Ankara clôt son intervention militaire en Syrie

30 - Mars - 2017

Ankara clôt son intervention militaire en Syrie

Le premier ministre turc, Binali Yildirim, a annoncé, mercredi 29 mars, que l’opération militaire menée par Ankara dans le nord de la Syrie était terminée. « L’opération “Bouclier de l’Euphrate” est un succès et elle est achevée. Toute autre opération qui suivra portera un autre nom », a déclaré M. Yildirim.
Lancée en août 2016 avec la bénédiction de la Russie, l’incursion militaire turque dans le nord syrien prend fin après que les ambitions de la Turquie sur le terrain ont été contrées par ses alliés. Ces dernières semaines, la Russie et les Etats-Unis n’ont eu de cesse de bloquer de façon concertée les avancées de l’armée turque et de ses alliés rebelles syriens, notamment sur Manbij, une ville de la plaine du nord de la Syrie, reprise par les milices kurdes YPG – proches du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, interdit en Turquie) – à l’organisation Etat islamique (EI), quelques jours avant l’incursion turque en août 2016.
Sueurs froides
Récemment, sous prétexte de « surveiller » le cessez-le-feu, des soldats russes se sont installés avec armes et bagages dans le canton kurde d’Afrine, attenant à la Turquie, apparemment sans que le président turc, Recep Tayyip Erdogan, en ait été informé par le Kremlin. Empêchée d’avancer à l’est (Manbij), bloquée à l’ouest (Afrine), l’armée turque s’est retrouvée, de facto, empêchée de progresser.
La Russie est redevenue, à l’été 2016, la grande partenaire de la Turquie, avec laquelle elle a négocié la reddition de la rébellion anti-Bachar Al-Assad à Alep, la ville martyre du nord de la Syrie. Mais, depuis peu, Moscou semble avoir pris fait et cause pour le Parti de l’union démocratique (PYD) dont les YPG sont le bras armé, ce qui n’est pas sans susciter des sueurs froides à Ankara.
Cousin du PKK, et donc qualifié de « terroriste » par le pouvoir turc, le PYD jouit d’excellentes relations avec Moscou. Une représentation du parti y a été ouverte récemment tandis qu’une « conférence kurde » s’y est tenue en février. Dernièrement, le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a une fois de plus insisté pour que des représentants des Kurdes syriens du PYD soient présents aux négociations de Genève.
Cette coopération a le don d’ulcérer Ankara, qui n’a guère apprécié le projet de Constitution imaginé par les Russes pour la Syrie. Dévoilé lors des négociations de paix à Astana (Kazakhstan), ce projet comportait la mention d’un certain degré d’autonomie pour les Kurdes syriens. Ankara affirme n’avoir aucun grief contre le peuple kurde de Syrie (environ 2 millions de personnes) mais s’oppose à la création d’une région autonome kurde dirigée par sa bête noire, le PKK.
No man’s land à la frontière
L’incursion militaire turque au nord de la Syrie visait deux objectifs : nettoyer des djihadistes de l’EI les territoires jouxtant la frontière et empêcher les combattants kurdes syriens de faire la jonction entre leurs cantons à l’est et à l’ouest. Le premier est achevé, le second est en question, tout comme l’ambition de M. Erdogan de « sécuriser une zone de 5 000 kilomètres carrés » dans le nord de la Syrie pour y installer des réfugiés.
La Turquie héberge actuellement 3,5 millions de réfugiés syriens sur son sol tandis que plusieurs dizaines de milliers de personnes sont coincées dans un no man’s land à la frontière turco-syrienne, fermée à double tour depuis la signature de l’accord Turquie-UE sur les migrants.
Source d’irritation supplémentaire pour la Turquie, l’allié américain mise, lui aussi, sur les milices kurdes dans son combat contre l’EI en Syrie. Combattants aguerris, véritables moines-soldats, ces milices seront le fer de lance de l’offensive à venir sur Rakka, l’un des derniers bastions des djihadistes dans l’est de la Syrie. A cet effet, le Pentagone a commencé à armer les Forces démocratiques syriennes (FDS), une coalition militaire arabo-kurde dont les milices YPG sont le noyau.
Il s’agit d’un camouflet pour le président Recep Tayyip Erdogan, dont l’armée, la deuxième de l’OTAN en nombre d’hommes, semble avoir été tenue à l’écart des opérations. L’offensive sur Rakka et plus largement la situation en Syrie seront au centre des discussions avec Rex Tillerson, le secrétaire d’Etat américain, en visite à Ankara jeudi 30 mars.

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