Toumani Diabaté, musicien koriste malien : « Notre culture vaut mieux que l’or et le pétrole »

10 - Octobre - 2016

Toumani Diabaté, musicien koriste malien : « Notre culture vaut mieux que l’or et le pétrole »

Inspiré par 72 générations de griots, le virtuose Toumani Diabaté a porté et continue de porter très haut la kora. La réputation du musicien malien se confond avec le grand rôle qu’il a joué pour la promotion de la kora à travers le monde. Avec deux Grammy Award, l’artiste fait, aujourd’hui, partie des musiciens les plus titrés sur le continent. A Dakar, dans le cadre du projet « Songhaï 3 », en compagnie d’artistes espagnols, Toumani Diabaté est revenu, dans cet entretien, sur ce projet artistique, la place de la kora dans la musique...

Comment votre kora s’est-elle adaptée à la musique flamenco ?
Je pense que les instruments traditionnels ou la musique africaine tout simplement ne parlent que leur langue. La kora ne parle que mandingue. Le sabar sénégalais aussi ne parle que wolof. Si Mbaye Dièye Faye ou Doudou Ndiaye Rose (paix à son âme) jouent le sabar, ils peuvent le faire avec n’importe quelle musique. Toutefois, ils resteront toujours dans le mbalax. Je n’ai joué que ma musique. Je remercie Dieu de m’avoir permis de jouer, durant ma carrière, avec beaucoup de musiciens à travers le monde. Dans ce projet, nous avons mis ensemble les deux musiques pour donner naissance à une nouvelle sonorité.

Que rapporte ce métissage entre la kora et le flamenco ?
Les Gitans, c’est une longue histoire traditionnelle. L’Espagne est un grand pays culturel avec beaucoup de diversités. Une rencontre apporte toujours quelque chose, car il s’agit d’un rendez-vous du donner et du recevoir. Comme la musique a un langage universel, elle est perçue de la même manière que l’on soit à Dakar, Madrid, Bamako ou Chicago. La particularité avec les Espagnols, c’est qu’on ne parle pas la même langue. On ne peut pas communiquer entre nous, mais ce projet dure pourtant depuis 29 ans. Aujourd’hui, on est parvenu à faire deux albums ensemble et on continue toujours de jouer. La musique a son langage, et c’est fabuleux.

Vous avez eu beaucoup de récompenses dans votre carrière, qu’est-ce que cela vous fait ?
J’ai eu deux Grammy Awards. Je suis l’un des musiciens les plus titrés au Mali. J’ai eu tous les prix qu’un artiste peu avoir dans le monde. Je suis très fier de cela. Aussi, j’ai été Docteur honoris causa, l’année dernière, en Angleterre, à l’Université Soas de Londres et ambassadeur de l’OnuSida pendant quatre ans pour la lutte contre cette maladie dans le monde. C’est toujours une fierté d’avoir une reconnaissance. Personnellement, mon problème, ce n’est pas d’être le plus grand joueur de kora au monde ou le numéro 1 dans l’histoire, mais d’être tout simplement un bon musicien. Je suis un « guéwel » et je suis fier d’appartenir à 75 générations de griots.

Qu’est-ce que cela vous fait d’avoir réussi à la promotion de la Kora dans le monde ?
J’éprouve un sentiment de fierté, car c’est notre culture. Aujourd’hui, à part l’aspect économique, l’Afrique n’a que sa culture. Nous devons être fiers de notre culture et porter ce flambeau partout comme nos ainés, à l’image de Youssou Ndour, Ismaïla Lô, Baaba Maal, Salif Keiïa…, ont eu à le faire. Je suis content de pouvoir contribuer au développement de la culture. La kora est devenue très populaire. Il y a de jeunes joueurs de kora. Actuellement, on retrouve le son de la kora dans la musique reggae, électronique. Mais également dans le rap ou le folk. Et c’est extrêmement important pour un instrument. S’il y a un instrument qui représente la carte d’identité de la culture mandingue, c’est bien la kora. Elle reste l’unique outil qu’on ne retrouve nulle part ailleurs que dans l’empire mandingue.

Vous avez fait un duo avec votre fils Sidiki. Cela veut-il dire que chez vous la musique est une affaire de famille ?
La kora fait partie de l’histoire de la famille Diabaté. Mon père est né en Gambie, mon grand-père Balla Diabaté est né au Mali. Et moi, je suis né aussi au Mali. Juste pour vous dire que la kora est, pour nous, une histoire de famille. Dans nos familles, il y a les producteurs de kora et les joueurs de kora. Il y a des familles qui sont propriétaires de kora, et la mienne fait partie de celle-ci.

Quel regard portez-vous sur la musique malienne ?
Le Mali, c’est le cœur de la culture en Afrique. Quand je parle du Mali, je fais aussi allusion au Sénégal, à la Gambie, la Guinée-Bissau et la Guinée Conakry. Notre culture vaut mieux que l’or et le pétrole.

Vous arrive t-il d’écouter de la musique sénégalaise ?
J’adore la musique sénégalaise, parce que c’est ma musique. Ma tante est de Mbour et son père, Kadialy Sousso, jouait au Théâtre national Daniel Sorano, dans l’Ensemble lyrique instrumental traditionnel. C’est le lieu de présenter mes condoléances à tous les acteurs culturels sénégalais qui sont décédés. Je suis fier de ce que les chanteurs sénégalais sont en train de faire.

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