60 ans du traité de Rome : Jacques Delors, l’architecte inquiet

20 - Mars - 2017

60 ans du traité de Rome : Jacques Delors, l’architecte inquiet

L’ancien président de la Commission européenne a multiplié les mises en garde depuis 2005.
Jacques Delors se voyait en « ingénieur de la construction de l’Europe ». L’ancien président de la Commission européenne entre 1985 et 1995 ne s’est pas contenté d’être le digne héritier des « pères fondateurs », qui ont imaginé et négocié le traité de Rome. Depuis Bruxelles, il a joué les architectes pour façonner les contours de l’Europe contemporaine, au cours d’une période aux allures d’âge d’or, quand on la compare aux multiples crises du moment, qui mettent à nu les faiblesses de son grand œuvre.

L’ex-ministre de l’économie de François Mitterrand a orchestré la mise en place du marché commun. L’acte unique, signé en 1986 par les douze Etats membres de l’époque, reste son « traité favori ». Le texte prévoit de tenir les promesses esquissées par les « pères fondateurs » sur la libre circulation des personnes, des marchandises, des capitaux et des services. A l’époque, même Margaret Thatcher, dont Jacques Delors deviendra l’une des bêtes noires, se félicite de l’initiative. La première ministre britannique sera nettement moins satisfaite de voir le socialiste plaider avec succès en faveur d’un dispositif de solidarité envers les régions les plus pauvres du continent, contribuant à augmenter le budget européen.

Une Europe à la carte

Ce pragmatique, qui prône la création d’une « fédération d’Etats nations », n’hésite pas à défricher des territoires inconnus. Il encourage les capitales à multiplier les transferts de souveraineté, par petits groupes si nécessaire, au point de préfigurer l’émergence d’une Europe à la carte. L’espace Schengen de libre circulation des citoyens a été créé par un noyau d’Etats membres, dont la France et l’Allemagne, en 1985, et sera repris peu à peu dans la législation communautaire.
« L’Europe n’a avancé, depuis qu’elle s’est élargie, que par différenciation »

Le président de la Commission a surtout largement inspiré le projet d’union monétaire : placé sous sa présidence, le « comité Delors » a esquissé les contours de l’euro dès 1989. La naissance de la monnaie unique sera négociée au forceps, laissant, là aussi, deux pays à l’écart, le Royaume-Uni et le Danemark. « L’Europe n’a avancé, depuis qu’elle s’est élargie, que par différenciation », a-t-il reconnu à l’occasion des cinquante ans du traité de Rome, en 2007.

Le « père fondateur de la nouvelle Europe », comme l’a qualifié Manuel Valls, a bénéficié d’astres favorables. Il s’est appuyé sur l’étroite.

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