Nommé président du comité de pilotage du dialogue : «Big Fam», the right man assurément !

01 - Juin - 2019

Dans notre édition du 07 décembre dernier, rendant hommage au monument de la presse nationale que fut Sidy Lamine Niasse, j’avais notamment évoqué ce que j’avais appelé la « préhistoire » de cette presse.

Et dans cette « préhistoire », j’avais insisté sur un acte marquant pour ne pas dire fondateur, à savoir la fameuse conférence de presse qu’organisèrent en août 1990 les « quatre mousquetaires » ainsi qu’on nous avait surnommés (Sidy, bien sûr, mais aussi Babacar Touré, Laye Bamba Diallo et Mamadou Oumar Ndiaye, l’auteur de ces lignes) pour alerter sur la situation de nos entreprises et menacer d’aller en grève. Extrait de ce que j’écrivais en décembre : « Quoi ? Des journalistes qui marchent en plein Dakar avec des images faisant le tour du monde ? Il fallait à tout prix empêcher cela ! » 1990 ? C’était il y a pratiquement un siècle du point de vue de l’évolution des technologies et les téléphones portables n’existaient donc pas. Ce sont donc des policiers en civil qui nous ont recherchés à travers la ville avant de nous demander de répondre dare-dare à une convocation de Famara Ibrahima Sagna, ministre de l’Intérieur.

Le ministre de l’Information à ce moment-là, feu Moustapha Ka qui vient de nous quitter, était en mission au Maroc si ma mémoire est bonne et le président Diouf avait donc chargé « Big Fam » de prendre langue avec nous. C’était un après-midi et, une fois dans son bureau, il ne tourna pas autour du pot : « j’ai reçu pour instruction de vous rencontrer, de recueillir vos revendications et d’essayer, dans la mesure du possible, de les satisfaire ».

Après que nous ayons exposé ce qui nous tenait à cœur, il nous redonna rendez-vous le lendemain à 10 heures dans la salle de conférences de son ministère. Il avait été terriblement efficace puisqu’entretemps, il avait convoqué tous les directeurs généraux de sociétés concernés par nos revendications : Sonatel, Sénelec, Poste, Air Sénégal, Chemins de fer etc. A chacun il exposa ce que voulaient les journalistes — la notion de « patrons de presse » était encore inconnue et lui demanda ce qu’il pouvait faire. Chaque directeur prit des engagements fermes qui furent suivis d’effets immédiats.
A l’époque des présidents Senghor et Diouf, on savait se faire respecter ! Mais le nerf de la guerre, c’était l’argent et malheureusement, dans le budget de l’Etat de cette année-là, rien n’avait été prévu pour aider les journaux. Qu’à cela ne tienne, la présidence se chargea exceptionnellement cette année-là de payer l’aide à la presse. Laquelle fut budgétisée dès la loi de finances sui- vante ! »

SI j’ai tenu à publier cet extrait,

c’est bien évidemment pour montrer l’efficacité et le pragmatisme les talents de négociateur hors pair également de Famara Ibrahima Sagna qui vient d’être nommé à la tête du Comité de Pilotage du Dialogue national. Les plus grands acquis de la presse de ces 30 dernières années, c’est sous son égide qu’ils ont été obtenus. C’est dire que le président de la République ne s’est pas trompé de choix en nommant cet homme unanimement respecté et pas seulement par la classe politique dans notre pays. A preuve, n’avait-il pas réussi, au terme d’une diplomatie de l’ombre particulièrement efficace, à renouer le fil du dialogue entre le président Abdou Diouf et son principal opposant, Me Abdoulaye Wade ? « Big Fam », qui a fait une bonne partie de ses études aux Etats- Unis où il a travaillé également à la Banque mondiale, a emprunté aux Américains leur pragmatisme et leur efficacité. Mais en réalité, l’homme est un médiateur social né, plein d’urbanisme, à la courtoisie légendaire et qui a toujours eu pour ses prochains le plus grand respect. Ce descendant de roi, ce « Gnanthio » a toujours eu des attitudes d’aristocrate, y compris dans sa générosité proverbiale à la seule différence que, lui, n’a jamais versé dans l’ostentation et a toujours fui les feux de la rampe. Depuis qu’il a quitté la présidence du Conseil économique et social, jamais il n’a donné d’interview, jamais il ne s’est épanché alors que, malgré sa vie d’ermite et sa réclusion dans son château de Fann Résidence, c’est incontestablement l’homme le mieux informé de ce pays ! L’un des premiers banquiers de ce pays, ancien ministre de l’Intérieur, ancien ministre des Finances, entre autres responsabilités gouvernementales, Famara Ibrahima Sagna est un homme de réseaux et quels réseaux ! Il a rendu tellement de services dans la vie que nombreux sont ceux qui lui sont redevables et ne manquent donc pas de venir lui faire des confidences. A croire que, aussi, il a gardé ses contacts dans le monde du renseignement. Toujours est-il qu’il est terriblement informé. Tous ceux qui ont connu le nouveau patron du Co- mité de pilotage du Dialogue national vous le diront : c’est une très forte personnalité, quelqu’un qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. A l’époque, c’était l’un des rares barons du régime socialiste à n’avoir jamais accepté de plier le joug sous le tout-puissant Jean Collin. Au contraire, il lui a toujours tenu tête et n’a jamais hésité à lui dire son fait. Ce n’est pas pour rien du reste que, le jour de où le tout-puissant ministre d’Etat secrétaire général de la présidence de la République était entré dans le bureau du président Diouf pour lui soumettre une liste de membres d’un gouvernement composée en majorité de ses affidés en lui disant : « c’est à prendre ou à laisser ! », la première personne qu’avait appelée immédiatement le successeur du président Senghor, ça avait été Famara Ibrahima Sagna. C’est ce dernier qui avait conçu le plan de liquidation de « Jean ». Autre anecdote montrant l’indépendance d’esprit et le courage de l’ancien patron de la Bnds : Au début des années 80, le premier président de la République, Léopold Sédar Senghor, reçoit un redressement fiscal particulièrement corsé. Sous le choc, il écrit pour demander un moratoire, étant donné que sa maigre pension ne lui permettait certainement pas de faire face au montant astronomique réclamé par le fisc. Famara Ibrahima Sagna reçoit la demande de moratoire, rassure le père de la Nation et lui dit que c’est à n’en pas douter une erreur... En Conseil des ministres, il expose la situation et à sa grande surprise on lui dit que non, Senghor doit effectivement payer ! Il n’avait pas compris, le pauvre, qu’on était en pleine période « désenghorisation » et que ceux- là mêmes qui avaient été les plus obséquieux serviteurs de Senghor étaient devenus ses plus virulents pourfendeurs ! Déçu, Famara Ibrahima Sagna balança immédiatement sa démission — en tant que ministre des Finances, il fallait le faire— en demandant que cela fût précisé par communiqué...

C’est cet homme connu pour avoir porté un amour tyrannique à sa défunte mère qui va donc devoir piloter le Dialogue présumé national. Pour en revenir à cette maman qu’il idolâtrait presque, la première chose qu’il fit quand il a commencé à travailler, ça a été d’acheter quatre villas jumelées dans un quartier de Ziguinchor, de les raser avant d’y édifier une grande résidence qu’il meubla dans le plus grand secret. Après seulement, il s’est présenté un beau jour pour remettre les clefs à cette vénérée maman... Mais ça, c’est juste pour montrer un pan de la personnalité de Big Fam qui, incontestablement, réussira à mener à bien ce processus de modernisation de la démocratie sénégalaise et aussi de pacification des rapports quasi-martiaux qu’entretiennent ses acteurs. Bien évidemment, tous nos voeux de succès l’accompagnent !

Mamadou Oumar NDIAYE

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