Lutte contre la corruption au Sénégal : les conditions ne sont pas réunies
L’Office nationale de lutte contre la contre la fraude et la corruption (Ofnac) a rendu public avant-hier, un rapport-diagnostic sur l’état de la corruption au Sénégal.
Eh bien, l’Ofnac a répété ce que tout le monde savait : Les forces de sécurité, la santé et l’éducation sont en tête.
Oui, mais, après ? Transparency international le répète tout le temps dans ses rapports de ce genre. Nous avons une administration et une société ‘’corruptogène’’. L’heure n’est plus alors au diagnostic. Nous savons tous ce qu’il en est. Et surtout, n’accusons pas nos traditions et notre culture. Cela n’a rien à voir. Les causes sont ailleurs, surtout dans nos faibles mécanismes de prévention et de répression.
L’Ofnac, présentée comme l’artillerie lourde dans cette lutte, ne se trouve pas forcément adaptée. C’est une machine intéressante mais grippée par des tares que l’année dernière, en, pareil moment, le conseiller anti-corruption à l’Office des Nations unies de lutte contre la drogue et le crime, Samuel de Jaegere, avait listées. C’était le 09 décembre 2016.
Il avait dénoncé, et à juste titre, des manquements graves dont souffre l’Ofnac, liés notamment au mode de nomination de ses membres, surtout le Président, au mandat de 3 ans, insuffisants, à l’absence d’expertise de ses enquêteurs, au fait que ces derniers ne peuvent pas mener des perquisitions, des fouilles, etc.
Il s’y ajoute le fait que les magistrats du Parquet auxquels sont destinés les rapports, ne sont pas indépendants vis-à-vis du Ministère de la Justice. Ils ne bénéficient pas de l’inamovibilité et peuvent être sanctionnés par leurs supérieurs en cas de dénonciation.
Conséquence de tout cela, c’est que l’Ofnac perd son temps à commanditer des enquêtes coûteuses dont tout le monde connaissait le résultat. Or, il est important que l’institution nous dise ce qu’il en est des dossiers de corruption et des activités de lutte préventive enclenchées y compris dans les écoles.
L’Ofnac a en effet besoin d’un plan d’action efficace, au double plan de la prévention et de la répression. Ses moyens financiers qui ne sont pas rendus publics (une autre faiblesse), doivent être suffisants. Et son Président doit être protégé.
Malheureusement, ce qui s’est passé avec le prédécesseur de l’actuelle Présidente, en l’occurrence Nafi Ngom Keïta, ne milite pas en faveur de la pugnacité de l’actuelle. L’antécédent du limogeage ou de la non-reconduction de Mme Keïta va encore longtemps peser sur l’institution. On l’a à l’œil et elle le sait.
Or, celle-ci doit être libre, crainte et respectée. Mieux, elle doit pouvoir, dans les prochaines semaines, proposer des solutions et une posologie adaptée.
Ça ne sert à rien de diagnostiquer si l’on ne fait rien. A ce propos, une réforme de l’Ofnac même s’impose en s’intéressant au mode de nomination de ses membres, à leur statut, à la durée de leurs mandats, à leur compétence, leur expertise, son budget, etc.
Il faut des personnalités indépendantes et rendre obligatoires les poursuites en cas de saisine de l’Ofnac.
L’institution doit être forte, indépendante, outillée par son expertise. Or, ce n’est pas actuellement le cas. Certes elle est utile, mais pas suffisamment opérationnelle.
La preuve, l’année prochaine, on sera là encore à faire des diagnostics.
La lutte contre la corruption dans la plupart des pays africains souffre notamment des mêmes tares liées au fait que les gouvernants qui ont en général quelque chose à se reprocher, ne vont jamais scier la branche sur laquelle ils sont assis. Ils continuent à mettre le coude sur certains dossiers, ce qui fausse le jeu et rend la lutte actuellement impossible à gagner.