Présidentielle 2019 - entre parrainage au forceps et menace de 23 juin bis POUVOIR ET OPPOSITION, EN MODE DEFIANCE !

06 - Avril - 2018

La démocratie à la sénégalaise a-t-elle tiré tous les enseignements du 23 juin 2011, journée de sursaut populaire certes mais surtout de violence aveugle ayant mis à nu les tares de notre système politique ? Question légitime au regard du présumé «forcing» du pouvoir en place pour instituer le parrainage de tous les candidats à la présidentielle et de la cristallisation de l’opposition déterminée à organiser à la Place Soweto un 23 juin bis, le jour de l’examen par la représentation parlementaire de la loi sur le parrainage. Le consensus des acteurs politiques relégué aux calendes, malgré ses divers acquis dans l’histoire politique du pays (Code électoral consensuel de 1992 entre autres), l’on s’achemine tout droit vers la confrontation directe. Surtout quand on se rend compte que les «médiateurs» semblent jouer aux abonnés absents ; s’ils n’ont pas déjà épuisé leurs cartouches ?

Macky Sall persiste et signe dans le rapport établi avec son opposition politique, multipliée en vérité par zéro dans les grandes décisions qui engagent le pays. Le discours à la Nation du 03 avril 2018 en est un exemple patent. Alors que le champ politique est miné par le projet d’institution du parrainage à tous les candidats à la présidentielle, le chef de la majorité et chef de l’Etat a royalement snobé les questions politiques de l’heure (parrainage, liste unique, prise en compte du mandat présidentiel en cours dans le décompte des deux mandats validés par la réforme constitutionnelle de 2016). Optant pour la voie de la confrontation directe avec son opposition, Macky Sall a décidé de faire jouer la loi de la majorité mécanique pour faire passer au niveau de l’Assemblée nationale son initiative d’extension du parrainage aux candidats issus des partis et des coalitions de partis politiques. Une posture qualifiée de «forcing» par l’opposition dite significative, dont les appels de pied pour des discussions hors Cadre de concertation autour du processus électoral ont été majestueusement ignorés par le maître du jeu. Au même titre que ceux formulés, à faible voix toutefois, par certains membres du camp présidentiel. Et pour couronner le tout, le président de l’Assemblée nationale Moustapha Niasse s’est inscrit dans la foulée du chef de file de la majorité présidentielle à l’issue de son discours à la Nation de mardi dernier. Il a ainsi fait état de la mise en branle de la représentation parlementaire pour valider la loi sur le parrainage. « Les deux projets de lois réformant la Constitution et le Code électoral sont arrivés sur le bureau du président de l’Assemblée nationale… Et comme le prévoit le règlement intérieur de l’Assemblée nationale, les textes ont été distribués à tous les députés, sans exception... La Constitution du Sénégal prévoit un délai de lecture de 10 jours d’une loi qui arrive sous forme de projet à l’Assemblée nationale… Dès la semaine prochaine, la conférence des présidents devra programmer le traitement selon les étapes de la procédure prévue par la loi organique qui détermine le fonctionnement de l’Assemblée nationale... Au terme de cette procédure… le projet de loi sera voté si la majorité des députés estime qu’ils doivent voter pour son adoption ». Exit les cris d’orfraie de l’opposition, place à la confrontation si nécessaire pour valider le parrainage des candidatures à la présidentielle.

L’OPPOSITION PARLE DE «FORCING» ET SE MET EN MODE COMBAT

Face à ce que certains ne sont pas loin de qualifier d’irrédentisme du pouvoir en place, Macky Sall étant d’ailleurs coutumier des faits comme l’attestent l’adoption de l’article 20 à l’Assemblée nationale et le passage musclé de la loi référendaire en 2016, l’opposition regroupée au sein de Wattu Senegaal et du Fpdr (à savoir le Pds et ses alliés) comme au sein de Mankoo Taxawu Senegaal (Rewmi et cie), aujourd’hui transposée en Initiative pour des élections démocratiques (Ied), ne cesse de parler de «forcing» délibéré du pouvoir en place. En témoigne encore la sortie hier, jeudi 05 avril, du vice-président de Rewmi Déthié Fall qui affirmait sur la question du parrainage : « ce sujet fait polémique et inquiète, au-delà des acteurs politiques, toutes les forces vives de la nation. Au lieu de retirer le projet de loi, il (Macky Sall-ndlr) fait dans le forcing. J’attire l’attention des Sénégalais sur deux faits majeurs : il veut l’utiliser pour écarter d’autres adversaires politiques et aussi pour avoir une mainmise sur un nombre important de potentiels électeurs de l’opposition avant l’heure». Et le député et lieutenant d’Idrissa Seck d’arguer : « Si Macky Sall a entre 10 à 14 candidats en face de lui, candidats auxquels on demande pour chacun entre 65 000 à 70 000 signatures, le candidat Macky Sall aura la possibilité de connaître avant la présidentielle de 2019 les intentions de vote de 700 000 à 1 000 000 d’électeurs de l’opposition avec leurs adresses électorales exactes. Disposant de ce fichier avant l’élection, il pourra procéder à des manipulations soit en les empêchant de voter, soit en essayant de retourner leurs votes. Cela enlève le secret du vote et constitue une arme grave pour réduire le nombre de votants de l’opposition. C’est inacceptable!»

Partagée par toute l’opposition dite significative, cette posture de refus face au parrainage activé par le camp au pouvoir est en passe de conduire à un 23 juin bis, au jour de l’adoption de la proposition de loi sur le parrainage par la représentation parlementaire. Pour cause, l’opposition regroupée au sein de l’Initiative pour des élections démocratiques (Ied) a préféré, face à la volonté du pouvoir d’instaurer le parrainage «sans concertations» de suspendre toutes ses actions de mobilisation devant le ministère de l’Intérieur, pour exiger le départ d’Aly Ngouille Ndiaye et la nomination d’une personnalité neutre pour organiser les élections. Le nouveau point focal de la mobilisation est désormais le parrainage. Pour autant, l’opposition envisage de prendre possession de la Place Soweto, le jour de l’examen de la loi, pour forcer le pouvoir établi et sa majorité mécanique à reculer et à ne pas valider le système du parrainage. Parallélisme des formes avec le 23 juin 2011 coïncidant avec le rejet du quart bloquant et du ticket présidentiel à la Wade, grâce à un sursaut populaire certes resté dans les mémoires mais symptomatique des écueils qui voisinent la démocratie label Sénégal. Le citoyen va-t-il revivre cette extrême tension politique, faite de violences et de césures au sein de la société ? En somme, la classe politique a-t-elle tiré toutes les leçons du 23 juin 2013 ? Voilà la grande interrogation qui titille bien d’observateurs de la scène politique.

L’ABSENCE DE CONSENSUS, UN DENI DE DEMOCRATIE

Pourtant, la longue marche de la démocratie sénégalaise a permis à Gorgorlu d’arriver à des résultats tangibles pour l’instauration et/ou la consolidation de la paix civile. Par le biais du consensus, tout simplement ! De Senghor à Wade, des avancées ont fait le lit du progrès, même si elles l’ont été sur fond de crispations. Code de la famille, Code domanial sous le président-poète, Code électoral ou autre Code du travail sous Abdou Diouf, communalisation sous Me Wade. Autant d’avancées rendues possibles sur la base de consensus plus ou moins acceptés par les acteurs en lice, soucieux de dépasser les clivages et les positionnements partisans pour faire droit à un Sénégal de paix et de refus de la culture de la violence. Apparemment, cette posture des prédécesseurs est aujourd’hui occultée par les héritiers qui préfèrent s’enfermer dans un jusqu’au-boutisme qui présage de lendemains lourds de menaces pour la paix civile. La consolidation et/ou la quête du pouvoir en valent-elles la chandelle ?

LA SOCIETE CIVILE EN SAPEUR-POMPIER

Face à ce manque de dialogue sincère entre le pouvoir et l’opposition, une bonne frange de la société civile a décidé instamment de prendre les devants pour contrecarrer les menaces, tensions et violences politiques qui pourraient découler du durcissement des positions des uns et des autres. D’ailleurs, arguent ces organisations de la société civile, ce face-à-face frontal a fini « d’instaurer dans le pays un climat délétère avec une sorte de radicalisation des positions entre le camp de la mouvance présidentielle et celui de l’opposition sur les questions relatives à une éventuelle modification du Code électoral ». Pour y remédier, elles envisagent de proposer dès demain, samedi, leur « médiation entre le pouvoir et l’opposition…, afin de rapprocher les positions pour l’intérêt général du pays ». Comme pour dire que le temps des médiateurs est arrivé !

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