PROCÈS DU MAIRE DE DAKAR KHALIFA SALL, JOUR 3 LA DEFENSE PLAIDE LA LIBERTE PROVISOIRE

27 - Janvier - 2018

Le député-maire de Dakar, Khalifa Sall a introduit hier, vendredi, sa énième demande de mise en liberté provisoire dans le cadre de l’affaire de la caisse d’avance de la mairie de Dakar pour laquelle il est en détention préventive, depuis le 7 mars dernier. La requête de la demande de mise en liberté provisoire a été formulée par Me Ciré Clédor Ly alors qu’il faisait sa plaidoirie sur les exceptions de nullité de la procédure et surtout sur la détention qualifiée d’arbitraire du maire de Dakar.

Devant le tribunal, la robe noire rappelant plusieurs violations des droits de ses clients et de la défense depuis les enquêtes préliminaires jusqu’à la prise par le juge d’instruction de l’ordonnance de renvoi, a indiqué que le maintien de Khalifa Sall en prison dans ces conditions constituera une détention arbitraire. Sous ce rapport, il a remis à nouveau au président du tribunal un dossier contenant la liste des immeubles mis à la disposition de la justice comme cautionnement. «Dès la proclamation des résultats par le Conseil constitutionnel, la détention de Khalifa Sall était devenue arbitraire».

Auparavant, le bal des plaidoiries de la défense avait été ouvert par le bâtonnier du Cameroun. Prenant la parole dès l’ouverture de l’audience pour compléter la liste des plaidoiries de la défense sur les exceptions de nullité de la procédure visant le député-maire de Dakar, Khalifa Sall et ses six autres présumés complices dans l’affaire de la caisse d’avance de la mairie de Dakar, Me Kamga bâtonnier du Cameroun a réfuté les six chefs d’inculpations retenus contre leurs clients. Devant les membres du Tribunal de grande instance statuant en matière correctionnelle, le bâtonnier Me Kamga a indiqué que la plupart de charges retenues par le procureur de la République dans son réquisitoire introductif n’était plus valables au moment de l’enclenchement de cette procédure parce que soit frappées d’une extinction de l’action publique soit de l’autorité de la chose jugée. En effet, précisant qu’à l’exception du délit de détournement de deniers publics valable sept années révolues, le bâtonnier de l’Ordre des avocats du Cameroun, Me Jackson Francis Ngnie Kamga, a indiqué que le délai de prescription en vigueur pour les cinq autres délits est de trois ans. Sous ce rapport, il a soutenu que les délits relevés par le rapport de l’Ige dont la période d’enquête est de 2011 à 2015 sont frappés par cette prescription.

Mieux, poursuivant son propos, il a aussi estimé en prenant le cas du délit d’escroquerie qu’on ne pouvait pas demander en 2017, «date d’ouverture de l’information judiciaire » à Khalifa Sall de s’expliquer sur un fait qui s’est déroulé en 2011. Car cela dépasse le périmètre temporel de trois ans fixé par la loi». Abondant dans le même sens, Me Ousseynou Fall a déclaré que pour qu’on puisse parler dans cette affaire de procès juste et équitable, il faudrait d’abord que toute la procédure antérieure ait respectée les droits des prévenus. «Khalifa Sall a été interrogé de 9 h à 19h sans interruption pour le faire craquer. Mais malgré cette pression inqualifiable, mon client a été constant et serein dans ses dépositions», a lancé la robe noire en ajoutant à l’endroit du tribunal. «Ce dossier n’est pas de votre compétence mais relève de la Cour des comptes. La loi portant création de l’Ige n’a pas prévu la compétence de cette institution à auditionner les collectivités locales. C’est la première fois qu’on voit une Ige fouiner dans la gestion de la ville de Dakar et c’est pour des raisons purement politiques d’un pouvoir. Khalifa Sall est en détention arbitraire. Parce que dès l’instant qu’un individu est envoyé en prison dans les conditions qui violent ses droits, il est en détention arbitraire. Vous devez donc, Monsieur le président, sur les bases de toutes les exceptions soulevées par mes confrères ordonner la libération sans condition de Khalifa Sall parce que Monsieur le procureur a violement violé les procédures pour plaire à l’Exécutif qui est derrière cette procédure».

ME FRANÇOIS SARR, COORDONNATEUR DU POOL DES AVOCATS DE LA DEFENSE : « Dans ce dossier, il y a une main invisible posée… »

Appuyant cette demande, Me Khoureichi Ba a indiqué au tribunal que les différentes exceptions soulevées par ses confrères lui offrent un moyen de sortie dans cette affaire. Poursuivant son propos, l’avocat s’est mis à récuser le doyen des juges qui, selon lui, n’avait pas compétence à prendre les actes qu’il a pris dans le cadre de cette affaire. En effet, pour Me Khoureichi Ba, le juge Samba Sall puisque c’est de lui qu’il s’agit n’est pas nommé par décret présidentiel comme le dit la loi mais plutôt par un arrêté. Clôturant la plaidoirie des avocats de la défense, Me François Sarr, coordonnateur du pool des avocats de la défense, déclarera que tous ses confrères de la défense se retrouvent dans leur plaidoirie sur les vices de procédure qui sont nombreux mais aussi évidents dans le cadre de cette affaire. «Je me suis toujours dit que dans ce dossier, il y a une main invisible posée sur les épaules de Khalifa Sall. On a été tous surpris quand le procureur de la République a demandé à l’Assemblée nationale de lever l’immunité parlementaire du député-maire Khalifa Sall, lui qui avait toujours nié l’existence de cette immunité. Ensuite, le parquet oublie de signifier aux prévenus et aux avocats l’ordonnance de renvoi. Pendant ce temps, le juge d’instruction oublie de son côté que l’appel demandant l’expertise des actes complémentaires de sa décision d’ordonnance de renvoi rend suspensif la procédure. Pis encore, le procureur de la République oublie de convoquer les avocats de la défense à la première audience. Cette situation ne s’explique pas parce qu’elle concerne des règles élémentaires que le parquet vit tous les jours. La seule explication valable, c’est la précipitation».

ME CIRE CLEDOR LY DE LA DEFENSE ASSENE : « Si le décret pour envoyer l’Ige à la ville de Dakar est nul, le rapport d’enquête est aussi nul»

Prenant la parole à son tour, Me Ciré Clédor Ly a estimé que la nullité de cette procédure est plus qu’une évidence. Poursuivant son propos, il a fait lui aussi état, entres autres, de l’absence de motivation par le procureur de son réquisitoire introductif, de la limitation des pouvoir de contrôle de l’Ige aux seuls services publics de l’Etat par la loi portant création de cet organe et du principe d’une libre administration des collectivités locales décrétée, selon lui, par la loi portant Code général des collectivités locales. Évoquant ainsi le principe de relation de cause à effet, il conclut : «si donc le décret que le président de la République a pris pour envoyer l’Ige enquêter à la ville de Dakar est nul, le rapport d’enquête est aussi nul». Abordant la question de l’immunité parlementaire du député maire de Dakar, il a fait savoir que son maintien en détention après la proclamation des résultats par le Conseil constitutionnel constitue une détention arbitraire qu’on ne peut pas réparer. «Khalifa Sall a été privé de son droit d’être entendu par la commission devant statuer sur la levée de son immunité parlementaire. Maintenu dans les liens de détention, il ne pouvait pas se déplacer à l’Assemblée nationale pour s’expliquer devant la commission ad hoc qui, d’ailleurs, n’a pas non plus fait le déplacement à la prison pour l’entendre». C’est donc au regard de tous ces éléments qu’il a demandé au président du tribunal une mise en liberté provisoire pour Khalifa Sall et compagnie pour détention arbitraire.

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