Abus sexuels en Centrafrique : une enquête de l’ONU nuance les accusations

18 - Octobre - 2016

Abus sexuels en Centrafrique : une enquête de l’ONU nuance les accusations

Après la consternation et le dégoût devant la multiplication des cas d’abus sexuels commis en Centrafrique par des casques bleus de la mission de l’ONU – la Minusca – et des soldats français de la force Sangaris, voilà maintenant le temps du doute et de la suspicion. C’est un nouveau rebondissement dans une affaire qui empoisonne depuis près de deux ans les plus hautes autorités de l’ONU et le ministère de la défense français.

Un rapport confidentiel de Mercedes Gervilla, qui dirige le groupe de la déontologie et de la discipline de l’ONU, auquel Le Monde a pu avoir accès, met en doute la réalité d’un grand nombre d’abus sexuels qui auraient été commis entre 2013 et 2015 par des casques bleus burundais et gabonais et des soldats français déployés à Dékoa. Selon ce document, des victimes auraient été incitées à produire de faux témoignages à charge contre les soldats, en échange, dans ce pays rongé par une misère extrême, d’une compensation financière.
Témoignages « pauvres en détails »

Datée du 24 août, cette note, adressée au secrétaire général adjoint de l’ONU chargé de l’appui aux missions de maintien de la paix, se base sur un rapport intermédiaire du bureau des services de contrôle interne de l’organisation (OIOS). Ce bureau est chargé d’enquêter sur 150 accusations d’abus sexuels et d’exploitation sexuelle par des casques bleus et des soldats français, lancées entre mars et juin 2016. Sur la base des informations divulguées, le parquet de Paris avait ouvert une enquête. Le secrétaire général Ban Ki-moon avait dénoncé devant le Conseil de sécurité un « cancer de l’organisation ».

La réalité pourrait s’avérer plus nuancée. L’OIOS juge que « 50 % des cas ne sont pas étayés par des preuves et seuls 20 % présentent des preuves incontestables », selon le document, et « les 30 % restant présentent des éléments de preuve ne pouvant être corroborés ». Les cas d’abus sexuels n’ont pas pu être étayés ; les « preuves incontestables » concernent des cas d’exploitation sexuelle, en échange notamment de nourriture.

Le document met en doute la véracité des témoignages recueillis sur le terrain par les enquêteurs, qui ont passé environ quatre mois dans la région de Kémo à interroger 435 témoins et plaignants. Le rapport insiste sur la répétition de « témoignages parfaitement identiques », « pauvres en détail », et assure que certaines victimes semblent réciter un « script mémorisé ».
Porter plainte pour extorquer de l’argent

L’OIOS dénonce aussi le rôle d’une ONG locale, mandatée par l’Unicef, qui aurait entretenu un système de pots-de-vin encourageant des victimes à porter plainte pour obtenir de l’argent. Ces sommes étaient ensuite extorquées par un travailleur humanitaire de cette ONG. Une porte-parole de l’Unicef, Marixie Mercado, souligne que le versement d’argent à de présumées victimes d’abus sexuels est un mécanisme de « routine ». « L’Unicef n’a pas pour rôle de déterminer si une personne qui se présente comme victime a effectivement été maltraitée ou exploitée sexuellement », ajoute-t-elle.

« Ce rapport est symbolique des failles de l’ONU », assure Peter Gallo, un ancien enquêteur de l’OIOS, et « il ne va servir qu’à discréditer les victimes qui ont reçu de l’argent et à minimiser les cas d’abus sexuels ». Il dénonce par ailleurs les méthodes « inadaptées » de l’OIOS, qui se contente d’une liste de questions « prédéterminées » alors qu’il est toujours très difficile de trouver des preuves dans les cas d’abus sexuels.

En France, trois enquêtes judiciaires sont en cours sur ces cas d’abus sexuels, mais pour l’heure aucun soldat entendu n’a été mis en examen. Si les conclusions de l’ONU « sont avérées, c’est extrêmement grave et des poursuites pourraient être envisagées », souligne-t-on au ministère de la défense. Par ailleurs, on dénonce « la légèreté de l’Unicef, qui n’a pas vérifié les accusations ». L’OIOS devrait rendre la version finalisée de son rapport dans les prochaines semaines.

Autres actualités

29 - Décembre - 2018

Egypte : après une attaque contre des touristes, les autorités annoncent avoir abattu « 40 terroristes »

Répondre au défi du terrorisme par des annonces musclées, c’est le choix que semblent faire les autorités égyptiennes. Au lendemain d’une attaque...

28 - Décembre - 2018

A Bogota, le « contre-monument » hommage aux victimes des guérillas colombiennes

Des murs blancs et nus de 8 mètres de haut, des baies vitrées qui donnent sur des ruines et des fougères, le silence, un sol d’acier. Fragmentos (« fragments...

28 - Décembre - 2018

L’Indonésie redoute un nouveau tsunami

Moins d’une semaine après le tsunami qui a fait, selon un dernier bilan, plus 430 morts et près de 1 500 blessés, les autorités indonésiennes ont...

27 - Décembre - 2018

Indonésie : quelques jours après le tsunami, l’activité du volcan Anak Krakatoa inquiète

Cinq jours après le tsunami qui a fait 430 morts, 1 495 blessés et 159 disparus sur les îles de Sumatra et Java, l’Indonésie surveille de près le volcan...

27 - Décembre - 2018

Les leçons de civisme de Dan Crenshaw, républicain indépendant

S’aventurer en territoire hostile relève du quotidien pour un membre des forces spéciales. Dan Crenshaw a beau avoir quitté les unités d’élite de...