En Allemagne, l’émergence d’une gauche antimigrants
Le projet divise les observateurs de la scène politique allemande. Les uns veulent croire à une initiative sans lendemain, avant tout motivée par le désir d’émancipation d’une députée à l’ambition dévorante, trop à l’étroit dans son propre parti ; les autres voient au contraire le début d’une aventure prometteuse, qui pourrait bousculer en profondeur la vie politique du pays.
Tous, cependant, sont d’accord pour dire que le mouvement « Aufstehen » (« Debout ») lancé, mardi 4 septembre, par Sahra Wagenknecht, qui entend pour l’heure rester coprésidente du groupe Die Linke au Bundestag, est un symptôme : celui d’une gauche allemande en pleine crise existentielle. Celle-ci est confrontée à une érosion inédite de son socle électoral, concurrencée par une extrême droite plus conquérante que jamais et sommée d’apporter des réponses à des questions jugées longtemps secondaires mais aujourd’hui centrales dans le débat public, celle de l’immigration au premier chef.
Sahra Wagenknecht, 49 ans, occupe une place à part dans la vie politique allemande. Débatteuse redoutée, invitée régulière des talk-shows télévisés, où sa beauté sévère et son verbe mordant font merveille, elle jouit d’une exposition médiatique inversement proportionnelle à son poids politique. Membre du Bundestag depuis 2009, elle a toujours défendu des positions intransigeantes au sein de sa famille politique, au risque de se mettre à dos la majorité de ses camarades.
« Naïveté »
Soucieuse de défendre la mémoire de la RDA à une époque, celle des lendemains de la réunification, où il était de bon ton de la condamner en bloc ; continuant à se dire « marxiste » quand presque plus personne, dans son parti, n’ose célébrer l’auteur du Capital ; en porte-à-faux avec la ligne officielle de Die Linke en raison de son soutien affiché au gouvernement russe, de ses griefs répétés contre l’Union européenne et de sa critique acharnée de l’OTAN, elle s’est surtout fait remarquer...