Alioune Tine sur la nécessité de pacifier la sphère politique «IL EST TEMPS D’ASSEOIR UNE CULTURE DEMOCRATIQUE...»

12 - Avril - 2018

En cette période préélectorale caractérisée par un manque de confiance et une forte tension entre acteurs politiques, notamment entre le pouvoir en place et l’opposition, le besoin d’apaisement s’impose. C’est la conviction exprimée par Alioune Tine, ancien Directeur régional d’Amnesty international pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Acteur actif de la société civile, il revient dans cet entretien sur l’urgence de bâtir au Sénégal une «démocratie majeure» susceptible de gérer les contentieux avec beaucoup de courage et de sérénité, tout en ayant à l’esprit «l’intérêt général».

A l’approche de la présidentielle de 2019, n’est-il pas temps de créer les conditions d’un apaisement de l’espace politique marqué par une forte tension entre le pouvoir et l’opposition ?

C’est une absolue nécessité pour tous les acteurs impliqués dans le processus électoral de dialoguer, de trouver des consensus, et vraiment de faire preuve de grande sérénité et de responsabilité. Je pense que ça correspond à une attente très large de tous les citoyens sénégalais pour qu’on sente qu’on peut aller vers des élections transparentes, démocratiques, apaisées, qui permettent à celui qui va être élu demain de gouverner tranquillement. Ça c’est très important.

On entend souvent les gens parler de dialogue, de consensus. Mais comment s’y prendre ?

Ce sont les acteurs qui sont dans le processus. Ils doivent s’entendre, se concerter sur les règles du jeu électoral. Un peu partout, c’est comme ça. Maintenant, la caractéristique fondamentale de la démocratie, c’est le conflit. La polémique est consécutive de la démocratie. Ce conflit et cette polémique doivent être régulés, se faire selon un certain nombre de règles qui permettent d’éviter les violences physiques, les violences verbales assez excessives. Dans le cadre où nous sommes, dans une période électorale, on ne peut pas empêcher la polémique. L’essentiel est que chacun puisse faire son offre politique et que les Sénégalais aient la liberté de choisir et qu’on avance. Il est temps, aujourd’hui, d’asseoir une culture démocratique qui n’aboutisse pas tout le temps aux violences, qui ne fasse pas l’objet de contentieux très lourds, qui ne suscite pas des méfiances et des défiances, des signaux assez forts de tensions ou de conflits politiques inutiles.

Peut-on dire que le Sénégal est épargné de toute violence électorale, comme le prétendent certains qui évoquent la vitalité démocratique du pays ?

Depuis quand même 2000, nous avons des alternances, mais on constate qu’en dépit de tout, toutes les élections sont marquées par des conflits. En 2000 et 2007, il y a eu des contentieux. En 2011, on a eu des problèmes. On s’approche de 2019, ce serait bien qu’on essaie de trouver un équilibre entre toutes les parties, de manière à y aller avec sérénité et tranquillité.
Maintenant, il faudrait peut-être réfléchir pour que, de manière définitive, on ne ressente plus une élection présidentielle comme une espèce de menace sur la paix, sur la stabilité politique et qu’on comprenne que la démocratie, ce n’est pas seulement les élections. Au delà des élections, c’est comment on peut avoir une forme démocratique renforcée, surtout le vivre ensemble. Donc, je pense qu’au delà de tout, il faut inviter à méditer sur notre but de vie. Quel est ce but ? Comment nous pouvons le construire en ensemble ? Comment faire pour renforcer le vivre-ensemble ? Je pense, quand même, qu’il faut qu’on revienne à la devise qui nous permet de construire un Sénégal vraiment qui soit fort, qui fait confiance en lui-même, qui soit réconcilié avec lui même et avec ses fils, ses filles, ses Institutions, sa société. Je pense que tout ça, c’est un processus à long terme. Mais, il faudrait qu’on s’y attache de plus en plus du fait même également de ces genres de menaces qui ont beaucoup ébranlé un certain nombre d’Etats en Afrique.

Y a –t-il vraiment un risque ?

Il faut être conscient que nous sommes dans un environnement de plus en plus complexe, un environnement géopolitique caractérisé par beaucoup de menaces souvent difficiles à saisir. Pendant ces moments, il faut que nous puissions avoir toute notre raison et toute notre sérénité pour gérer toutes difficultés de façon responsable. C’est à partir de ce moment qu’on peut parler de démocratie majeure au Sénégal. Une démocratie majeure est celle où nous pouvons avoir les capacités à gérer les contentieux, quelle que soit leur nature, avec beaucoup de courage, de célérité, d’intelligence, tout en ayant à l’esprit l’intérêt général. Il me semble que c’est ensemble que nous pouvons dire : «nous avons un but, ce but nous le partageons ensemble, ces principes et ses valeurs, nous les partageons ensemble». C’est le moment peut-être d’avoir à l’esprit toutes ces choses là pouvoir avancer.

Peut-on alors considérer cette nécessité de convergence vers l’intérêt général comme un préalable à tout dialogue ?

Oui, il nous faut également la stabilité, la responsabilité de dire : «Ecoutez, il faut faire vite pour que les gens se retrouvent de façon globale, pour que, si nous avons des difficultés, comme effectivement aller à des élections transparentes, des élections apaisées, les gens s’entendent sur le minimum. Que tous les Sénégalais disent qu’on peut y aller aujourd’hui, confiants, sans stress, sans peur. Parce que, dès qu’on parle des élections en Afrique de manière générale, il y a des menaces. Il y a eu beaucoup de changements ces temps-ci qui permettent vraiment de rassurer les gens. Grâce à Dieu, le Sénégal a su, chaque fois qu’il y a des soucis énormes, trouver les ressources endogènes nécessaires pour pouvoir surmonter les difficultés, les défis. Pour résumer, je dirais que le Sénégal est un peuple qui a une grande capacité de résilience. Je pense qu’on peut compter sur la sagesse, l’expérience historique démocratique, mais également sur le courage des Sénégalais de façon globale, pour faire en sorte d’évacuer tous les risques d’échec. C’est ça le courage aussi.

Qui est le grand gagnant, dans cette situation marquée par une forte tension entre acteurs politiques ?

Je ne peux pas dire que quelqu’un est responsable de ceci ou de cela. C’est que, nous sommes dans un processus, si vous voulez, historique, démocratique. Les processus historiques et démocratiques ne sont pas linéaires. Il faut bien le comprendre. Il y a des hauts et des bas. Maintenant, il y a beaucoup d’enjeux. Les technologies de l’information se développent. Il y a de nouvelles ressources, beaucoup d’unités de capacité de s’informer, de publier l’information. Il y a tout. Il y a la capacité à avoir son blog, à être sur tweeter, facebook. Sans compter également que tout le monde n’a pas les mêmes responsabilités pour dire : «Ecoutez, ce que je suis en train de manipuler, ça peut avoir tel effet pervers, etc». Tout ça, c’est que nous sommes dans un univers un peu plus complexe qu’avant. Donc, il faut le prendre en compte, pour voir comment nous pouvons utiliser toutes ces ressources pour le bien public et pour l’intérêt général.

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