Port maritime de Kaolack : Grandeur et décadence d’une infrastructure maritime centenaire

03 - Mars - 2017

Port maritime de Kaolack : Grandeur et décadence d’une infrastructure maritime centenaire

Kaolack, à travers son port, veut devenir un hub maritime sous régional et même international. Avec la relance de la filière arachidière, le Sénégal a un atout à exploiter en réhabilitant cet ouvrage portuaire.

Durant de nombreuses années, le port maritime de Kaolack a été le second de l’Afrique occidentale française (Aof), en termes de flux de marchandises. Selon le président de la Chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture de Kaolack (Cciak), Serigne Mboup, rien qu’en 1922, pas moins de 1 657 pavillons ont amarré dans les eaux du port pour l’exportation de marchandises vers l’ancienne métropole et sur le continent africain. Cependant, constate-t-il, « du fait de l’ensablement du fleuve, le trafic était devenu pratiquement nul par la suite, ce qui traduit une perte de compétitivité et la détérioration des routes ». Depuis 2013, avec l’avènement de Serigne Mboup, des efforts ont été consentis par la Cciak, avec son partenaire Istamco, pour la reprise du trafic. Ceux-ci ont été traduits par la mise sur pied d’un Plan stratégique de développement (2010-2015).

La reprise des activités du port occupe une place très importante dans ce plan, souligne, de son côté, le secrétaire général de la Cciak, Abdoulaye Thiam. Aujourd’hui, ajoute-t-il, le port accueille, au moins, trois petits navires par semaine. « Redynamiser le port va considérablement booster l’économie régionale », poursuit M. Thiam. Toutefois, l’institution consulaire n’a pas attendu un appui de l’État pour entreprendre des démarches et attirer des partenaires pour relancer les activités portuaires de la ville. A cet effet, plus de 60 millions de francs Cfa ont été mobilisés par la Cciak pour la réhabilitation des terres pleines, des magasins, des hangars pour stocker des produits agricoles, l’acquisition d’un nouveau pont-bascule, d’un pont électronique d’une capacité de 100 tonnes, etc. S’y ajoute le renforcement de la sécurité avec l’installation des caméras de surveillance dans l’enceinte de l’infrastructure portuaire. Le quai d’une superficie de 620 m a été également réhabilité, affirme Abdoulaye Thiam. Avant 2010, aucun bateau n’amarrait dans le port de Kaolack. « Il y a de cela quelques semaines, nous avons reçu trois bateaux en provenance de la Turquie », se réjouit-il. Cette arrivée massive de navires au port de Kaolack n’était plus enregistrée depuis plus de 50 ans notamment concernant le volet importation, relève le secrétaire général de la Cciak. Aujourd’hui, trois bateaux emmènent du basalte à Ziguinchor et en Gambie par semaine, dit-il.

Les études effectuées par la Cciak ont révélé que 300 camions traversent, tous les jours, la ville de Kaolack dans les deux sens avec tout son lot de désagréments sur les routes. Le secrétaire général de la Cciak estime que la réhabilitation du port de Kaolack constitue une opportunité pour notre pays pour désengorger le Port autonome de Dakar (Pad), en permettant aux camions maliens de venir récupérer leurs marchandises à partir de Kaolack. « Toutefois, informe-t-il, grâce aux initiatives prises par la Cciak, nous recevons des navires de petite capacité, de 2000 tonnes ». Cette situation est liée au niveau d’eau qui est de 4 m. « C’est un tirant d’eau très faible. Il faut draguer le port pour atteindre les 7 mètres pour recevoir des bateaux de grande capacité », insiste-t-il.

Vitalité économique
Cette contrainte a fait que les bateaux qui viennent chercher du sel au port de Kaolack sont chargés à moitié pour être complétés à Dakar par des camions. « C’est un manque à gagner énorme pour l’économie locale », soutient Abdoulaye Thiam. Ce dernier est convaincu que la réhabilitation du port doit constituer une priorité des autorités. Tous les acteurs doivent, relève-t-il, porter ce combat au grand bénéfice de l’économie locale et des populations. « Combien de camions quittent Kaolack pour Dakar pour amener de l’arachide destinée à l’exportation ? », se désole-t-il. Alors qu’un container en provenance de Dakar via la route revient au propriétaire à 246 000 francs Cfa, il est transporté à 90 000 par voie maritime, informe M. Thiam.

L’opérateur économique Mamadou Mbacké Ndiaye a magnifié les efforts entrepris depuis 5 ans par l’autorité consulaire pour faire fonctionner l’ouvrage en plein régime. Toutefois, souligne-t-il, l’élan de la redynamisation a été freiné par les contreperformances enregistrées dans la filière arachidière dans la région, il y a quelques années. Aujourd’hui, se réjouit-il, « nous assistons à la relance de cette culture qui est devenue compétitive à travers le monde ». Outre la Sonacos et Copeol, 21 autres unités d’achats dont les propriétaires sont d’origine indienne, marocaine, chinoise, etc. sont installées dans le bassin arachidier. Cette implantation massive des opérateurs économiques étrangers va se ressentir, selon lui, sur les revenus des producteurs. « Même si l’Etat a fixé le prix du kilogramme à 210 F Cfa, sur le terrain, la réalité est tout autre ; il revient à 250 F Cfa aux exportateurs contre 237, 7 F Cfa aux unités industrielles, malgré la taxe introduite récemment par l’État », signale Mbacké Ndiaye.

Dragage
Ce dernier a battu en brèche l’accusation selon laquelle ce système favoriserait une concurrence déloyale. Pour lui, la redynamisation du port constitue une opportunité unique pour relancer l’économie locale, estimant que le principal défaut demeure une véritable volonté politique. Il existe, selon lui, des atouts pour le dragage du bras de fleuve car au moins 10 500 tonnes d’arachides décortiquées quitte Kaolack pour Dakar et même l’exportation du sésame vers l’Inde.

La conviction du président du Conseil départemental de Kaolack est que la réhabilitation du port maritime va créer, incontestablement, une « vitalité économique ». Au-delà de la création d’emplois, soutient Baba Ndiaye, elle va contribuer à l’entretien et à la préservation des routes de notre pays. « Lorsqu’il y a des milliers de personnes qui travaillent dans le port, même les vendeuses de cacahuètes y trouveront leurs comptes, toutes les composantes de l’économie nationale, au grand bénéfice de l’État », souligne-t-il. Baba Ndiaye souligne également que les pays limitrophes du Sénégal comme le Mali, la Guinée, entre autres, vont en profiter. « Leurs camions n’auront plus besoin d’aller jusqu’à Dakar pour chercher de la marchandise », ajoute-t-il. Autant d’arguments qui font croire aux opérateurs économiques que l’État va ainsi saisir cette opportunité pour procéder au dragage du port au grand bénéficie des populations. Le secrétaire général de la Chambre consulaire appelle, quant à lui, les autorités, les fils de Kaolack et les bonnes volontés pour réfléchir ensemble sur les pistes de réhabilitation de cette infrastructure qui permettra de fouetter, à jamais, l’économie locale.

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