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Traque des biens mal acquis, version Macky Sall UNE EXIGENCE, MILLE NON-DITS !

07 - Mars - 2018

L’ordonnance de non-lieu dont a bénéficié l’ex-sénatrice libérale Aida Ndiongue, longtemps en bisbille avec Dame justice pour détournement de deniers publics, remet au goût du jour la lancinante question de la traque des biens dits mal acquis au Sénégal. Une profession de foi de tout nouveau pouvoir, après Alternance politique, mais qui débouche à la longue sur du pipo. Quand la reddition des comptes ne proclame tout simplement pas la justice des vainqueurs ! Focus sur la traque des biens, version Macky Sall.

Présentée comme l’un des principaux chantiers engagés par Macky Sall au lendemain de son élection, en mars 2012, la traque des biens dits mal acquis fait irruption dans la scène politique le 8 novembre 2012. Huit mois après l’avènement de la seconde alternance politique à la tête de l’État sénégalais, donnant corps à l’engagement de campagne électorale du candidat de l’Apr pour une reddition intégrale des comptes, la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), créée en 1981 et qui n’avait pas été activée depuis près de trente ans, entre en scène sous la dictée du Procureur spécial près la Crei, Alioune Ndao.

En conférence de presse, le magistrat annonce le démarrage officiel des activités de cette juridiction d’exception chargée de traquer les «délinquants à col blanc». Lors de cette rencontre avec les journalistes, le Procureur spécial Alioune Ndao présente même une liste de 25 personnalités du régime libéral sortant dont certains ne tardent pas à séjourner à la prison de Rebeuss. Dans la liste du Procureur spécial, on relève des noms comme ceux de ...Karim Wade, de l’ancienne sénatrice Aïda Ndiongue, d’Abdou Aziz Diop du Fncl, de Thierno Ousmane Sy, ancien conseiller du président Wade aux Ntic, de Ndongo Diaw, ex-Dg de l’Artp, voire de Baila Wane, ex-Dg de la Lonase et Tahibou Ndiaye, ex-Dg du cadastre. Sept interdictions de sortie du territoire touchent également les dignitaires libéraux comme Oumar Sarr, ancien ministre de l’Habitat, Madické Niang, ex-ministre des Affaires étrangères, Ousmane Ngom, ex-ministre de l’Intérieur.

Au centre du combat de la reddition des comptes, on retrouve le ministre de la Justice devenu plus tard chef du gouvernement Aminata Touré qui fait de la traque des biens son cheval de bataille. Conséquence immédiate : la justice frappe au cœur du système avec l’inculpation pour enrichissement illicite, le 17 avril 2013, de Karim Wade, l’ancien ministre d’Etat libéral et fils du président sortant en compagnie de ses présumés complices dont Ibrahima Khalil dit Bibo Bourgi, Pape Mamadou Pouye, Abdou Diassé, entre autres. Dans le dossier d’accusation, la Crei fixe le patrimoine de Karim Wade à 117 milliards de Francs Cfa en lieu et place des 694 milliards avancés par le procureur Alioune Ndao dès les premières heures de l’enquête sur la traque des bien supposés mal acquis. Karim Wade est finalement condamné après un long procès à…six ans d’emprisonnement et à une amende de 138 milliards de francs CFA. Le 24 août 2016, il était gracié par décret présidentiel, avec certains de co-accusés, avant de « s’exiler » au Qatar. Les Sénégalais relevaient que près de quatre ans après l’enclenchement de la traque, le bilan était loin d’être élogieux en termes de recouvrement des milliards de l’argent public détourné. Pour le reste, on assistait à un ralentissement notable de la cadence dans le déroulement de la procédure.

ENTRE MEDIATION PENALE ET TRANSACTION JURIDICO-FINANCIERE

Après avoir ainsi affirmé, au tout début de la traque, que tout détournement allait être remboursé jusqu’au moindre centime, le régime de Macky Sall optait, en coulisses, pour la médiation pénale. Pour éviter le mandat de dépôt ou simplement bénéficier d’une liberté provisoire, certains pontes libéraux et hommes d’affaires vont casser leur «tirelire». Ce fut le cas de l’ancienne administratrice du Fonds de promotion économique (Fpe), Ndèye Khady Guèye, en prison depuis le 4 février 2013, qui recouvrait la liberté en s’acquittant d’une caution de 1,5 milliard de francs Cfa constituée essentiellement de biens immobiliers. Idem pour Tahibou Ndiaye, ex-Dg du cadastre qui a lui aussi bénéficié d’une liberté provisoire après avoir payé une caution de près de 3,6 milliards. Amadou Kane Diallo, ancien Dg du Conseil sénégalais des chargeurs (Cosec) suivait le même chemin pour humer l’air de la liberté. Quant à Abdoulaye Baldé, ancien ministre libéral et maire de Ziguinchor, un temps indexé et mis sous administration judiciaire, il jouit paisiblement de tous ses droits comme patron de la capitale du Sud et des Centristes du Sénégal.

CHASSE AUX SORCIÈRES OU VOLONTE DE LIQUIDATION POLITIQUE

La traque des biens supposés mal acquis, dite exigence citoyenne, par le régime de Macky Sall n’avait pas manqué d’être qualifiée par l’opposition, et surtout le Pds, de «chasse aux sorcières» contre ses membres. Pour cause, Me Wade et les libéraux n’ont jamais perçu la traque des biens supposés mal acquis comme une procédure ayant pour objet de restituer au contribuable sénégalais des biens détournés, mais plutôt comme la «traque d’adversaires politiques», en particulier Karim Wade devenu par la force de Me Wade candidat du Pds à la présidentielle de 2019. Pouvait-on cependant le leur reprocher, au vu du bilan mitigé de la reddition des comptes en termes de poursuites judiciaires ciblées, de recouvrement tendancieux (cf polémique avec Mimi Touré), voire d’implication citoyenne. La traque des biens dits mal acquis version Macky Sall n’avait pas dérogé à la règle. Comme de coutume au Sénégal, après chaque alternance, la gestion des vaincus est auditée. La gestion du Parti Socialiste l’avait été par le Pds, lui-même attrait à la barre de la Crei, par l’Apr de la même façon, dans une sur-médiatisation, en donnant la même impression que la montagne accoucherait forcément d’une souris, à défaut de proclamer le triomphe de la justice des vainqueurs.

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