Technopole de Pikine CHRONIQUE D’UNE DISPARITION PROGRAMMEE

06 - Octobre - 2018

Bradage du foncier, dégradation de l’écosystème, menace sur la biodiversité, le Technopole de Dakar (situé à Pikine) est en sursis. Face à l’appétit foncier de plus en plus grandissant des grandes sociétés et la complicité de certains agents de l’Etat et l’indifférence des autorités, cette zone humide qui joue un rôle important, agissant comme une éponge naturelle qui absorbe et stocke les eaux de pluie excédentaires pour limiter les inondations et les risques de catastrophe liés à l’eau dans les Niayes de Pikine, vit ces derniers instants, ou presque. Suffisant pour que la plateforme des acteurs pour la défense de l’environnement des Niayes du Technopole engage la bataille et, en perspective de la COP13 prévue du 21 au 29 octobre à Dubaï, en appelle à son érection en site Ramsar.

Le Technopole de Dakar est érigé sur près de 300 hectares. C’est une zone humide qui est menacée avec l’érection d’infrastructures qui impactent sur la biodiversité. Plus de 175 espèces d’oiseaux migrateurs répertoriées sont en voie de disparition, avec l’écosystème qui se dégrade de jours en jours. La menace la plus patente est l’urbanisation qui favorise les opérations de remblai dans toute la zone.
Face à ce péril et ses conséquences néfastes sur l’environnement, l’écosystème et la vie des populations riveraines, la Plateforme des acteurs pour la défense de l’environnement des Niayes exige des autorités, qui doivent se rendre prochainement à la rencontre de la COP13 (la 13e Session de la Conférence des Parties contractantes à la Convention de Ramsar sur les zones humides) aura lieu à partir de ce 20 octobre à Dubaï, que le Technopole soit érigé en site urbain Ramsar (un statut pour le Technopole) et l’arrêt de travaux d’érection d’ouvrages sur le site, entre autres doléances brandies par la plateforme à travers un mémorandum.
PLUS DE 175 ESPECES D’OISEAUX MENACES…
A en croire Sidy Gueye, président du Golf Club Technopole, la situation du Technopole est connu de tous et que les autorités font la sourde oreille sur ce problème de bradage du foncier de cette zone «non ædificandi», un poumon vert et réceptacle du surplus des eaux usées traitées au niveau des la station de pompage sur place et des eaux de pluie. «Depuis un certain temps, on crie sur tous les toits pour dire que le Technopole est agressé de toute part. Mais, en fait, personne ne réagit. Les problèmes sont immenses puisqu’il y a les pêcheurs, les maraîchers, le Golf Club. Des promoteurs veulent s’approprier le foncier et ça, nous ne l’accepterons pas. S’ils prennent les terres des maraîchers, c’est que ces gens-là ne se voilent pas. C’est la même chose aussi pour les pêcheurs. Ils ont rempli les lacs de gravats et ces pécheurs ne pourront plus gagner leur vie. D’autre part, les oiseaux migrateurs, avec plus 175 espèces répertoriées, ne viendront plus là», renseigne le président du Golf Club.
MARAICHERS, PECHEURS, FAUNE ET FLORE… EN SURSIS
Considérant que la zone humide joue un rôle important, en agissant comme une éponge naturelle qui absorbe et stocke les eaux de pluie excédentaires pour limiter les inondations et les risques de catastrophe liées à l’eau, les environnementalistes sont inquiets quant à l’avenir de cette zone. En ce sens que Technopole n’a plus cette vocation d’éponge naturelle contre les inondations, déplore Ibrahima Hanne, président d’Action citoyenne. «Cette zone est remblayée, avec des gravats. Il s’en suit des travaux d’érection d’ouvrages et le délogement des maraichers, ce qui constitue une incohérence par rapport à la politique de l’Etat», soutient ce dernier. Et de relever que ce site contribue à l’atteinte des 350.000 tonnes d’ognon (dans produites dans la zone des Niayes) sur une production nationale horticole estimée à hauteur de 175.000 tonnes, telle que déclinée par le Plan Sénégal émergent (PSE). Et pourtant, le Sénégal a voté de nombreuses lois nationales et ratifié des Conventions internationales destinées à protéger l'environnement, en particulier les zones humides, les territoires vulnérables et les faune et flore menacées. «Le Sénégal va prendre part à la rencontre de la COP13 mondiale prévue à Dubaï (Émirats Arabes Unis, du 21 au 29 octobre 2018. Et on doit renforcer sa sensibilité pour ceux qui nous représenteront lors de la COP13, une aussi importante rencontre portant sur les zones humides. Et, on ne peut pas être en porte-à-faux avec ses engagements: signer la Convention mondiale et sur le plan local faire autre chose», dénonce le professeur Ndiaye de l’Association Nature communauté et développement.
POUR LA DESIGNATION D’UNE AUTORITE DOTEE DES POUVOIRS ET LA MISE EN ŒUVRE D’UN PLAN D’AMENAGEMENT INTEGRE DU TECHNOPOLE
Et de rappeler que le président de la République lui-même, lors d’un Conseil interministériel délocalisé à Pikine, avait donné des instructions pour l’audit du foncier, la sauvegarde et la protection de la zone des Niayes, l’organisation d’un Comité régional de développement (CRD) et d’un Conseil interministériel sur les zones humides. C’est pourquoi la plateforme regroupant plusieurs acteurs exhorte les autorités à prendre des mesures pour arrêter les travaux d’érection d’ouvrages en cours et mettre en place une brigade de surveillance. En outre, la plateforme en appelle à la redéfinition de la loi et le statut concernant la protection, la sauvegarde et le classement des Niayes du Technopole de Dakar en site urbain Ramsar. Aussi réclame-t-elle la désignation d’une autorité dotée des pouvoirs requis pour garantir la préservation du site ainsi que la gestion et la mise en œuvre d’un plan d’aménagement intégré, la mise en place d’un cadre de suivi et d’évaluation, assorti d’une mission de concertation inclusive qui réunit tous les acteurs des Niayes, le renforcement des capacités des intervenants et producteurs de la zone, ainsi que le recasement organisé des maraîchers déguerpis.
OPERATIONS DE REMBLAI SUR SON AIR DE JEU : Le Golf Club Technopole annonce une plainte contre les «agresseurs»
Le président du Golf Club Technopole a annoncé une plainte contre les sociétés qui ont entrepris des opérations de remblai dans l’emprise du Golf Club. «Il y a des gens qui sont venus peut-être détenteurs de titres, on ne sait d’où ils les ont pris, ils ont détruit le mur du Golf et sont rentrés jusqu’au niveau de notre parcours de jeu pour faire des remblais et même dans un lac. Des tonnes de gravats sont déposées sur le lac et, nuitamment, ils viennent pousser progressivement l’amas de gravats. On a prévenu, mais les autorités n’ont pas réagi», s’indigne Sidy Gueye
Et de poursuivre sur un autre cas: «derrière nous, si vous regardez la montagne, il y a des milliers de tonnes de gravats. Quelqu’un a aménagé plus de 10.000 m2 de remblai en gravats pour un entrepôt. Il est rentré de 30 à 50 mètres dans le Golf Club. On l’a dénoncé, mais rien», se désole Sidy Gueye. Le président du Golf Club Technopole annonce une plainte contre les agresseurs de leur espace. «On a fait un constat avec huissier et je vais porter plainte avec un avocat.» Interrogé sur l’identité de ceux qui font le remblai, il dira: «on a identifié deux société: il s’agit de SENICO et de GDCS parce qu’on a trouvé les agents de ces sociétés-là qui sont détenteurs de titres. On leur avait demandé d’arrêter mais ils disent qu’ils n’arrêteront pas tant que leur patron ne le leur intime pas l’ordre. C’est leurs patrons qui leur ont a demandé de venir faire le remblai», laisse entendre Sidy Gueye.
QUELQUES DEFINITIONS : Convention de Ramsar
La Convention de Ramsar (du nom de la ville Iranienne où elle a été ratifiée en 1971) à pour objectif d’enrayer la tendance à la disparition des zones humides, de favoriser leur conservation, ainsi que celle de leur flore et de leur faune et de promouvoir et favoriser leur utilisation rationnelle. Les zones humides sont des étendues de marais, de fagnes, de tourbières, d'eaux naturelles ou artificielles, permanentes ou temporaires, où l'eau est stagnante ou courante, douce, saumâtre ou salée, y compris des étendues d'eau marine dont la profondeur à marée basse n'excède pas six mètres. Les zones humides concernées doivent avoir une importance internationale au point de vue écologique, botanique, zoologique, limnologique ou hydrologique. Les critères concernant les oiseaux d'eau ont été les premiers à être pris en compte; les autres valeurs et fonctions des zones humides sont aujourd'hui intégrées. L'inscription sur la liste «Ramsar» est faite sans préjudice des droits exclusifs de souveraineté des Etats. Toutefois, les Etats élaborent et appliquent leurs plans d'aménagement de façon à favoriser la conservation des zones humides inscrites sur la liste et l'utilisation rationnelle de l'ensemble des zones humides de leur territoire. L'effet du classement suit le territoire concerné en quelque main qu'il passe. L'inscription d'un site sur la «liste Ramsar» constitue plus un label qu'une protection en elle même.
ZONE HUMIDE
Selon le dictionnaire environnement, on appelle zone humide une région où l’eau est le principal facteur qui contrôle le milieu naturel et la vie animale et végétale associée. Elle apparaît là où la nappe phréatique arrive près de la surface ou affleure ou encore, là où des eaux peu profondes recouvrent les terres. La loi sur l'eau définit les zones humides comme «les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année».

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