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Djibril Samb, "les savants de gare’’ sénégalais et "la défaite spirituelle" de l’Afrique

07 - Janvier - 2019

Le philosophe sénégalais Djibril Samb raille les "savants de gare" sénégalais dissertant sur la perte de valeurs supposée et d’autres choses encore, soulignant être davantage interpellé par "la défaite spirituelle de l’Afrique noire devant l’Occident et l’Orient", problématique qui constitue à ses yeux "le père des problèmes africains".

Selon l’éminent platonicien sénégalais, "(....) le problème le plus fondamental, le père des problèmes africains, que le philosophe de ce temps rumine impuissant, c’est la défaite spirituelle de l’Afrique noire devant l’Occident et l’Orient, d’abord à partir du VIIe-VIIIe siècle avec l’Orient, puis dès le XIVe-XVe siècle avec l’Occident".

"Et je suis malheureux de ne voir se dégager aucune pensée africaine suffisamment perspicace et puissante, courageuse aussi, pour prendre l’exacte mesure de cette question qui met en évidence la profonde aliénation de l’esprit négro-africain exilé sur ses terres domestiques et assujetti à des spiritualités allogènes, qu’elle fait ou croit siennes", a-t-il déclaré dans un entretien paru dans l’édition de lundi du quotidien Le Soleil.

"Malheureusement, au Sénégal, les savants de gare aiment à parader et à disserter sur toutes choses, employant à mauvais escient, d’un air entendu, des concepts très complexes", a répondu le philosophe, prié de dire ce qu’il pensait de "la perte de valeurs dans la société sénégalaise".

"Si l’on connait approximativement les connotations du terme +valeur+, on s’abstiendrait de parler de +pertes de valeurs+", souligne Djibril Samb, avant de faire une revue historique de ce concept dans l’histoire des idées, du relativisme des valeurs prôné par Protagoras au Ve siècle avant Jésus Christ aux conceptions du XIXe siècle avec le psychologisme, la phénoménologie et Nietzsche.

Ce dernier "proposera un renversement de la table axiologique. Un tel renversement ne se fait pas uniquement par un acte volontaire, mais il peut résulter d’une ère de transition", fait observer l’universitaire à la retraite, spécialiste réputé de la philosophie ancienne et médiévale.

"Il est vraisemblable que la société sénégalaise vive une transition de cette nature et que l’expression +perte des valeurs+ en soit une forme de prise de conscience un peu maladroite", note Djibril Samb, ancien directeur de l’Institut fondamental d’Afrique noire (IFAN) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.

"Mais, il faut savoir que les sociétés humaines sont ainsi faites, qu’elles ne cessent de déplorer l’abandon des valeurs traditionnelles, quad c’est elles-mêmes qui en sont les opératrices", a-t-il conclu.

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