Sénégal : la toute-puissance du Ministère de la Justice

05 - Décembre - 2017

Les propos prêtés à Me Madické Niang sur le fait qu’il a mis le coude sur certains dossiers, notamment relativement au Président de la République actuel et au patron de Rewmi, Idrissa Seck, met à nu une évidence toujours niée au Sénégal par les autorités au pouvoir et qui chantent à hue et à dia que l’indépendance de la Justice est une réalité.

Il n’en est rien, dans une certaine mesure. Déjà, juridiquement, le Parquet censé détenir l’arme redoutable de l’opportunité des poursuites, est sous la responsabilité du Ministère de la Justice, appelé par ailleurs Chancellerie.
C’est ce qui donne raison à Me Madické Niang, du moins sur le fait qu’il avait la latitude, en raison justement de ce principe d’hiérarchie, de donner des instructions pour que Macky Sall, accusé alors de blanchiment d’argent, ne soit pas poursuivi.

Mais, ce qui étonne outre mesure, c’est le second dossier, celui d’Idrissa Seck dans le cadre de l’Affaire dite des Chantiers de Thiès. Là, l’ancien Ministre révèle qu’il a demandé à ce qu’un non-lieu soit prononcé en faveur de l’ancien Premier ministre, alors Maire de Thiès. C’est là où survient le pêché d’Israël.

Il n’est pas possible, du fait justement de la loi, que le Ministre de la Justice intervienne sur une procédure de non-lieu car celui-ci est prononcé par le Juge d’instruction en charge de l’enquête et qui ne dépend nullement de son Ministère.

Comment alors, dans ces conditions, un Ministre de la Justice peut-il ‘’permettre’’ qu’il y ait un non-lieu ? C’est en effet une façon, de la part d’un ancien Ministre, de reconnaitre qu’il y a, entre son département et les acteurs de tout ordre de la Justice, des pratiques occultes répréhensibles.

Si en effet les magistrats, assis ou du siège, sont censés être affranchis de sa tutelle, le Ministre ne doit pas, en principe, détenir ce pouvoir.

Hiatus entre les principes, les lois et la pratique

Malheureusement, le député a confirmé ce que tout le monde a toujours pensé, à savoir que la justice sénégalaise souffre d’un déficit criard d’indépendance et d’autonomie vis-à-vis de l’Exécutif.
Malgré les dénégations toujours entendues, les rapports sont souvent difficiles entre le Ministère et le Parquet, et entre celui-ci et les magistrats du siège, aucune forme d’interrelation ne devrait exister.

Malheureusement, il y a les principes, les lois et il y a la pratique. Et cette pratique instaure une toute-puissance du Ministère de la Justice dans les procédures judiciaires à tous les niveaux.
Or, dans notre système politique, le Ministère, c’est la Présidence. Le Ministre ne peut en effet rien décider de vraiment décisif sans s’en s’ouvrir au Président de la République, surtout s’agissant de dossiers dits sensibles.

Quand Madické dit ‘’j’ai’’, cela veut surtout dire ‘’Me Wade‘’. Car sans le Président de la République, aucun résultat ne sera atteint.

Il ne faudrait pas alors que les affaires judiciaires se règlent justement à la Présidence. Car, si c’est le cas, comme le souligne clairement l’avocat-député Madické Niang, c’est la fin de l’espoir de voir notre Justice acquérir assez d’indépendance pour faire valoir ses principes d’égalité de tous devant la loi, l’impartialité de la Justice et autres.
Or, si les autorités étatiques espèrent vraiment attirer les investissements et faire de notre pays une référence démocratique, il faudra qu’elles commencent à asseoir les conditions optimales de l’indépendance de la Justice.

Nous avons ainsi bon espoir que le nouveau Ministre de la justice va peser de tout son poids pour qu’il en soit ainsi. Il n’y a pas de fatalité et rien ne sert d’instaurer des textes pour les violer.
Notre démocratie a besoin de faire enfin des bonds en avant, non pas seulement par rapport à la chose électorale, mais aussi à l’indépendance de la Justice qu’une trop grande tutelle du pouvoir exécutif ne cesse d’oblitérer.

Nous souffrons trop de la partialité des poursuites, des mandats de dépôt systématiques, de la lenteur de la Justice et autres injustices de ce genre, avec ses corolaires comme l‘engorgement des prisons et la floraison des dossiers politco-judiciaires.

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