SPECTACLE DE L’HUMORISTE AHMED SYLLA AU GRAND THEÂTRE DU GRAND ART !

03 - Juillet - 2017

SPECTACLE DE L’HUMORISTE AHMED SYLLA AU GRAND THEÂTRE DU GRAND ART !

Un transformiste qui se donne en spectacle pendant une heure et demie, qui se dédouble ou se fragmente, son côté presque ventriloque, un sens presqu’inné de l’humour, des clichés parfaitement assumés, de la dérision et beaucoup d’autodérision, cette façon pas comme les autres qu’il a de jouer avec le public, un sens du bluff comme au poker…C’était tout cela que le spectacle de l’humoriste franco-sénégalais Ahmed Sylla, sans parler de ces passages où il a réussi à nous émouvoir. «Avec un grand A», c’était ce samedi 1er juillet au Grand Théâtre où il s’est aussi produit la veille. Deux dates, au lieu de la seule prévue au départ…Parce que le public en redemandait !

C’est peut-être cela le côté le plus déconcertant de ses spectacles : cette incertitude, cet entre-deux, ne jamais savoir par quel bout le prendre ni à quoi s’attendre finalement, ne jamais savoir quand il est sérieux…Ahmed Sylla. Quand c’est vrai, quand c’est faux, quand il nous mène en bateau ou quand il se joue de nous, quand il bluffe comme au poker…Mais ce n’est certainement pas comme s’il ne nous avait prévenus entre deux clins d’œil tout de ce qu’il y a de plus espiègle pour ne pas dire presqu’amusés : «Il y a quelque chose avec mes spectacles, je ne dis jamais quand c’est vrai ou quand c’est faux». Voilà qui a le mérite d’être clair...Mais s’il y a tout de même quelque chose de vrai, ou presque, c’est que le comédien n’a pas grand-chose à voir avec la jolie blonde qui s’est retrouvée sans crier gare, ni cérémonial, sur la scène du Grand Théâtre, ce samedi 1er juillet…Encore que…

Caché sous une perruque blonde, démarche aguicheuse, jeux de jambe et voix mielleuse, en plus de l’accent parisien qui colle à la langue de son personnage, Ahmed Sylla est dans la peau d’une autre, mais c’est de lui que l’on parle : un artiste «solaire», qui a du mal avec les coups de flash et les vidéos pendant ses spectacles : «Non, Ahmed n’aime pas ça », et il lui est arrivé d’ailleurs, dit la fausse blonde, d’ «annuler» l’une ou l’autre de ses prestations…Et ce samedi au Grand Théâtre, certains téméraires, qui ont bien voulu jouer le jeu, se sont fait confisquer leur téléphone…Comme à l’école !

Mais entre-temps, disons que l’humoriste, qui profite aussi de la scène pour s’amuser à rebaptiser ces messieurs-dames dans le public, de Rihanna à Georges Clooney, est comme qui dirait redevenu lui-même : le fils d’un père amateur de musique cubaine, inconditionnel de Compay Segundo, qui le traite de «bon à rien», et qui ne s’y connaît absolument pas en réveils en douceur. Entre les coups (on l’entendra crier «wouyayoye»), et les menaces pas toujours très «inspirées» dit son fiston («tu vas ch…du shampoing»). Sans parler des expressions bien à lui de cet immigré sénégalais, venu avec l’accent du pays : «fanfrelan» pour «cancrelat».

Et vrai ou faux, nous n’en saurons jamais rien, le paternel fait payer un loyer à son gamin : 50 euros la nuit pour commencer, donc «plus cher qu’à l’hôtel», mais l’argument du vieux est imparable. Ses «je t’aime» ses mangent à toutes les sauces, même quand il lui donne la raclée de sa vie…De 50 à 150 euros plus tard, donc du simple au triple.

Le «bout de l’équerre» à la rentrée

Puis viendra la fugue, ou le plan de fugue, puisqu’il se contentera seulement d’en «rêver»…Comme il a aussi rêvé d’être steward, moins pour avoir à répéter les consignes de sécurité, que «pour avoir la voix du steward», qu’il imite d’ailleurs à la perfection, astronaute (on le verra faire la fusée sur scène si…si) ou «médecin».

Dans son spectacle, «Avec un grand A», on tombe sur certaines piques : contre un système scolaire qui vous «dicte» ce que vous avez à faire, «en fonction de vos notes»... «Je n’étais pas mauvais élève» finit-il lâcher ; juste ce qu’il fallait pour arracher des cris à un public incrédule. Ahmed Sylla précise, avec toujours beaucoup d’autodérision : «Je n’aimais pas rester sagement assis à écouter le professeur. Quand j’avais de mauvaises notes, on ne mettait pas Compay Segundo à la maison». Pour se tirer d’affaire, il lui arrive de raconter sa vie : la maîtresse, «Madame Cissokho», «raciste» comme on n’en fait plus, est allée jusqu’à dire qu’il faisait «chaud à Dakar». Sacrilège !
Mais attention, dit le comédien, «j’aimais beaucoup la rentrée des classes, quand le bout de l’équerre est encore pointu », et que le maître ou la maîtresse se plaît à vous rappeler que «c’est fini les vacances».

Il faut dire que certains passages de son spectacle sont assez populaires ; les vidéos de l’humoriste sont très courues, et dans le public, on anticipe déjà sur certaines de ses répliques. Ahmed, lui, joue à cache-cache et s’amuse à surprendre, avec l’air du bonhomme content de lui-même, qui laisse même échapper un «niaw» (bien fait, Ndlr), parce qu’il avait tout prévu. Le public, à la fois jeune et métissé, est tout simplement mort de rire.
Derrière le comédien, on tombe parfois sur un psychologue, qui s’amuse à décortiquer certains profils, celui du camarade de classe qui a toujours besoin d’être rassuré, et qui grandit avec ; parfois, il est sociologue : là-bas, l’éducation au «doudou» ou à la peluche là-bas, ici celle «au fil électrique».

«J’ai failli vendre de la drogue»

On ne saura pas non plus cette histoire-là est vraie : «J’ai failli vendre de la drogue, dit Ahmed Sylla, mais j’avais trop peur de la police». Et en plus, «drogue baaxul» (ce n’est pas bien la drogue, Ndlr). Sa plus grosse «con…rie» ? «Voler un stylo» à l’école. Réaction du père, outré par le mot «voler», ni plus ni moins: «Je t’aime, mais tèye nga dee» (Je t’aime, mais tu vas mourir aujourd’hui, Ndlr)

L’homme, le père de famille, a un humour assez particulier, et il a l’art d’ «intellectualiser les blagues de maman». A la maison Ahmed l’imite, mais toujours dans son dos. L’humoriste se souvient encore de la toute première fois où il a fait rire son père, et de sa fameuse phrase, répétée à plusieurs reprises lors de ce one-man-show, toujours très attendue et avec le même effet à chaque fois : «C’est rigolo, c’est rigolo…c’est COCASSE » ; avec l’accent du pays, légèrement nasillard. Dans la grande salle du Grand Théâtre, on rit aux éclats.

Ahmed Sylla raconte aussi sa vie d’ «artiste» à Paris. Romancée ? Qui sait…Entre les blagues racistes dans les parfumeries parisiennes, avec des allusions au «fond de teint», à la «noix de coco», à Usain Bolt ou à Omar Sy…Pour la ressemblance. On l’entendra d’ailleurs imiter l’entraîneur de l’équipe de France, qui a du mal à faire la différence entre ses joueurs noirs, parce qu’ils se ressembleraient tous.

En fin de spectacle, Ahmed Sylla rapporte cette conversation-testament, entre son grand-père (il a un déambulateur) et lui : «1ère ligne Infanterie et artillerie lourde, on a défoncé les Allemands». Puis…«On devait toucher la pension de guerre dans sa totalité (…) mais Charles De Gaulle nous a sucré la pension quand le Sénégal a obtenu son indépendance. Sûrement parce que la note pour la France était salée». Le jeu de mots aigre-doux : «Ça nous a laissé un goût amer cette histoire.»

«Ton arme, c’est ta bouche»

La conversation se poursuit, toujours très imagée. Le grand-père à son petit-fils : «Tu as une arme, donc tu es un soldat. Ton arme, c’est ta bouche. (…) Ne la perds jamais, parce que tu tues les gens, mais tu les tues de rire, et ça ne fait pas de mal». Applaudissements dans la salle, sans doute pour la qualité du texte, et pour l’émotion. «Tu as le choix, alors va, vis et deviens. Sois un artiste avec un grand A.» Autrement dit le titre du spectacle, le public est conquis. Le grand-père poursuit, de sa voix tremblotante : «Je peux te demander quelque chose ? Un petit service rekk (seulement, Ndlr). Quand tu seras sur scène, un jour peut-être, tu n’oublies pas de parler de moi, pour que les gens ne m’oublient pas. Dis à tous les amis que j’ai laissés là-bas que je ne les ai pas oubliés. C’est dans mon cœur, c’est mon histoire».
Et c’est ce grand-père qui l’a aidé, comme il dit, à «payer ses cours de théâtre», et qui l’a d’ailleurs «accompagné».

Quant à son père, la première fois qu’il l’a vu sur scène, Ahmed jouait le rôle d’une femme. Il finira par lui dire : «Tu n’es pas un bon à rien, tu es un bon à rire. Je t’ai regardé sur scène, j’étais fier de toi, et j’ai vu dans tes yeux que tu étais heureux. (…) Je vais te donner un conseil : je veux que tu travailles dur, et je ne veux pas que tu lâches. Comme ça, je te le souhaite, tu vas devenir un artiste avec un grand A. Tu vas jouer partout dans le monde, et je te souhaite un jour de jouer à Dakar.»

A Dakar justement, on se souviendra de la façon dont il a rabiboché ce couple dans la salle, de ses piques sciemment sexistes sur les femmes au volant, qui les feront rire ou argumenter, ce très prononcé accent sénégalais qui sort d’on ne sait où, cette façon qu’il a de se dédoubler, ses clichés sur l’orientation sexuelle, sur les bobos aux gestes précieux etc.

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