Wade-Karim: une aventure ambiguë
En reprenant les rênes de son parti, l’ex-président Abdoulaye Wade semble être dans une dynamique de conforter sa position de principal opposant à Macky Sall. En tout cas, le Parti démocratique sénégalais (PDS) qu’il dirige a démontré, lors des législatives du 30 juillet, qu’il est le l’opposant le plus représentatif.
Wade dont la coalition est la seule à avoir un groupe parlementaire, a été revigoré par les résultats obtenus, mais aussi par la promptitude de nombreux Sénégalais à lui rappeler que cela avait été une erreur de le débarquer. Alors, il n’est pas faux de dire que Wade reprend du service, en politique.
Toutefois, il a devant lui deux obstacles majeurs : Le premier est l’état dans lequel se trouve son parti, et le second est les conditions dans lesquelles se trouve son fils Karim, manifestement exilé au Qatar au gré d’un protocole qui se précise de jour en jour.
Le Pape du Sopi se sait vieux. Il n’est pas Robert Mugabe et ne désire même pas être à nouveau Président de la République. Cependant, il sait aussi que son parti est dans un piteux état. Le Pds n’est aujourd’hui que l’ombre de lui-même. Nombre de ses anciens chefs de guerre comme Pape Diop, Ousmane Ngom, Souleymane Ndéné Ndiaye, Aliou Sow, Aida Mbodji, Farba Senghor, Pape Samba Mboup, Serigne Mbacké Ndiaye, Abdoulaye Baldé, et bien d’autres, ont lâché le navire pour créer des partis politiques ou des mouvements. Rien n’est plus comme avant. La gestion du Coordonnateur Omar Sarr a été très décriée. Le parti a par ailleurs subi les assauts du régime de Macky Sall qui s’était fait un devoir d’embastiller tous ceux qui avaient tenté de dire du mal d’eux. L’article 80 sur l’offense au Chef de l’Etat a été utilisé contre pas moins de 20 responsables de ce parti en 5 ans.
Certains, comme l’influent Ministre Samuel Sarr, ont dû entrer dans une forme d’hibernation politique.
Certains proches de Wade comme Habib Sy, Awa Ndiaye, Bécaye Diop, Innocence Ntap Ndiaye, pour ne citer que ceux-là, ont rejoint « le Macky ».
L’ancien Chef de l’Etat est conscient du fait qu’il doit se résoudre à ne compter que sur un groupe de fidèles comme Doudou Wade, Babacar Gaye, Me Amadou Sall, Me Madické Niang, etc.
Pis, à l’image des responsables, nombre de militants ont aussi jeté l’éponge pour investir l’Alliance pour la République (APR) du Président Sall.
Une situation qui, pourtant, ne préoccupe Wade qu’à moitié. Il a foi en ses capacités à faire régénérer sa formation politique en comptant sur de nouvelles têtes.
Tous hors-la-loi
Cependant, ce qui le préoccupe vraiment, c’est le sort réservé à son fils. Juriste, il sait que l’on est plus, dans cette affaire, dans le cadre de la loi, mais des rapports de force. Une fois la grâce prononcée et que le livre d’écrou signé, le citoyen sénégalais est justement libre de ses mouvements. C’est cela la loi. Mais Macky passe outre, en intelligence avec les négociateurs du dossier et le Qatar comme Etat-garant.
Ils sont tous alors hors-la-loi.
Pourtant, l’Ambassadeur de l’Arabie Saoudite au Sénégal vient de confirmer cet état de fait en expliquant qu’une délégation qatarie a voulu faire revenir Karim et que Macky a dit niet. Comme quoi, Karim ne peut pas renter au Sénégal et qu’il est en otage.
Pendant ce temps, son père, selon des sources bien confirmées, négocie également avec le Grand Manitou au Palais de la République.
L’aventure de Wade nous semble ainsi ambiguë, lui qui s’affiche comme l’opposant dur au régime mais qui, en coulisse, négocie.
Or, s’il n’a pas les moyens juridiques, diplomatiques et politiques de faire revenir son fils, c’est qu’il vieillit vraiment. A moins qu’il n’y ait un deal avec Macky et cela parait plus plausible.
Rien ne sous semble clair dans ces relations entre le principal chef de l’opposition, son fils au Qatar et le Président Sall. Il y a trop de non-dits, de la victimisation, de la rétention d’informations, du saupoudrage et autres.
La preuve, s’il n’y avait aucune entente dans cette affaire, Karim qui serait vraiment en exil, aurait pu au moins communiquer sur son état. Or, il fut un moment où il y avait une rupture diplomatique entre le Sénégal et le Qatar, ce qui aurait permis de mettre en mal Macky. Mais, non, Karim, son père et les autres sont restés muets.
Pourtant, on peut exiler quelqu’un mais, on ne peut pas l’empêcher de s’exprimer. Et c’est là où le bât blesse dans cette affaire.
Wade ne nous dit pas toute la vérité et Macky non plus.