Faut-il s’inquiéter du niveau d’endettement du Sénégal ?

07 - Novembre - 2017

Suite à l’alerte du FMI sur le niveau d’endettement du Sénégal qui frôle la barre des 65% de son PIB, le ministère de l’économie et des finances nous sort un communiqué pour nous tranquilliser en nous indiquant la notation de Moody’s comme preuve de la solidité de notre économie. A mon avis, il faut essayer d’expliquer de manière pédagogique à la population sénégalaise ce qui se cache derrière ces notations, sur le recours système à l’endettement par nos autorités et essayer de voir s’il faut s’inquiéter de cette tendance ou pas.
D’abord, il faut comprendre que ces notations attribuées par ces agences sont destinées aux investisseurs et ne constituent aucunement un marqueur de développement. L’attribution de ces notes correspond aux perspectives de remboursement et à la capacité de tenir ses engagements envers ses créanciers. La notation financière constitue pour un investisseur (privé, institutionnel ou Etat), un critère pour estimer le risque lié à ses investissements dans un pays donné.
D’ailleurs, tous les points sur lesquels Moody’s se base pour attribuer une note sont liés aux situations qui permettent à l’Etat de garder une certaine solvabilité pour rembourser ses dettes, et il n’est nullement fait référence dans ces notes d’un développement quelconque du pays.
Les quatre principaux critères de notation sont : la solidité économique, la solidité institutionnelle, la solidité fiscale et le risque événementiel.
La solidité économique du Sénégal est portée pour une grande partie par les activités des entreprises étrangères (françaises, chinoises, indiennes, turques, marocaines etc.) Ainsi, une grande partie de la croissance économique est captée par des étrangers. Donc le pays est économiquement solvable pour Moody’s, mais ce que l’histoire ne dit pas c’est que notre économie est organisée pour permettre à des entreprises étrangères de faire des affaires et de rapatrier 100% de leurs bénéfices nets, ce qui nous prive de capitaux pour un développement endogène.
La solidité institutionnelle est vérifiable sur le respect d’un Etat de droit, sur les comportements et la respectabilité des gouvernants, mais si on voit la facilité de reniement de la parole présidentielle, la confusion dans laquelle s’est installée notre justice, les comportements au niveau de l’Assemblée Nationale, il y a lieu de se demander si nous avons des Institutions solides.
La fiscalité de l’Etat, dépend essentiellement des facteurs de production, des activités économiques, de la consommation, des impôts divers etc. Cela veut dire, qu’il faut qu’il y ait une certaine activité économique pour générer une fiscalité positive pour l’Etat. Malheureusement, nous constatons chaque jour une dégradation du tissu économique, ce qui n’augure pas une bonne collecte fiscale pour l’Etat.
Lorsque Moody’s parle de risque événementiel, il pense à des événements qui peuvent menacer la stabilité d’un pays ; par exemple des guerres, des révoltes ou des émeutes. Même si ces genres de menaces ne sont pas imminentes pour le Sénégal, il y a lieu de penser qu’une certaine instabilité liée surtout à la gestion de l’affaire Khalifa Sall ou celle de Karim Wade peut pousser Moody’s à dégrader sa note.
Le ministère de l’économie et des finances nous parle de la note attribuée au Sénégal comme étant une preuve du succès de sa politique économique et financière. La note du Sénégal, d’après le document que j’ai lu est de Ba3. Il faut comprendre ce que cette note signifie avant de tirer des conclusions hâtives. Dans sa classification, Moody’s a un rating de Ba qui est divisé en Ba1, Ba2 et Ba3. Donc dans cette catégorie, il y a le bon, le moins bon et le mauvais. La notation Ba signifie en anglais, « Non-investmentgrade,speculative » que l’on peut traduire simplement comme spéculatif, c’est-à-dire, une dette spéculative qui peut ainsi être attaquée par des spéculateurs. En plus ça concerne des emprunts long terme ce qui veut dire que ces dettes seraient payées par les générations futures. Le Sénégal est donc dans la zone dangereuse et c’est pour cela que le FMI a sonné l’alerte. Il faut savoir qu’après Ba qui signifie spéculatif, vient B qui veut très spéculatif et ensuite, Caa qui correspond àune situation risquée.
Eh bien, si le ministère de l’économie et des finances veut nous faire croire que tout va bien et en plus sa seule stratégie de levée de fonds vers le Sénégal est l’endettement, il est de notre devoir d’alerter la population que de l’austérité n’est pas à exclure car si nous continuons à s’endetter au-delà des 70% du PIB autorisé dans la zone CEDEAO, nous allons payer des taux d’intérêt plus élevés, ce qui va augmenter le service de la dette.
Certains disent que l’Etat s’endette pour faire des investissements, mais encore faudrait-il qu’il y ait un retour sur investissement car si nous prenons le cas de l’aéroport de DIAS dans lequel l’Etat s’est endetté et qu’aujourd’hui, on nous dit que c’est un grand groupe français qui a la concession du Duty free, alors que le bon sens serait de permettre à des privés sénégalais de l’exploiter afin que les retombées soient directement injectées dans l’économie sénégalaises au lieu de se volatiliser encore une fois vers l’étranger.
Je pense qu’il y a lieu de s’inquiéter du niveau d’endettement du Sénégal et il faudrait que les Sénégalais sachent que ces notations des agences internationales même très positives, ne mesurent pas notre niveau de développement, mais notre capacité à rembourser nos dettes. Si vous ramener ça au niveau d’un père de famille qui s’endette pour construire sa maison, c’est pas parce qu’il rembourse son loyer qu’il y a toujours à bien manger à la maison. Et pour que la maison puisse être soldée et entrer dans le patrimoine familial, le papa doit pouvoir payer la totalité de l’emprunt.
Ibrahima Wade
Secrétaire général Un Autre Avenir

Autres actualités

17 - Mars - 2020

Coronavirus : Les messes et le pèlerinage au lieux saints de la chrétienté suspendus jusqu’à nouvel ordre au Sénégal

Les Evêques du Sénégal passent à la vitesse supérieure dans leur campagne de sensibilisation et de protection des populations contre le coronavirus. Après...

17 - Mars - 2020

Justice : Le ministre Me Malick Sall donne des précisions sur la reprise de « certaines audiences » au tribunal de Dakar.

À la suite de la reprise de « certaines audiences » de flagrants délits pour régler « certaines questions de liberté », le ministre de la...

17 - Mars - 2020

Le ministre de l’Éducation nationale, Mamadou Tall s'exprime suite à la suspension des enseignements dans les écoles à cause du Coronavirus : « Nous sommes dans une dynamique de continuité pédagogique »

La rapide propagation du coronavirus à Mbacké a appelé chez les autorités sénégalaises des décisions inédites. Lors d'une réunion...

17 - Mars - 2020

Peste, variole, choléra… : Plongée dans l'histoire des épidémies meurtrières au Sénégal

Le Sénégal renoue depuis quelques jours avec les épidémies, avec ses 27 cas confirmés de coronavirus. Des épisodes épidémiques meurtriers...

14 - Mars - 2020

Coronavirus : Macky Sall prend plusieurs mesures

Le président de la République a annoncé samedi plusieurs mesures dont la fermeture des écoles et universités pour une durée de trois semaines, dans le...