Ankara veut éviter la rupture avec Berlin

25 - Juillet - 2017

L’Allemagne menace la Turquie de sanctions économiques, alors que de nombreux litiges empoisonnent les relations entre les deux pays depuis la fin du printemps 2016.

Mu par un soudain souci d’apaisement, le gouvernement turc a renoncé à ses velléités de poursuites contre 700 sociétés allemandes implantées en Turquie et soupçonnées de financer le terrorisme. Lundi 24 juillet, Suleyman Söylu, le ministre turc de l’intérieur, a appelé son homologue allemand, Thomas de Maizière, pour l’assurer que la liste déposée auprès d’Interpol avait été retirée. Il a évoqué « un problème de communication » pour expliquer la volte-face des autorités turques, promptes à voir partout des « terroristes » adeptes du prédicateur Fethullah Gülen depuis la tentative de putsch qui lui est attribuée et qui a failli renverser le président Recep Tayyip Erdogan, le 15 juillet 2016.
La liste « noire » des 700 entreprises allemandes – dont des poids lourds tels que BASF et Daimler – constitue l’un des nombreux litiges qui empoisonnent les relations entre Berlin et Ankara depuis la fin du printemps 2016. Pour avoir voté une résolution, au Bundestag, reconnaissant le génocide des Arméniens pendant la première guerre mondiale, pour avoir donné l’asile politique à des officiers turcs de l’OTAN accusés de sympathies progülenistes, pour avoir refusé d’accueillir les meetings des ministres du gouvernement islamo-conservateur avant le référendum constitutionnel du 16 avril élargissant les pouvoirs du président turc, l’Allemagne s’est retrouvée dans le viseur de M. Erdogan.
« Sérieuse crise de confiance »
Neuf Allemands sont actuellement emprisonnés en Turquie, dont le journaliste Deniz Yücel, depuis février, et le militant des droits de l’homme Peter Steudtner, arrêté début juillet à Istanbul avec Idil Eser, la directrice d’Amnesty International pour la Turquie. Alors que la détention de M. Steudtner a été prolongée, il n’a pas encore eu droit aux visites de son consulat, faute d’autorisation des autorités turques.
Lire aussi : La tension croît entre l’Allemagne et la Turquie
La tension est encore montée d’un cran, mi-juillet, quand Ankara a refusé à des députés du Bundestag l’accès à la base de l’OTAN de Konya (centre de la Turquie) où des allemands en Jordanie. Une « sérieuse crise de confiance », oppose les deux pays, selon le ministre turc des affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu.
Il aura toutefois fallu que Berlin décide de frapper la Turquie au porte-monnaie pour ramener le gouvernement islamo-conservateur à de meilleurs sentiments. En l’espace de vingt-quatre heures, deux des principaux ministres d’Angela Merkel, Sigmar Gabriel (affaires étrangères) et Wolfgang Schäuble (finances), sont montés au créneau en fin de semaine dernière, la chancelière elle-même étant restée assez modérée au sujet de la Turquie au cours des derniers mois. Ce que ne se prive pas de lui reprocher le social-démocrate Martin Schulz, qui l’affrontera aux législatives du 24 septembre.
Avec plus de 6 000 entreprises en Turquie, l’Allemagne joue un rôle moteur pour la croissance et pour l’emploi
Mais l’attitude envers la Turquie n’est pas un véritable sujet de clivage à l’intérieur de la grande coalition entre sociaux-démocrates (SPD) et conservateurs (CDU). Jeudi 20 juillet, M. Gabriel interrompait ses vacances pour annoncer une « réorientation » de la politique allemande vis-à-vis de la Turquie et expliquer qu’« on ne saurait conseiller d’investir dans un pays où la sécurité n’est pas garantie ». Le lendemain, dans le quotidien Bild, M. Schäuble dissuadait ses concitoyens de se rendre en Turquie, expliquant que l’évolution du pays lui « rappel[ait] la façon dont les choses se passaient en RDA ».
Lire aussi : Turquie : crépuscule sur la démocratie
Une rupture avec Berlin, qui a aussi menacé de mettre fin aux garanties publiques d’investissements d’entreprises allemandes en Turquie et de revoir l’attribution des fonds européens de préadhésion de la Turquie à l’UE, ne serait pas à l’avantage de M. Erdogan, dont l’économie se remet à peine d’une spirale de difficultés, survenues surtout après le putsch raté.
Premier partenaire commercial de la Turquie, principal pourvoyeur de touristes avec 3,9 millions de visiteurs en 2016 et deuxième investisseur étranger, l’Allemagne, avec plus de 6 000 entreprises implantées en Turquie, joue un rôle moteur pour la croissance et pour l’emploi. Le fait que la monnaie locale, la livre turque, a baissé de quelques points lundi – même si cela est à mettre au compte de l’appréciation de l’euro face au dollar – a sans doute contribué à calmer l’ardeur querelleuse du gouvernement turc.

Autres actualités

21 - Octobre - 2019

En Belgique, les socialistes entrouvrent la porte à une coalition avec l’alliance néoflamande

Paul Magnette a été élu, samedi 19 octobre, à la présidence du Parti socialiste francophone belge avec 95,4 % des voix. L’ancien ministre-président...

20 - Octobre - 2019

La contestation gagne de l’ampleur au Liban, pour la quatrième journée de manifestations

De plus en plus nombreux, des centaines de milliers de Libanais ont manifesté, dimanche 20 octobre, dans une ambiance festive pour réclamer, du Nord au Sud du pays, le départ...

19 - Octobre - 2019

Au Mexique, la libération forcée d’un fils d’« El Chapo » embarrasse le gouvernement

La polémique ne cessait d’enfler au Mexique au lendemain de la libération, jeudi 17 octobre, d’un des fils du célèbre narcotrafiquant Joaquin Guzman, alias...

19 - Octobre - 2019

En RDC, l’Eglise catholique se lance dans la bataille anticorruption

C’est un nouveau combat qu’entame Isidore Ndaywel e Nziem, 75 ans, intellectuel respecté, à la tête du Comité laïc de coordination (CLC). Ce collectif...

18 - Octobre - 2019

Brexit : le miracle de Bruxelles se reproduira-t-il à Westminster ?

Un petit miracle a eu lieu, jeudi 17 octobre à Bruxelles. Le premier ministre britannique, Boris Johnson, est parvenu, en une semaine à peine de négociations, à...