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Tiémoko Meyliet Koné, Gouverneur de la Bceao : « Assurer sur un horizon de cinq ans l’accès et l’utilisation des services financiers à 75% de la population de l’Union »

21 - Novembre - 2016

Tiémoko Meyliet Koné, Gouverneur de la Bceao : « Assurer sur un horizon de cinq ans l’accès et l’utilisation des services financiers à 75% de la population de l’Union »

Après son élaboration en octobre 2015, son adoption en juin dernier par le Conseil des ministres de l’Uemoa et la conférence dont elle a fait l’objet au mois de septembre entre la Bceao et la Fmi, la stratégie régionale d'inclusion financière qui vise à améliorer l’accès, l’utilisation et la qualité des services financiers offerts aux populations à faible éducation financière a reçu, jeudi dernier, l’appui des bailleurs de fonds. Dans cet entretien, le gouverneur de la Bceao évoque le meilleur moyen d’accroître l’inclusion financière, pour assurer, sur un horizon de 5 ans (2016-2020), à 75% de la population adulte de l'Union un accès et une utilisation d’une gamme diversifiée de produits et services financiers adaptés et à coûts abordables. Tiémoko Meyliet Koné insiste sur le rôle des Etats, des autorités monétaires et surtout sur l’éducation financière des populations en faisant en sorte qu'elles soient mieux protégées contre les risques de surendettement, de tarification abusive, de discrimination et de pertes de leurs dépôts, par une surveillance et une réglementation appropriées.

On parle de plus en plus de l’inclusion financière. Que recouvre cette notion ?
La notion d'inclusion financière recouvre la prise en compte, dans l'accès aux services financiers et leur usage, des plus démunis qui sont généralement exclus des systèmes financiers classiques tels que les banques. L'inclusion financière est ainsi la matérialisation d'un « accès permanent des populations de l'Uemoa à une gamme diversifiée de produits et services financiers adaptés à leurs besoins, à des coûts abordables et utilisés de manière effective, efficace et efficiente ».

Par gamme diversifiée de produits et services financiers, nous entendons, outre les services classiques (dépôts et crédits) offerts par les principaux acteurs du système financier formel, à savoir les banques, les postes, les institutions de micro finance, etc., les produits d'assurance et autres moyens de paiement, à travers les comptes de monnaie électronique, comme par exemple le mobile banking.

L'inclusion financière appréhende ces services, non seulement du côté de l'offre (services offerts à moindres coûts), mais également sous l'angle de la demande (utilisation effective, qualité des services, bien-être tiré par les usagers).

Quel est le meilleur moyen d’accroître l’inclusion financière ?
Le meilleur moyen d’accroître l'inclusion financière est la mise en œuvre, par les autorités monétaires et par les Etats, d'un ensemble cohérent de mesures visant à favoriser un accès durable du plus grand nombre de personnes aux services financiers.

Parmi les initiatives prises par les autorités monétaires de l'Umoa, on peut notamment citer la mise en place d'un cadre juridique propice à l'exercice de l'activité bancaire et financière, en vue de favoriser la confiance des consommateurs et de renforcer leur accès aux services financiers. Par une politique incitative, la Banque centrale a obtenu des professionnels des établissements de crédit de notre Union, l'offre à titre gratuit des services bancaires de base.

Quant aux Etats, la plupart s’est dotée de stratégies nationales de micro finance ou d'inclusion financière. Ils doivent améliorer l'environnement pour le rendre plus propice, afin d'encourager l'inclusion financière en fédérant les initiatives allant dans ce sens.

Au total, les actions menées se sont avérées relativement favorables à la promotion de l'inclusion financière dans notre zone. Cependant, il apparaît que des mesures complémentaires sont nécessaires, au regard des contraintes actuelles qui sont de plusieurs ordres et qui accentuent, parfois, la fragilité du secteur de la micro finance.

Quelles sont ces contraintes ?
On note tout d'abord une faible diversification des services financiers, une concentration géographique des points de services, une insuffisance des infrastructures de paiement, l'asymétrie d'information, une faible éducation financière, mais surtout une tarification jugée encore trop élevée. A ces contraintes, s'ajoute également la nécessité de fédérer et d'assurer la synergie entre les actions de l'Institut d'émission et celles des Etats membres de l'Umoa. D'où, la mise en place d'une stratégie régionale d'inclusion financière dans l'Uemoa, adoptée en juin 2016 par le Conseil des ministres de l'Union.

Enfin, pour aider à lever ces contraintes, la promotion de l'éducation financière apparaît comme une action incontournable, qui ne peut être efficacement conduite que par la puissance publique.

Quels sont les instruments mis en place pour favoriser l’inclusion financière ?
Nous pensons que la stratégie régionale d'inclusion financière dans l'Uemoa est une feuille de route qui vise à ouvrir la voie à une vision partagée de l'inclusion financière dans notre zone. Elle vise également à arrêter les priorités pour la promotion de l'accès des populations aux mécanismes à mettre en place pour améliorer l'accès, l'utilisation et la qualité des services financiers offerts aux populations de l'Uemoa ciblées, notamment celles vivant dans les zones rurales, les personnes à faible éducation financière, les femmes, les jeunes et les Pme.

L'ambition, à ce niveau, est « d'assurer, sur un horizon de 5 ans (2016-2020), l'accès et l'utilisation d'une gamme diversifiée de produits et services financiers adaptés et à coûts abordables, à 75% de la population adulte de l'Uemoa ». Il nous faut donc continuellement rénover le cadre légal, réglementaire et de supervision en fonction des évolutions du secteur financier, pour le rendre plus efficace. Ensuite, il s'avère urgent d'assainir et de consolider les institutions de micro finance, tout en veillant à promouvoir l'innovation dans le secteur. La Bceao est déterminée à conduire, à terme, ce projet au bénéfice des populations de notre zone.

Comment concilier cette ambition avec les risques de non paiement ? En d’autres termes, comment construire un système financier inclusif sain ?
C'est vrai, on ne peut parler d'inclusion financière que dans un secteur financier solide. Pour cela, il faut renforcer l'éducation financière des populations, faire en sorte qu'elles soient mieux protégées contre les risques de surendettement, de tarification abusive, de discrimination et de pertes de leurs dépôts, par une surveillance et une réglementation appropriées.

Il importe également de mettre à la disposition des institutions bancaires et de micro finance, des outils leur permettant de réduire l'asymétrie d'information entre elles et leurs clients.

D'où la mise en place d'un Bureau d'Information sur le Crédit dans chacun des pays de l'Umoa. Par ailleurs, il y a lieu de renforcer la supervision des institutions financières et anticiper les principaux risques, notamment de fraude et de faillite.

Quel rôle les banques commerciales et le système financier décentralisé doivent-ils jouer dans cette politique?
Les banques commerciales et les systèmes financiers décentralisés ont leur rôle à jouer dans la stratégie d'inclusion financière. La promotion de la bancarisation constitue un canal privilégié d'insertion des couches sociales les plus défavorisées dans le tissu économique et social. Ainsi, la Banque centrale, en concertation avec la profession bancaire, a pris des mesures visant une réduction et une rationalisation graduelle des conditions de banque appliquées à la clientèle, dans le strict respect du principe de libéralisation desdites conditions en vigueur dans l’Union. L'ouverture d'un compte est devenue un droit et certains services bancaires doivent désormais être gratuits.

Les Sfd sont, par excellence, ceux qui sont facilement accessibles aux populations les plus défavorisées. Ils contribuent à la réduction de la pauvreté en encourageant l'accumulation et l'allocation optimale de l'épargne et, d'autre part, le financement d'investissements productifs. Ils offrent aux pauvres l’opportunité d’accéder au capital et à l’investissement nécessaires à leur autonomie financière ainsi qu'à la réduction de leur vulnérabilité face aux catastrophes naturelles et aux urgences sociales (maladies, événements sociaux et autres). De plus, ces services sont censés être plus accessibles et moins onéreux.

Quel peut être l’apport des technologies de l’information et de la communication dans la politique d’inclusion financière ?
Les nouvelles technologies de l'information et de la communication ont permis à notre zone, une évolution rapide de l'inclusion financière, grâce à la forte progression de l'offre de services financiers innovants, notamment le mobile banking. Le nombre de titulaires de comptes de monnaie électronique a considérablement augmenté depuis 2010.

Par ailleurs, le rôle des médias est déterminant dans l'éducation et la sensibilisation des populations sur la question financière.

On constate que de plus en plus de personnes physiques ont accès aux services financiers. Mais le rythme est plus lent pour les Pme. Comment expliquez-vous cette situation ?
La nature et le niveau des besoins sont différents en ce qui concerne les Pme. Celles-ci sont perçues par le système bancaire et financier comme une clientèle à risque élevé en raison notamment des insuffisances de gouvernance d'entreprise, de faible qualité de leurs informations comptables ainsi que de capitaux propres.

Cette problématique va au delà de la stratégie d'inclusion financière. C'est la raison pour laquelle un programme spécifique de soutien au financement des Pme/Pmi a été initié par la Bceao. Il consiste, pour l'Institut d'émission, d'une part, à rendre les crédits aux Pme/Pmi plus attractifs pour les établissements de crédit, en réduisant les risques attachés au financement de cette catégorie d'entreprises, notamment le risque de liquidité et, d'autre part, à amplifier la portée des mécanismes d'appui au financement des Pme/Pmi existants dans l'Uemoa.

 

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