Audition avortée de Khalifa Sall: l'impasse

23 - Novembre - 2017

La Commission ad hoc devant entendre le Maire de Dakar, dans le cadre de la levée de son immunité parlementaire, ne s’est pas rendue à Rebeuss comme cela devrait être le cas hier.

Tout indique que le Maire de Dakar n’a pas souhaité les recevoir dans ces conditions de sa détention préventive pour la levée d’une immunité dont il ne jouit pas.

L’autre obstacle, c’est que ses partisans ont improvisé des manifestations sanctionnées par l’arrestation de certains d’entre eux devant la porte de la prison. Une situation délétère qui n’a pas manqué d’être dissuasive pour ces parlementaires de la majorité.

L’audition du Maire de Dakar va ainsi être reportée à une autre date ultérieure, quand on sait qu’elle est exigée par la loi afin de pouvoir ouvrir un éventuel procès.

Or, comme le disent ses avocats, Khalifa ne peut pas se déplacer car seul un juge peut l’y autoriser pour le recevoir parce qu’il n’est pas libre. Autre contradiction, il devra assurer sa propre défense devant ses pairs et la commission d’un ou d’avocats ne sera que pour l’assister selon le règlement intérieur de cette illustre institution.

Nous assistons alors incontestablement à un imbroglio judiciaire rare dans une démocratie majeure où les institutions sont censées fonctionner correctement.
Tout est parti du refus de l’ex-Ministre de la Justice, Me Sidiki Kaba, et partant du Parquet et de la Justice toute entière, de reconnaitre cette immunité. Les recours introduits en conséquence n’ont jamais prospéré du fait justement de la théorie de ‘’l’antériorité des faits’’ pour lesquels il est poursuivi par rapport à son statut de député. Une théorie manifestement erronée sur laquelle le Procureur est revenu pour demander effectivement que l’immunité soit levée.

C’est vrai qu’entre temps, il y a eu changement au Ministère de la Justice, cela peut avoir été déterminant dans la conduite à tenir, mais les dégâts sont déjà là. Un citoyen sénégalais élu député et qui bénéficie de facto et de jure de l’immunité parlementaire, en est privé et croupit encore dans les liens de la détention.

Conséquence, les 11 députés sont en train de s’activer pour lever quelque chose dont ils niaient l’existence mais, qui, dans tous les cas, n’est pas appliqué.

Personne ne peut se prévaloir de sa propre turpitude

Alors, quand il s’est agi de lever l’immunité, la procédure a buté sur le fait que l’intéressé est en détention et qu’il doit pourtant comparaitre libre. En droit, on ne peut pas se prévaloir de sa propre turpitude. Et les autorités doivent désormais réfléchir à cela.

Il nous semble, en effet, que tout n’est pas perdu. Le juge, puisque c’est de lui qu’il s’agit, en l’occurrence celui qui doit signer l’ordonnance de liberté provisoire, peut encore s’y atteler du fait de l’immunité et réparer une injustice. A partir de ce moment-là, le député-Maire qui en jouirait désormais pourrait ainsi déférer aux convocations, librement.

Autre enseignement de cette affaire, c’est que nous sommes en train de jouer avec le feu. Le fait de voiler allégrement des dispositions comme l’immunité est une atteinte grave à la seconde institution de la République qu’est l’Assemblée nationale, censée être l’organe de contrôle de l’action gouvernementale.
Me Assane Dioma Ndiaye l’a si bien dit que l’on ne va pas s’y attarder davantage.

Seulement rappeler aux détenteurs du pouvoir actuel que celui-ci va immanquablement changer un jour de mains et qu’il sera important pour eux de se sentir en sécurité dans un Etat où le droit est sacré. A défaut, on ouvre la boite de pandore pour laisser portes ouvertes à l’injustice, la répression insidieuse contre de réels ou potentiels opposants comme cela se passe dans la sous-région, chez nos voisins.

Le Sénégal mérite mieux. Et les Sénégalais avaient élu un jeune Président pour qu’il les fasse entrer, irrémédiablement, dans l’espace des démocraties majeures où seul le droit compte.

Malheureusement, nous assistons à des reculs, qu’importe ce que pensent les autres. Le sentiment d’injustice crée la révolte légitime chez les gens qui se sentent opprimés.

Et notre Justice devrait être la première à être sauvée dans ce naufrage démocratique où la loi du plus fort prédomine.

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