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Présidentielle 2019: Karim Wade peut-il être candidat ?

21 - Juin - 2018

Exilé au Qatar depuis deux ans, Karim Wade voit les obstacles se multiplier sur la route de sa candidature à l’élection présidentielle, en février 2019. De la modification du code électoral à la question de sa supposée nationalité française, passage en revue des principales difficultés susceptibles de l’empêcher de concourir à la magistrature suprême.

Karim Wade a annoncé sa volonté d’en découdre avec Macky Sall lors de l’élection présidentielle de 2019. Mais Jeune Afrique reste dubitatif sur une candidature du fils de l’ancien président Abdoulaye Wade à la présidentielle de 2019. Pourra-t-il seulement passer le cap de la candidature, s’interroge le magazine panafricain ? La modification de l’article L57 du Code électoral, qui stipule que seuls les Sénégalais « électeurs » peuvent faire acte de candidature, est susceptible de l’empêcher de concourir à la magistrature suprême, fait remarquer nos confrères de JA.

En témoignent les déclarations du ministre de la Justice Ismaïla Madior Fall, le 10 juin, sur les ondes de la TFM, à propos d’une candidature de Karim Wade « : La loi prévoit que si un citoyen est condamné à cinq ans d’emprisonnement au moins, il perd ses droits civils et politiques. » En d’autres termes, la condamnation de l’intéressé par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) l’empêcherait d’être candidat.

Modification du code électoral

Le Garde des Sceaux a-t-il dit vrai ? Dans le code électoral sénégalais figure effectivement l’article L. 31, qui interdit de s’inscrire sur les listes électorales, pendant une durée de cinq ans, toute personne condamnée « pour l’un des délits passibles d’une peine supérieure à cinq ans d’emprisonnement », ce qui pourrait donc être le cas de Karim Wade. Mais rien n’indique pour autant que cela empêcherait ladite personne de se porter candidat à un scrutin présidentiel.

La donne a changé avec l’adoption par le Parlement, ce 18 juin, d’un projet de loi portant modification du code électoral. Ce texte oblige en effet tout candidat à être inscrit au préalable sur les listes électorales. Une position défendue par Aymérou Gningue, le chef du groupe parlementaire de la coalition Benno Bokk Yakaar (BBY) : « Comment pourrait-on être candidat sans être électeur ? Je suis moi-même maire d’une commune, et il me paraît normal que l’édile y soit aussi électeur. »

Dans une vidéo diffusée le 16 avril dernier, Karim Wade avait mis en scène sa demande d’inscription sur les listes électorales à l’ambassade du Sénégal au Koweït. Souriant, il y exhibait le récépissé signé par le président de la commission administrative. « Sa demande est actuellement examinée à Dakar », indique à Jeune Afrique une source à l’ambassade de Koweït City. En l’occurrence, cet examen dépend de la Direction de l’autonomisation des fichiers, au ministère de l’Intérieur, qui est chargée de l’actualisation du fichier électoral.

Karim Wade figurera-t-il sur les listes électorales ?

Cité par l’Agence de presse africaine (APA), le ministre de l’Intérieur Aly Ngouille Ndiaye a fait référence à l’opposant, ce 18 juin, alors qu’il défendait devant les députés le projet de loi portant révision du code électoral. « Quand on a sa carte d’électeur, c’est qu’on est inscrit sur les listes électorales, a-t-il déclaré. Mais Karim [Wade] ne s’est pas inscrit sur les listes. Il a juste fait la demande pour y figurer. »

Son nom y figurera-t-il ? À en croire Doudou Ndir, président de la Commission électorale nationale autonome (Cena), l’heure de vérité approche. « Les listes électorales provisoires doivent être publiées très prochainement, peut-être début juillet, explique-t-il. Il y aura ensuite une phase contentieuse avant la consolidation et la publication de la liste définitive. »

« Débusquer les traîtres »

Dans un communiqué diffusé le 12 juin, le Parti démocratique sénégalais (PDS, opposition) estimait quant à lui que « rien, ni dans la Constitution ni dans aucune autre loi, n’interdit à notre candidat de se présenter à la prochaine élection présidentielle, et encore moins un jugement prononcé par Macky Sall [celui de la CREI] qui viole l’ordre public international. »

« Toute tentative de priver le peuple [du droit de choisir son prochain président] sera considérée comme une trahison et le PDS se réservera le droit de débusquer les traîtres pour leur réserver le sort qu’ils méritent », assénait le parti d’Abdoulaye Wade.

Autre difficulté en travers de la candidature du fils de l’ancien président sénégalais, que ne manque pas de soulever le camp au pouvoir : l’amende de 138 milliards de francs CFA (soit 215 millions d’euros) infligée par la CREI dans son jugement de mars 2015.

Gracié par le président Macky Sall en juin 2016, libéré de la prison de Rebeuss et exilé depuis au Qatar, Karim Wade est cependant toujours redevable de cette somme à l’État sénégalais. « Les sanctions financières contenues dans la décision de justice du 23 mars 2015 et la procédure de recouvrement déjà engagée demeurent », précisait ainsi le décret de grâce signé par Macky Sall.

« Une forme de marchandage »

Que se passerait-il en cas de retour de Karim Wade sur le sol sénégalais ? Comme le soulignait Jeune Afrique dans son numéro daté du 11 juin, le président Macky Sall a une idée très précise quant au sort qui serait réservé au candidat déclaré du PDS. « Si Karim Wade ne paie pas son amende, on exécutera la contrainte par corps », a-t-il ainsi affirmé à l’un de ses proches. En d’autres termes, l’opposant en sera quitte pour un nouveau séjour derrière les barreaux en cas de non-paiement. Une position déjà exprimée publiquement par Seydou Guèye, le porte-parole du gouvernement, qui assurait récemment que Karim Wade ne bénéficierait d’aucun traitement de faveur.

« On pourrait résumer leur position ainsi : si Karim Wade les laisse en paix, il n’aura pas à craindre la prison, estime Babacar Gaye, le porte-parole du PDS. Il y a une forme de marchandage de la part du pouvoir. »

Quid de sa nationalité française ?

Face au mutisme du principal intéressé, difficile de dire si Karim Wade a répudié sa nationalité française. C’est pourtant l’une des conditions de sa participation à l’élection présidentielle au Sénégal – la Constitution dispose en effet que « tout candidat à la présidence de la République doit être exclusivement de nationalité sénégalaise ».

Pour se défaire de sa nationalité française, le demandeur doit faire jouer l’article 23-4 du Code civil français, qui permet la « libération des liens d’allégeance envers la France ». La demande est alors transmise pour examen à la sous-direction de l’accès à la nationalité française (SDANF), qui dépend du ministère de l’Intérieur.

Sur le site du ministère, une note précise « qu’en moyenne annuelle, calculée sur la période comprise entre 2012 et 2014, 156 demandes de libération des liens d’allégeance ont été déposées et ont donné lieu, dans 90 % des cas, à une décision favorable ».

D’après un juriste au fait de ces questions, « le gouvernement, au cours de l’instruction, s’attachera à vérifier que Karim Wade manifeste une volonté d’expatriation, ce qui peut poser problème si l’intéressé possède des propriétés et une résidence en France ».

« Quoi qu’il en soit, le gouvernement dispose d’un pouvoir de décision discrétionnaire. Mais s’il rejette la demande de perte de la nationalité française, sa décision doit être motivée », ajoute-t-il.

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