Au Brésil, la haine de Lula dope l’extrême droite
Ronaldo Morena Fuentes, 44 ans, n’a jamais aimé Luiz Inacio Lula da Silva. Selon lui, l’ancien chef d’Etat brésilien au pouvoir de 2003 à 2010 n’a fait que « développer une légion de bons à rien qui ne veulent pas travailler » en distribuant des subventions aux plus pauvres, comme la Bolsa Familia (« bourse famille »).
Coiffeur pour dames dans le quartier huppé d’Higienopolis à Sao Paulo, la capitale économique, Ronaldo Morena Fuentes appartient à cette petite bourgeoisie pauliste hermétique aux idées de gauche, qui a toujours voté blanc ou à droite, se laissant, à l’occasion mais sans conviction, séduire par le Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB, droite).
Alors Ronaldo hésite. Mais pour lui, tout vaut mieux que le PT
Pour le scrutin présidentiel du 7 octobre, son choix est fait : Joao Amoedo, du Partido Novo (droite), un entrepreneur libéral. Mais son champion n’est crédité que de 2 % à 3 % des intentions de vote, selon les sondages Ibope et Datafolha publiés les 18 et 20 septembre, quand Fernando Haddad, le poulain de Lula, empêché de se présenter à la suite de son emprisonnement pour corruption, affiche un score entre 16 % et 19 %. Assez pour être présent au second tour. Alors Ronaldo hésite. Pour épancher sa détestation du PT, il est prêt à voter pour Jair Bolsonaro, le candidat d’extrême droite, qui fait la course en tête (28 %). Le militaire de réserve, nostalgique de la dictature, défenseur de la torture au discours homophobe, raciste et misogyne lui fait « un peu peur » et Ronaldo ne « partage pas toutes ses idées ». Mais tout vaut mieux que le PT.
Au sortir d’une récession historique qui a fait bondir le chômage et a rogné le pouvoir d’achat sous le mandat de Dilma Rousseff, la dauphine de Lula, nombre d’électeurs comme Ronaldo sont tentés par ce qu’ils appellent un « vote utile » : appuyer celui qui aura le plus de chances de l’emporter contre une gauche honnie. Une rage assez puissante.