Sénégal: Un si lourd silence...

27 - Avril - 2020

Une à une, les voix se taisent. La plupart ont sombré dans la compromission ou la capitulation. La couardise engloutit le reste. Les acteurs les plus visibles de l’opposition, prenant prétexte de l’irruption du coronavirus, sont allés s’accroupir sous les pieds de celui dont ils refusaient, il n’y a guère longtemps, la légitimité de son titre de président de la République.

Comme envoûtés, silencieux sur tout ce qu’ils lui reprochaient, de son braquage des ressources naturelles du pays à la mise en joue des libertés publiques et individuelles, jusqu’à cette cherté intenable de la vie pour leurs partisans, ils ont avalé fierté et fougue, remisé au placard leurs idées et idéaux, pour se rendre à canossa. En clair faire acte d’allégeance à l’ennemi juré.

Quelle irresponsabilité et quelle légèreté: en tombant dans le piège d’un faux consensus national pour lutter contre la pandémie du moment, ils se sont livrés avec armes et bagages. Sans même revendiquer une quelconque assurance sur les risques qu’ils prenaient au profit d’un récidiviste dans la roublardise et l’escroquerie. En quittant le palais de la République, accompagnés par un hôte des lieux requinqués par une aussi incroyable reddition, ils ont poussé la bêtise jusqu’à enregistrer pour la postérité leur plate soumission.

Ils l’ont fait en s’épanchant sur les micros grandement ouverts des médias favorables à leur nouveau chef. Debout, suivant une chorégraphie savamment orchestrée à leur insu, ils y ont rivalisé d’ardeur. Avec la même verve, pour déclamer la profondeur de leur alignement derrière celui qu’ils ont hissé, sans retenue, au grade de commandant en chef d’une armée en guerre dont ils n’étaient plus que de petits moine soldats, à sa dévotion.

Berlue
Macky SALL semblait être lui-même frappé d’une berlue. Comment, se pinçait-il, ces opposants, que le peuple avait fini par prendre au sérieux dans leur hostilité, fondée, contre lui, s’étaient-ils lâchés au point, non seulement, de ne plus apparaître qu’en minables marionnettes, mais jusqu’à lui donner carte blanche pour le vote d’une loi d’habilitation qui concentrait tous les pouvoirs entre ses mains?

Avaient-ils été victimes des lourds fétiches qu’il applique, dit-on, à ses adversaires ?
Plus de trois semaines après, plus aucune voix n’ose monter des rangs d’une opposition compromise jusqu’à la moelle épinière et réduite à jouer les figurants consentants des actes graves, des détournements de deniers et marchés publics, sans avoir aucune marge de manœuvre pour se sortir du guêpier dans lequel ils se sont laissés enfermer.
Becs cloués, ils ne ressemblent plus qu’à ces oiseaux surpris par les marées noires des hydrocarbures, ailes gelées, regards mélancoliques, que l’on voit sur certaines côtes obscurcies par des eaux gluantes.

L’opposition classique s’est donc faite hara-kiri, un suicide aussi violent qu’inutile qui a réduit à néant sa valeur boursière sur le marché politique. C’est à une mort consentie qu’elle s’est donnée et elle la paie au prix de sa ridiculisation qui a fini de consacrer sa naïveté, son amateurisme et, pis, son étourderie sous les éclats des lambris d’un palais devenu son cimetière.
Le silence aussi bruyant des forces civiles et citoyennes a été le pendant de celui des politiques. Et il n’est pas besoin d’aller loin pour comprendre pourquoi ces dernières ont plus facilement encore vendu leurs voix.

Depuis longtemps, en effet, on savait que nombre de ses membres entretenaient des relations louches, adultérines, avec le pouvoir qu’ils prétendaient combattre mais n’en étaient que des appendices à peine masqués.
Les mouvements consuméristes, incarnés jusqu’à la caricature par l’inénarrable Momar Ndao, à la moustache fasciste, ou ceux dits civils, occupés par le nombreux Birahim SECK, champion de la duplicité, étaient déjà connus pour n’être que des amuseurs de galeries. Ils font désormais rire jaune. Au même titre que le trio, symbole achevé de la collaboration, réminiscence d’un petainisme tropical, constitué par les têtes de Mazide Ndiaye, Moundiaye CISSE et Babacar Gueye, les volontaires chargés des basses œuvres qui font honte à l’histoire institutionnelle du pays.

Entreprise de corruption
Les voix qui s’éteignent n’épargnent pas non plus celles des chefs religieux, enrôlés dans l’entreprise de corruption que fut l’embellissement de leurs cités, mais tombée depuis en désuétude après la fraude électorale qu’elle cherchait à lubrifier, avant le scrutin vampirisé d’il y a un an...

Celles des femmes, caporalisées au moyen du vote d’une loi-piège pour criminaliser viols et pedophilie, ne sont pas non plus en reste. Elles ne sont plus qu’au service du décorum pour un Macky SALL ne boudant pas son plaisir, toute de fatuité, à s’afficher en “grand seigneur” au milieu de ses amazones de pacotille qui en sont hélas arrivées à n’exister que par la taille de leurs boubous, foulards, escarpins et mèches. Ce faisant, elles participent, en bouteilles habillées, à la culture ambiante de la compromission mais s’imaginent en actrices d’une grande histoire quand le pays, sous leur validation subtilement forcée, s’enlise dans les ténèbres de la dictature.

Il ne restait qu’à clouer le bec aux mouvements protestataires réunis en autant de cris de guerre sans portée au delà des macadams et de la place de l’Obelisque.
Y-en-a-marre, Frapp-France Dégage, Aar Li Nu Bokk, Gno Lank ne servent plus que de bruits de fond sans intérêt. Et tous se posent des questions, en particulier celle-ci: étaient-ils un nid de pions et d’espions pour le régime de Macky SALL ou ont-ils été infiltrés, ou, pis, achetés, rubis sur l’ongle, à mesure que leurs hurlements vocaux s’élevaient?
Le fait est trop frappant pour ne pas être souligné: on ne les entends plus, ces temps-ci, que pour s’égosiller dans le combat œcuménique contre la pandémie du coronavirus. Derrière leur nouveau leader, le Général SALL.

Adieu lutte contre la vie chère, la hausse de l’électricité, le bradage, à Aliou SALL, des ressources en hydrocarbures du pays, le maintien du franc cfa, les violations des libertés démocratiques, l’insécurité, la corruption ou pour le sauvetage de l’éducation, la santé, l’équilibre ethnique, pour ne citer que ces exemples.

Même l’élite intellectuelle, où se retrouvent les plus grands cerveaux dont on saluait naguère les exploits scolaires et l’érudition, a elle aussi perdu la voix. Elle se retranche désormais derrière la douteuse officine Seneplus pour pondre des textes sans muscles, nimbés d’obscurantisme et de néologismes illimités, où ses composantes les plus reconnues, de Bachir à Felvine, déversent leurs théories inutiles sur la décolonialité, l’enchantement de l’Afrique, l’universalisme de l’Islam et autres préciosités...

Signe de sa propre disruption: on observera que l’intelligentsia sénégalaise tourne ostensiblement le regard ailleurs pour ne pas voir la régression démocratique et la prédation économique, encore moins la perte rapide de la souveraineté nationale.
Le trop-plein d’énergie qu’elle accumule à force de se terrer n’est cependant pas perdue. Elle le déverse, ces temps-ci, dans la confection et la co-signature, sectaire et narcissique, d’infinies pétitions sans prises sur les enjeux qu’elles prétendent adresser.

Fermez le ban: comme partout ailleurs où la dictature a été facilitée par le silence des peuples qu’elle écrase, celui du Sénégal, fracassant, scelle l’enracinement d’une minable et crapuleuse autocratie aux petits pieds. Soixante ans après la proclamation de son indépendance, qu’il célèbre tous les 4 Avril, depuis lors, sa descente dans les ténèbres ne pouvait être plus brutale que ce qu’il vit en ces heures décidément sombres de son histoire. Dans un si long, lourd silence, uniquement perturbé par les frasques, en roue libre, d’un dictateur émergent et de ses sicaires. Même les forces de l’ordre, les praticiens du droit, les journalistes et syndicalistes semblent avoir battu pavillon.
Et ce pays naguère gai où l’on aimait débattre de tout n’est plus qu’une morne plaine.
Comme dans un cimetière. On se tait: le Sénégal s’affaisse, s’abaisse!

Adama Gaye, Le Caire, 26 Avril 2020

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