon Amnesty International, « sous la présidence de Macky Sall, les autorités sénégalaises continuent de poursuivre en justice les manifestants qui ont participé et ont osé s’exprimer aux manifestations organisées par des partis politiques et des ONG de même qu’ils utilisent la force excessive, voire parfois arbitraire, pour le maintien de l’ordre lors des manifestations ».

Graves crimes économiques impunis

Macky Sall a accordé à Pétrotim, dirigée alors par son frère, d’importantes concessions d’exploration et d’exploitation pétrolières en violation de toutes les règles en matière de conflits d’intérêts et de délits d’initiés. De plus, Pétrotim est une société uninominale au capital de 10 000 $ qui n’a aucune capacité technique et financière pour remplir ses engagements, sinon à faire de la spéculation. En effet, Pétrotim a aussitôt concédé ses droits à Timis Corporation, laquelle a cédé, à son tour, 60 % des droits à la société américaine Kosmos Energy.

En outre, le règne de Macky Sall est entaché par le plus grand scandale de corruption survenu au Sénégal : l’affaire Arcelor Mittal. En effet, avant que le tribunal arbitral ne fixe le montant des dommages à payer à l’État du Sénégal, Macky Sall et son gouvernement ont ouvert, inopportunément, des négociations qui ont abouti à un accord de 150 millions de dollars (75 milliards FCFA) alors que les préjudices subis par le Sénégal étaient évalués à 5 milliards de dollars (2500 milliards FCFA) par la firme américaine Gustavson Associates.

Au-delà de ces deux illustrations de la mauvaise gouvernance économique au Sénégal, l’odeur de la corruption et de la concussion se dégage de tous les grands chantiers ouverts par Macky Sall et son gouvernement : la construction du Centre international de conférences Abdou Diouf à Diamniadio, l’achèvement de l’aéroport international Blaise Diagne (AIBD), la réalisation du Transport express régional (TER), l’établissement des cartes biométriques, l’indemnisation de la SNEDAI, etc.

Une justice vassalisée

Un ex-juge qui vient de démissionner, avec fracas, de la magistrature souligne dans sa lettre de démission que la justice ne joue plus son « rôle de gardienne des libertés individuelles, de régulateur social et d’équilibre des pouvoirs ». Pire, le président de l’Union des magistrats du Sénégal (UMS) abonde dans le même sens lorsqu’il affirme que « l’indépendance de la justice n’est pas une réalité » au Sénégal. La justice est instrumentalisée par le pouvoir exécutif à des fins de règlements de comptes et de protection de ses affidés ayant commis les pires crimes. Ainsi, les opposants politiques sont traqués, jugés, condamnés et jetés en prison pour des délits dont la matérialité des preuves est loin d’être établie alors que les thuriféraires du régime, auteurs de graves crimes économiques, voient leur dossier judiciaire mis « sous le coude » selon le propre aveu du président Sall.

Voilà le vrai visage de Macky Sall que certains responsables occidentaux essaient de peindre comme un dirigeant démocrate, bon gestionnaire des maigres ressources de son pays et soucieux d’une bonne administration de la justice. Il n’en est rien ! Macky Sall ne mérite pas d’être à la table du G7. Sa présence souille les valeurs démocratiques, de justice et de respect des règles d’éthique prônées par le G7, particulièrement par le Canada.

Cheikh Faye, Ph.D. Professeur
Département des sciences économiques et administratives
Université du Québec à Chicoutimi
555, boulevard de l’Université
Chicoutimi (Québec) G7H 2B1

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