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Au Brésil, Lula investi candidat à la présidentielle, Fernando Haddad confirmé comme colistier

06 - Août - 2018

Le Parti des travailleurs a confirmé dimanche soir le ticket Luiz Inacio Lula da Silva-Fernando Haddad pour la présidentielle alors que la justice s’apprête à déclarer Lula inéligible.

« La politique, c’est l’art de l’impossible », aime à répéter Lula. Le prisonnier le plus célèbre du Brésil semble se surpasser en la matière. Non seulement il a réussi à se faire investir par le Parti des travailleurs (PT, gauche) réuni en convention samedi 4 août à Sao Paulo, mais les sondages le donnent toujours favori du scrutin présidentiel qui doit se tenir en octobre, avec 30 % des intentions de vote après quatre mois d’incarcération. Depuis le fond de sa cellule, l’indomptable poursuit son bras de fer implacable avec les juges et compte bien imposer son agenda aux autres candidats.
« Je suis Lula », ont lancé plus de 2 000 partisans à la convention du PT, portant le masque de leur leader détenu à 400 kilomètres de là. « Ils s’imaginaient que Lula perdrait de son prestige. Mais le peuple connaît Lula et nous sommes face à une bataille décisive », a lancé Fernando Haddad, l’ex-maire de Sao Paulo âgé de 55 ans.
Celui-ci a été désigné comme colistier de l’ancien président (2003-2010) tard dans la soirée de dimanche après quatre heures de négociations entre le PT et le Parti communiste. C’est lui qui sera amené à le remplacer en cas d’inéligibilité. La candidate communiste à la présidentielle, Manuela d’Avila, devrait renoncer à sa candidature pour rejoindre le ticket du PT aux côtés de Fernando Haddad si Lula est exclu de la course. 

Inéligibilité quasiment certaine
La candidature de Lula doit être officiellement enregistrée d’ici au 15 août, date à partir de laquelle le Tribunal supérieur électoral pourra se prononcer sur son inéligibilité. Celle-ci est considérée quasiment certaine en vertu d’une loi interdisant la candidature de personnalités condamnées en deuxième instance pour corruption ou blanchiment d’argent, ce qui est précisément le cas de Lula.
Ses avocats font néanmoins valoir que les voies de recours n’ayant pas été épuisées, leur client devrait être éligible au titre de la présomption d’innocence. Le tribunal aura jusqu’au 17 septembre pour prendre sa décision, soit seulement trois semaines avant le scrutin. Le président du tribunal, Luiz Fux, a répété début août que Lula était « inéligible ».
Susceptibilités au sein de la gauche
En choisissant de rester dans la course jusqu’au bout, le charismatique Lula espère transférer à la dernière minute son capital électoral à Fernando Haddad, pour le propulser au second tour. Celà, même sans être autorisé à faire campagne ou à participer aux débats, pour lesquels il sera remplacé par Haddad.
André Singer, proche de Lula et auteur du livre Lulismo (« Lulisme »), s’interroge sur cette stratégie dans une interview au site UOL et estime que Lula aurait dû désigner un remplaçant plus tôt pour que l’électorat ait le temps de se familiariser.
Fernando Haddad est méconnu hors de Sao Paulo, dans ce pays immense de plus de 200 millions d’habitants. Selon un sondage mené par DataPoder360 en juillet, si 44 % des électeurs ont entendu parler de lui, 33 % ne le connaissent pas du tout. Malgré cela, l’ancien ministre de l’éducation de Lula suscite, dans une opinion écœurée, un taux de rejet proche de celui de politiciens en vue. Celui-ci s’élève à 57 % contre 60 % pour Lula et 65 % pour Jair Bolsonaro, le candidat d’extrême droite. « Haddad est moins connu, moins charismatique, moins expérimenté et souffre comme Lula du dégoût qu’inspire le PT », note Carlos Melo, professeur de sciences politiques à l’Institut Insper.
Les tactiques de l’ex-syndicaliste ont en outre froissé les susceptibilités au sein de la gauche. Occupant tout l’espace, il a provoqué l’ire de Ciro Gomes (Parti travailliste démocratique) en fragilisant sa candidature. « Sa stratégie d’autopréservation par voie d’hégémonie sur la gauche divise celle-ci et fait le jeu de la droite et l’extrême droite », estime Oliver Stuenkel, professeur à la Fondation Getulio Vargas.
Provoquer la confusion parmi les électeurs
Quant à sa décision de continuer à faire front à la justice, les avis divergent radicalement sur son bien-fondé et ses conséquences.
Lula, qui clame son innocence, se dit persécuté par la justice, les médias et les élites. Il peut compter sur son électorat le plus fidèle qui continue à le soutenir sans faille et sur une partie de l’opinion qui juge sa condamnation trop sévère au regard des accusations de corruption bien plus graves pesant sur le reste de la classe politique.
Il a opté pour une stratégie jusqu’au-boutiste face aux juges. Au risque de polariser encore plus l’opinion, il parle déjà d’une élection « truquée ».

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